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[notes sur la création] Alberto Giacometti

Par Florence Trocmé

« Si je savais faire (mais je ne suis pas sûr de le vouloir) si je savais faire une sculpture, une peinture comme je veux (mais je suis incapable de dire ce que je veux?). Si je savais les faire, elles seraient faites je pense depuis longtemps (je vois un tableau merveilleux et brillant mais il n'est pas de moi, il n'est de personne. Je ne vois pas les sculptures je vois le noir). » 
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« Les qualités de Derain n'existent qu'au-delà du ratage, de l'échec, de la perdition possible, et je ne crois, il me semble, que dans ces qualités-là, au moins dans l'art moderne - je veux dire, (peut-être) depuis Giotto. Derain était dans un lieu, dans un endroit qui le dépassait continuellement et toute œuvre était pour lui échec avant de l'entreprendre. Toutes les assises, toutes les certitudes valables pour au moins la plus grande partie des peintres d'aujourd'hui, sinon pour tous, même pour les abstraits, même pour les tachistes, n'avaient plus aucun sens pour lui; alors où trouver les moyens même pour s'exprimer? Un rouge n'est pas un rouge - une ligne n'est pas une ligne - un volume n'est pas un volume, et tout est contradictoire, un gouffre sans fond dans lequel on se perd. Et pourtant il ne voulait peut-être que fixer un peu l'apparence des choses, l'apparence merveilleuse, attrayante, inconnue de tout ce qui l'entourait. »  
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« ... je sais qu'il m'est tout à fait impossible de modeler, peintre ou dessiner une tête, par exemple, telle que je la vois, et pourtant c'est la seule chose que j'essaie de faire. Tout ce que je pourrai faire ne sera jamais qu'une pâle image de ce que je vois et ma réussite sera toujours en dessous de mon échec ou peut-être la réussite toujours égale à l'échec. Je ne sais pas si je travaille pour faire quelque chose ou pour savoir pourquoi je ne peux pas faire ce que je voudrais. »  
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« Jamais pour la forme, ni pour la plastique, ni pour l'esthétique, mais le contraire. Contre, absolument. »  
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« Si j'ai envie de travailler, travailler, sinon laisser tomber. Et si je travaille, ne pas penser à "battre" tous les autres, à être le plus fort, par toute vanité, pour la publicité, par pur arrivisme, comme tant d'autres. 
Ne pas me mettre sur ce plan-là. Mais comme moi je suis, où je suis, ce que moi je veux à la fois dans la vie et dans le travail. Écrire mon aventure qui est merveilleuse. »  
Alberto Giacometti, Écrits, Hermann 1990, pp. 64, 76, 84, 135 et 227 
[choix d’Isabelle Baladine Howald] 


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