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Le genre étudié par le prisme historique : la virilité

Publié le 21 avril 2013 par Juval @valerieCG

Des mouvements d’opposants au mariage pour tous, naissent de curieuses théories à propos du genre, surnommé « theorie du gender ». Autant je peux comprendre certaines divergences idéologiques, autant j’ai le plus grand mal à admettre qu’on nie la réalité d’un concept.

Prenons un autre terme : le capitalisme. On peut donner différentes définitions au capitalisme. On peut considérer qu’il faudrait qu’il change, dans un sens ou dans l’autre, ou qu’il demeure tel qu’il est, au contraire. Pourtant personne n’ira jamais dire que « le capitalisme n’existe pas c’est un mot inventé par un lobby qui veut détruire la société ».
Nous allons donc voir qu’il en est de même pour le genre. Nous l’aborderons par un prisme historique (nous aurions pu l’aborder par un prisme sociologique ou ethnologique) et je m’appuierai essentiellement sur les 3 tomes d’Histoire de la virilité sous la direction de Courtine, Corbin et Vigarello.

Vous y trouvez en page 191 du tome 1 de l’édition Seuil cette phrase « en transposant la formule de Simone de Beauvoir, un homme n’est pas né homme, il le devient, la virilité n’apparait pas comme un effet commandé par le corps. Il s’agit plutôt d’une construction sociale et d’un phénomène psychologique, lesquelles donnent, l’un et l’autre, accès à la virilité. »

Qu’est ce que le genre ?

C’est la façon dont une société éduque les hommes et les femmes qui la composent pour qu’ils deviennent, justement, des hommes et des femmes.
Je comprends tout à fait que pour certains d’entre vous les 3 tomes d’Histoire de la virilité de 500 pages chacun auraient pu se remplacer par une phrase de type « un homme a un pénis » mais nous allons voir ici que nous parlons culture et pas nature.
Si les hommes dont nous allons parler avaient en effet généralement un pénis, tous n’ont pas été éduqués de la même façon pour devenir des hommes. Tous ont du obéir à des règles qui vont changer avec le temps, les lieux et les époques et c’est ce qu’on appelle le genre.

Le genre étudié par le prisme historique : la virilité
(source : http://jpdubs.hautetfort.com/archive/2010/08/05/le-kouros.html)


Ainsi à Sparte, la cité décide, chez les nouveaux nés mâles, qui doit vivre ou mourir selon la constitution robuste ou non de l’enfant. Entre 7 et 12 ans on leur rase la tête, on les oblige à rester nus et sans chaussure pour s’endurcir ; on cherche ainsi à renforcer l’esprit de compétition et de solidarité. L’important est d’être vaillant, courageux, combattant. L’éducation fonctionne énormément sur la coercition, le fait de brimer toute liberté individuelle, de nier tout intellect. Vient ensuite un rite de passage (entre l’enfance et l’âge adulte) qui fait passer d’une virilité potentielle à une virilité assumée. On peut le traduire en 3 phases ; marginalisation, inversion, réintégration. Les jeunes sont d’abord rejetés de la ville, ils doivent vivre en volant et en chassant (par la ruse et pas par la force), ils doit avoir des  rapports sexuel avec son amant dans lequel ils sont pénétrés. Une fois ces périodes écoulées ils sont réintégrés à la cité. On retrouvera également chez Socrate, cette idée de la pénétration afin de devenir un homme et d’accéder ainsi à la virilité. La beauté masculine (bronzé, musclé et non épilé) est très importante et exaltée car elle est le symbole d’autres qualités. En revanche les statues, toujours très musclées, présentent de très petits sexes, ce que doit posséder un homme de bien (au contraire du satyre de comédie).

Ce passage est obligatoire pour devenir un mâle et vous constaterez donc de vous même que le passage à l’état d’homme en France en 2013 a quelque peu évolué. Si donc, les hommes grecs avaient également un pénis, tout comme les hommes de 2013, ils sont devenus hommes d’une manière fort différente de la nôtre.
Dés cette période, certains s’inquiètent génération après génération d’une dégénérescence de la virilité qui se perdrait, serait plus faible.

La virilité chez les Barbares comparée à celles des romains est très différente.
Chez les barbares on est poilu. On est guerrier tout au long de sa vie alors que la virilité romaine autorise à ce que les hommes âgés arrêtent de combattre. La virilité barbare n’oblige pas, comme chez les romains à avoir une vie amoureuse tumultueuse plein de partenaires ; au contraire on encourage la chasteté et la continence. Enfin la virilité barbare méprise le travail et la richesse, qui ne s’acquiert que par la conquête.

Au moyen âge, la construction de la virilité passe davantage par le cheval, l’armure, la lance que par la sexualité. On constate donc une nouvelle évolution avec l’apparition de nouvelles armes ; l’importance du sang. On est un homme quand on meurt en saignant, avec le plus de plaies possibles. on voit ainsi dans La chanson de Roland, des hommes avec le ventre ouvert qui remettent leurs entrailles en place pour s’élancer dans la bataille une dernière fois. Le nouveau type d’armes qui inflige des blessures importantes modifie la façon dont doit mourir un homme ; le plus blessé possible, saignant énormément. La sexualité reste tout de même importante pour la construction de la virilité (même si elle a profondément changé depuis l’époque grecque et romaine avec l’avènement du catholicisme et l’interdiction de la sodomie) ;  ce qui était interdit chez les barbares (viol, rapt) constitue un passage dans la virilité au moyen âge. La sexualité se passe par la masturbation, les bordels mais également le viol.

Le genre étudié par le prisme historique : la virilité

« Godefroy de Bouillon tuant un ours » in Sébastien Mamerot, 1475
(source : http://www.flickr.com/photos/renzodionigi/4042290220/sizes/m/in/photostream/ )

A l’époque moderne (à partir du XVIeme siècle), il ne s’agit plus d’être uniquement un guerrier, la « délicatesse », la courtoisie,  l’étiquette deviennent part entière du devenir homme. On vante les formations militaires accompagnées d’études de lettres, de musique et de chorégraphie.

Comme en 2013, certains s’inquiètent de cette évolution de la virilité. je cite » l’affinement des mœurs ne serait qu’effémination : oubli des vieilles forces indiscutées. Le récit du sieur d’Embry, Thomas Arthus, en 1606, est le meilleur témoin de ces inquiétudes persistantes ; mise en scène luxuriante identifiant la cour de la fin du XVIeme siècle à une « île » dont habitants ne seraient autre qu’ »hermaphrodites ». Ensemble de traits physiques détaillés, diversifiés, où les hommes inverseraient systématiquement l’apparence au viril ; « suaves odeurs » pour parfumer les lieux, « vif-argent » pour « clarifier le teint », « chaufferettes pour « friser les cheveux » . Vous constatez que déjà l’évolution du genre, du masculin inquiétait.
Montaigne, tout en décriant le duel, s’inquiétait de ce nouveau type de virilité et parle des armes nouvelles comme des armes de femme.

L’épée moderne elle même devient inquiétude et symboliserait cette perte de virilité. On embroche et on ne sabre plus. On donne un coup d’estoc plutôt que de taille. On est davantage adroit qu’habile ; moins viril donc pour certains.

Le genre étudié par le prisme historique : la virilité

Combat opposant le chevalier Palamede et Artus (ou Arthur) le petit, miniature tirée du Roman de Tristan, Maitre Charlkes du Maine, 1450-1460.
(source : http://www.artelista.com/en/great-masters/artwork/9220215187361001-combat-opposant-le-chevalier-palamede-et-artus-ou-arthur-le-petit-tiree-du-manuscrit-le-roman-de-tristan-attibue-au-maitre-charlkes-du-maine-1450-1460.html)

Constatons dans cette lettre de Gargantua à Pantagruel que si la nature existe, l’importance est la transmission et comment l’on enseigne à un enfant comment devenir un homme.

L’on s’éloigne de la violence du Moyen-âge comme en témoigne ce portrait de Charles-Quint par le Titien qui incarne, par ses attributs une nouvelle virilité.

Le genre étudié par le prisme historique : la virilité

Portrait équestre de Charles Quint à Mühlberg, Le Titien, 1548.
(source :  http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Quint_%C3%A0_cheval_%C3%A0_M%C3%BChlberg)

Nait encore un nouveau type de virilité avec Louis XIV ; le roi doit être fort, le bras armé de l’Eglise sans lui être dévoué, il doit avoir de nombreuses maîtresses. Devenu chauve en 1658, le roi repopularisa la perruque lancée par Louis XIII ; personne ne devra en porter une plus fournie et longue que lui puisque symbole de son pouvoir. Il était interdit de porter une épée devant le roi ; la perruque devint donc symbole de virilité et de force masculines. Le pouvoir devient d’ailleurs le symbole de la virilité et c’st pourquoi l’on voit Louis XIV poser de la façon suivante avec des atours apparaissant beaucoup moins virils que ceux de Charles-Quint. La virilité n’est plus guerrière elle est civile, d’état.

Comme à l’époque grecque, la beauté est importante car symbole de valeurs morales et le roi se fait peindre avec un teint clair (alors qu’il avait le teint bronzé), le visage vierge de toute cicatrice (il avait eu la petite vérole) avec le nez droit et un menton pointu.

Le genre étudié par le prisme historique : la virilité

(Louis XIV par Hyacinthe Rigaud
(source : http://blog.ciretrudon.com/2011/10/16/synesthesie-roi-soleil/ )

Constatez la profonde évolution de la représentation de la virilité entre Louis XIV et Charles-Quint. Louis XIV n’a plus besoin de s’incarner en guerrier, dans uns posture agressivité. Il lui suffit d’incarner l’état y compris dans des atours beaucoup moins virils que ceux de Charles-Quint. Au 17eme siècle, la virilité n’a plus besoin de s’incarner à travers les armes. Rappelons qu’au moment où ce tableau a été réalisé, Louis XIV était quasi impotent, obèse, affligé de maladies diverses et variées.

Le XVIIIeme siècle correspond à la première véritable interrogation sur la virilité où l’on commence à remettre en cause sa toute puissance et sa domination absolue sur les enfants (pater familias) et sur les femmes.

Le XIXeme siècle est ce que Corbin qualifie de virilité absolue. Si, jusqu’à l’âge de deux ans, filles et garçons sont vêtus de la même façon (robes longues blanches), très tôt on éduque durement les garçons.  La sexualité ne doit avoir aucune place chez l’adolescent ; certains conseillent de leur faire porter des vêtements très amples, voire des jupes afin qu’ils ne frottent pas sur leur sexe. On doit les surveiller au lever et au coucher et suffisamment les épuiser la journée afin qu’ils ne s’adonnent pas à ce qui les empêcheraient d’accéder à la virilité ; l’onanisme. la disciplines dans les pensionnats est extrêmement dure. On constate au XIXeme l’importance des lieux pour hommes ; l’estaminet, le bordel, la caserne, le pensionnat où l’on mesure sa virilité face aux autres. Le 19eme marquera la virilité de deux facteurs ; combattre et entreprendre.

Le genre étudié par le prisme historique : la virilité

Charles Crès, L’Inspection générale des exercices physiques au Prytanée, 1888
(source : http://www.riha-journal.org/articles/2012/galleries-2012/images-neo-impressionism/cres-linspection-generale/image_view_fullscreen)

Vous constaterez que la virilité a profondément évolué au cours des siècles et que l’on n’est plus un homme parce qu’on meurt sur le champ de bataille, lardé de coups d’épée. La virilité ne s’incarne plus par la violence comme cela a pu être le cas au moyen-âge. Ceci constitue donc le genre.


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