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Un classique de la Commune : Mes cahiers rouges

Publié le 23 avril 2013 par Labreche @labrecheblog

commune, histoireLes éditions La Découverte nous rendent le chef-d'œuvre de Maxime Vuillaume, le document le plus incontournable sur la Commune : Mes cahiers rouges, pour la première fois en intégralité, et maintenant en poche.

Ne rien taire

Publiés séparément entre 1908 et 1914, les dix Cahiers rouges de Maxime Vuillaume, fondateur du Père Duchêne (le titre de presse communard le plus connu, avec Le cri du peuple de Vallès) furent ensuite repris plusieurs fois dans une édition incomplète, compilant de larges extraits des sept premiers cahiers. Grâce au travail de Maxime Jourdan, c'est la totalité des dix cahiers qui est ici restituée, pour le plus grand bonheur de tous ceux qui s'intéresseraient à la magnifique et tragique utopie parisienne de 1871, intermède populaire, socialiste et patriote tout à la fois.

Le bonheur de retrouver enfin ces cahiers dans une version complète est à l'image du plaisir procuré par leur lecture. Car c'est bien ici un classique et un chef-d'œuvre que laissa Vuillaume, contant plus de trente ans après les faits l'une des pages hélas les plus injustement controversées de l'histoire populaire de France. Et ce qui marque avant tout en lisant ou en relisant Vuillaume, c'est peut-être la franchise de son récit. L'auteur ne tait rien, aucun doute, aucun questionnement, aucune déception, y compris à l'encontre des errements de la Commune. Au premier cahier sur la répression versaillaise de la Semaine sanglante, et ses 20 à 30 000 morts répond ainsi le second, compte-rendu précis, détaillé, parfois abject, de l'exécution par des factions communardes des otages du 24 mai (les six dont fit partie l'archevêque Darboy) et du 26 mai 1871 (les cinquante de la rue Haxo).


Notre histoire, Commune

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Le lecteur ne peut que se laisser emporter par le récit enlevé, coloré, souvent haletant, aussi bien à travers les traques et perquisitions que dans les cafés et les réunions des communards, riches en figures auxquelles la postérité rendit inégalement justice. Vuillaume éclaire ce que l'on a oublié, la fusillade du 22 janvier, le rôle de Ferry, ou, jusqu'au terme de la Semaine sanglante, la haine aveugle de l'armée versaillaise pour les soldats de Buzenval, ceux qui refusaient la capitulation face aux prussiens. Il décrit chaque joie, chaque anecdote, rumeur ou passion d'un Paris au temps suspendu. Chaque horreur de la répression, chaque traîtrise, l'arbitraire des jugements, la mort aveugle, et les coupables épargnés (notamment les responsables de la mort des otages des 24 et 26 mai).

L'ensemble forme aussi un foisonnement qui agrège documents, lettres, témoignages, notamment les deux derniers cahiers qui en sont entièrement constitués. La restitution de ce volume majeur est un pas bienvenu et indispensable dans la réhabilitation de la Commune dans l'historiographie française. Il est toujours étonnant de constater la Commune de Paris est plus abondamment étudiée en d'autres pays (notamment aux États-Unis) qu'en France, où l'historien ne s'en saisit qu'avec précaution, comme effrayé par la perspective d'un stigmate. Comme toute utopie, et comme toute répression sauvage (rappelons, pour les passionnés de bilans humains bruts, que les Versaillais firent en une Semaine sanglante près du double des morts que fit la Terreur de 1793-1794 en onze mois), la Commune mérite de trouver enfin la place qui lui est due, y compris au sein des programmes scolaires et parmi les commémorations publiques.

Maxime Vuillaume
Mes cahiers rouges. Souvenirs de la Commune
Édition intégrale inédite présentée, établie et annotée par Maxime Jourdan (1e édition : 2011)
La Découverte/Poche, février 2013, 726 p.

Crédits iconographiques : 1. © Éditions La Découverte | 2. Couverture du Fils du père Duchêne illustré (n° 10, 4 prairial an 79 / 24 mai 1871) : « Le Départ de notre bonne Commune. Eh ben ! ma bonne Commune, qu'est que tu fous donc là? ... Dame! mon petit Duchêne, je fais mes malles... puisque M. Thiers m'a foutu mes huit jours. Seulement, tu vois, je ne me presse pas trop. » (domaine public)


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