Magazine France

L'émotion Ségolène

Publié le 18 avril 2008 par Omelette Seizeoeufs

Le blog qui s'appelait Le Congrès Socialiste par ses militants que Marc Vasseur avait lancé il n'y a pas si longtemps. Nicolas l'a annoncé ce matin, expliquant - et il a raison - la fin de ce blog qui eût pu devenir un très beau lieu d'échange par les désaccords profonds entre blogueurs de gauche au sujet du rôle et des démarches de Ségolène Royal :

J'en ai marre ! Je lis les blogs, les commentaires. Nous avons des outils qui nous permettent d'échanger... La plupart des discussions tournent autour de Ségolène Royal. Les « anti » nous disent pourquoi, les « pro » nous disent pourquoi...

A la fin, toute objectivité en est perdue. Les « anti » en font trop. Du coup, les « pro » crient à l'acharnement, au machisme... sans avancer le moindre argument.

Sur le fond, Nicolas a raison : la discussion est devenue pour certains très douloureuse. Elle a atteint un stade où participants et observateurs constatent qu'aucun argument ne suffira à convaincre l'un ou l'autre camp. La raison est devenue une arme rhétorique, au service de sentiments politiques, je vais même dire : des émotions politiques.

Et voilà, pour moi, le problème actuel pour le PS, du moins dans ses incarnations blogosphériques : la question Ségolène est devenue une question profondément émotionnelle et ainsi échappe au débat. Admettons, pour l'instant, qu'il y ait une dimension irrationnelle dans certaines manifestations de la "ségolâtrie", il faut reconnaître que l'antiségolénisme de gauche est tout aussi pétrie d'humeurs et de vapeurs. Tout cela me rappelle tragiquement les jours qui ont suivi l'élection de notre Très Grand Homme (TGH). J'avais alors, dans un billet intitulé Retour de refoulé, cité une tribune du journaliste à Libé, Luc Le Vaillant. Celui-ci affirme être tellement de gauche qui avait préféré voter Chirac contre Le Pen, plutôt que Royal contre Sarkozy :

Et c'est bien la première fois qu'en choisissant le-la candidat-e du PS, je me suis senti patauger dans une mare d'amertume. A la limite, il ne me fut pas beaucoup plus compliqué de rallier Chirac pour faire obstacle à Le Pen, tant cette fois la représentante de la gauche a hissé haut le drapeau sécuritaire, chanté fort l'hymne de l'ordre régressif, et tambouriné boum-boum des discours aussi droitistes en matière économique que ceux de l'ex-ministre de l'Intérieur.

Aujourd'hui, cela fait un peu sourire, ou se tordre de douleur. Quelques autres morceaux de choix :

en matière internationale, rêver de rejoindre Angela Merkel et Hillary Clinton, lors de G7 futurs, est une façon comme une autre de liquider les clivages politiques. Comme si les dîners de filles pouvaient tenir lieu de vision du monde...

Ou encore :

La stricte égalité entre les sexes, qui ont chacun droit au masculin, au féminin et à la présidence de la République, ne peut s'accommoder d'une candidate tirant argument de sa nature, quand toute l'ambition de la gauche a toujours été de lutter contre l'état de... nature.

La femme est un homme comme un autre, n'est-ce pas? Le rôle de la gauche est de la maintenir dans son état le plus masculine. Merveilleux.

Je ne cite pas tout ça par nostalgie pour l'après-campagne, ni même pour dénoncer le machisme, mais pour rappeler à quel point Ségolène Royal a provoqué des réactions émotionnelles, qui étaient sans doute encore plus fortes chez des gens de gauche qui étaient censés taire leur réserves sur Ségolène Royal pendant quelques mois, trahissant leurs identités de gauche.

Il y aura le temps de s'attaquer aux détails de ces débats, à toutes leurs subtiles difficultés et aux animosités retorses qui en découlent. Pour l'instant, cependant, il faut simplement faire le constat de cette situation trouble et, en apparence, inextricable. L'une des choses que j'ai commencé à apprendre au cours de ma première année de bloggage, c'est qu'en politique il est important d'admettre le présent, les choses telles qu'elles sont, plutôt que refuser cette réalité sous prétexte d'en dénoncer les injustices. Le constat : l'émotion Ségolène pose problème, et elle (l'émotion) ne va pas disparaître toute seule. La question que l'on doit se poser, c'est : comment le PS va-t-il passer de cet état problématique à un état où l'existence d'une Ségolène Royal populaire ne sera pas une menace au fonctionnement du parti? Autrement dit : comment résorber l'émotion, détendre les oppositions ?

(Et je ne parle pas là d'une quelconque synthèse molle qui serait à faire. Ce serait méconnaître le poids de l'émotion. La synthèse molle sert à la noyer, non pas à la désamorcer, encore moins à en faire quelque chose de positif.)

Pour ce qui est de la blogosphère de gauche, il s'agit peut-être seulement de trouver une manière de nous étriper les uns les autres de façon constructive.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Omelette Seizeoeufs 229 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte