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Action - réaction

Par Makuramis

Merci aux photographes et autres personnes sensées qui ont le courage et les arguments pour prendre la parole et dénoncer de manière pertinente cette pratique infâme qu'est la banque d'images libres de droit. Je suis une photographe professionnelle ayant le malheur d'arriver aujourd'hui sur le marché de cet Art. J'entends tous les jours des particuliers ou d'ex-potentiels clients qui applaudissent les discounters et profiteurs de l'image. Je les entends qui nous encouragent, moi et les amateurs-passionnés, à travailler gratuitement, "pour notre pub". Alors pourquoi payer quelqu'un d'inconnu comme moi des "sommes astronomiques" (comprendre "pas gratuit") alors qu'on pourrait faire faire le boulot pour pas un rond par le premier clampin équipé d'un appareil photo numérique qui passe ?

C'est dans la douleur qu'il m'a fallut comprendre que dans le milieu de la photographie professionnelle, tout le monde se fiche de ton talent tant que tu n'es pas reconnu. Et quand tu es reconnu, tout le monde se fiche de ton talent tant que ta renommée perdure. Même quand un photographe manque totalement de talent, il lui suffit de mettre un joli papier doré autour d'attitudes de diva à peu près artistique pour que les clients et la gloire pleuvent. J'avoue ne pas encore avoir compris quelles sont les chevillettes magiques à tirer pour que la bobinette qui fait vivre de son art ne cherre.

La vérité, c'est que j'ai peur aujourd'hui, de ne plus y croire. La photographie est morte. Non pas comme un art, loin de là, puisque de formidables photographes produisant d'exceptionnelles photographies arrivent tous les jours dans le paysage visuel mondial. Et en ça, l'avènement du numérique a été une bénédiction. C'est la photographie comme profession qui est morte. Les droits d'auteurs sont invalidés. Les graphistes et photographes qui, dans leur folle jeunesse, villipendaient la fameuse "propriété intellectuelle" au profit de la libre (et incontrôlable) diffusion de l'art ont retourné leur chemise. Ils doivent se bouffer les doigts d'avoir encouragé une pratique qui les ampute de leur unique source de revenu. Et chaque nouvelle génération d'artiste numérique qui arrive sur le marché apporte son quota d'idiots qui bosse gratos et qui n'a pas compris que le marché de l'art est, comme son nom l'indique, un marché, au même titre que celui de l'immobilier ou du poisson.
Aujourd'hui les photographes qui veulent toucher leurs droits d'auteurs doivent baisser leur culotte. Pourquoi la presse, l'édition, la communication, devraient continuer à payer des tarifs "normaux" quand c'est possible d'avoir des images certes un peu moins personnalisées mais tout aussi qualitatives pour 1€ ? Je ne suis pas depuis longtemps dans le milieu des entreprises, mais je vous prédis déjà que ça ne durera pas éternellement. C'est la crise, la récession, la grande dépression dans la photographie !


Alors face à ce train lancé à fond la caisse, que peut bien faire le petit photographe solitaire et désorganisé ? Certains diront "se battre", "faire la révolution", "faire la grève des photos", "faire des procès". Je me gausse. J'ai même pas envie de dire que c'est le combat de David contre Goliath parce que c'est une belle et utopique histoire pour les enfants. Quand même le législateur ne peut plus rien faire pour le petit auteur, quand les jugements se rangent du côté des utilisateurs, quel espoir reste-t-il pour le droit d'auteur ?

Moi, je n'en vois aucun. Du moins dans la forme actuelle de la profession photographe. Peut-être que je suis aigrie, je réfléchi simplement à écriture haute. Mais ce métier pourrait être redéfini, institutionnalisé, comme chez les avocats et les comptables, ça limiterai sacrément la casse en donnant un cadre légal à la vente de la photographie, et du coup, un très fort pouvoir de répression contre les amateurs et toute acte commercial illégal comme le libre de droit (ça s'appelle camper sur ses positions).

Encourager les banques d'images, soutenir les derniers professionnels comme des trésors, décourager les nouveaux par des interdictions de vente et la profession s'éteindra, comme pour les bouilleurs de cru (ma grand-mère est la dernière bouilleuse de cru de son patelin). Alors toutes les photos viendront des banques, faites par des amateurs des pays riches ou des "forçats" d'europe de l'est ou d'asie, pareil que pour les baskets de marque. Ca sera génial pour l'utilisateur et génial pour les énormes groupes financiers qui s'en mettront plein les fouilles (ça s'appelle être défaitiste).

Ou alors, le photographe ne doit plus vendre de droits d'auteur et trouver autre chose, à l'instar des labos photos qui se mettent à vendre des téléphones et du matériel informatique : des produits dérivés, des livres, des tirages d'art, du conseil, des formations, de la direction artistique ... il n'y aurait plus de photographe et uniquement des entreprises de photographie. Du coup, le cadre légal est à recréer au niveau fiscal et social pour permettre cette pluri-activité sans complication administrative (ça, c'est l'option vers laquelle je tend naturellement : l'évolution).

Mais tout ça, bien sûr, c'est en admettant que les droits d'auteurs à la française soient enterrés. Allez, je me fais plaisir avec mon dernier argument merveilleux : par un incroyable élan philanthropique, le monde se réveille. Oui, pareil que pour l'environnement avec le développement durable, le recyclage, la couche d'ozone et tout ça. L'économie réalise que les photographes sont laissés pour compte et les banques d'images ferment en disant "c'est mal ce qu'on a fait, on est trop des méchants, on n'arrivait plus à dormir" ; les photographes amateurs et professionnels se donnent tous la main en pratiquant des tarifs correspondants au marché et dépendants réellement de leur talent, de leur expérience et de la demande ; les entreprises refusent d'utiliser des images qui ne sont pas payées à la valeur marché et tout le monde est heureux !

Alors ! C'est pas formidable d'être un artiste professionnel de nos jours ?!

=)


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