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Dans l'atelier de Fabienne Verdier: son hommage aux maîtres flamands

Publié le 09 avril 2013 par Alexia Guggémos @alexia_guggemos

PEINTURE - Après quatre années d'une méditation picturale, Fabienne Verdier va proposer dans quelques semaines au public une réinterprétation de six chefs d'œuvres de la peinture flamande du XVème siècle, Van Eyck, Van der Weyden, Marmion, Menling, Van der Goes.

L'exposition a lieu du 4 mai au 25 août, au musée Groeninge de Bruges en Belgique. Rencontre avec cette artiste rare, hors des sentiers de l'art contemporain, dont l'inspiration se concentre dans le trait.

Avec ferveur, Fabienne Verdier, 51 ans, a choisi son propre chemin: la solitude, l'incandescence et la patience. Elle tient son apprentissage unique non de l'enseignement des Beaux-Arts de Toulouse mais de la maîtrise de l'encre et la dynamique du trait acquis durant ses dix années d'initiation en Chine auprès des grands maîtres de la calligraphie. Une expérience brûlante qui fut pour elle une renaissance et qu'elle a racontée dans un livre magistral Passagère du silence (chez Albin Michel).

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Installée au cœur du Vexin depuis de nombreuses années, Fabienne Verdier a créé l'écrin qui lui ressemble: un univers en réduction où la nature se prête à la contemplation. Ou chaque événement, aussi insignifiant paraît-il, est un don pour celui qui sait le recueillir. Cet après-midi là, de fragiles pâquerettes perçaient dans l'herbe rase. Quelques dalles de pierre conduisent à la bibliothèque: dans cette grange aménagée, tapissée d'ouvrages, de pinceaux et d'épures, Fabienne Verdier se concentre. C'est là qu'elle dessine et compose. Debout ou accroupie devant sa feuille, entrant en méditation, elle est à l'écoute des pulsations du monde qui la traversent: des heures, des jours, des mois de travail et d'esquisses, de recherche sur les correspondances. Puis elle rejoint l'atelier qu'elle a fait construire sur mesure.

Lumière zénithale et fosse aménagée autour de laquelle court une galerie. C'est ici qu'elle travaille ses très grands formats posés au sol, car Fabienne Verdier a su se libérer de la feuille et de la toile pour transposer son art sur des panneaux monumentaux. Seule artiste à travailler à la verticale, elle couche ses fonds au sol et, debout au centre de son œuvre, elle se concentre et crée. Un immense pinceau de deux mètres de haut, constitué de dizaines de queues de cheval assemblées, pend du plafond par un système de poulie suspendue une dizaine de mètres plus haut. "Je fabrique moi même mes pinceaux selon des techniques, aujourd'hui oubliées auxquelles j'ai eu la chance d'être initiée."

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Chargé d'encre, le pinceau pèse près de 60 kilos. Elle s'en empare, faisant corps avec lui. C'est un pendule entre ciel et terre. Pour le guider, pour lui rendre toute la vivacité et l'énergie souhaitées, Fabienne Verdier l'a équipé d'un guidon de vélo qui le rend aussi maniable que le plus léger des pinceaux courant sur la feuille. Lui et elle ne font plus qu'un. D'un mouvement, sans remords, elle traverse la toile, d'un geste vif ou lent, en ligne droite ou en labyrinthe, inventant un langage qui atteint l'universel. Concentrée, entièrement présente à l'instant, elle libère toute l'énergie amassée. "J'essaie d'incarner dans la toile ce qui sous-tend toute chose" explique-t-elle. Pesanteur et gravitation. "Je suis un pont entre deux civilisations. Je tente d'abattre les frontières culturelles". Le trait se fait émotion. (photo: Cercle blanc, 2007)

Pourquoi aujourd'hui les maîtres flamands? "Les maîtres flamands ont sacralisé le réel, explique t'elle. Au point de transcrire jusqu'à la petite goutte de sueur ou la veine de la tempe du chanoine Van der Paele". Étude des glacis, jeux de correspondances entre ses glacis à elle qui sont à l'eau, et ceux d'un Van Eyck à l'huile. Travail sur les corps d'or, sur la réfraction de la lumière. Recherche du détail dont elle va s'inspirer pour penser son geste pictural. C'est l'exemple de la robe du chanoine: couleur, composition, matière... Fabienne Verdier perçoit le mouvement ascensionnel de cet homme en prière. Besoin de verticalité. Appel du silence.

"Comment transmettre la vie à la matière-peinture?" S'interroge t'elle dans son carnet d'atelier: par la lumière, par le mouvement, par l'élan constructeur, ou un peu de tout cela à la fois? Éblouissante instantanéité. La joie saisie en vol.

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  • Un livre: "Fabienne Verdier - L'esprit de la peinture, hommage aux maîtres flamands", entretien avec le critique d'art Daniel Abadie - Editions Albin Michel (en librairie en mai 2013)
  • L'exposition au musée Groeninge de Bruges: Fabienne Verdier anime une conférence sur l'exposition, dimanche 9 juin à 10h30
  • Galerie Jaeger Bucher, à Paris,exposition personnelle de Fabienne Verdier en octobre 2013
  • Le site de Fabienne Verdier www.fabienneverdier.com
 

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