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L’humour de Guignol

Publié le 19 avril 2008 par Maxd

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On fête cette année le deux-centième anniversaire de la naissance de Guignol. Le père de la célèbre marionnette lyonnaise, Laurent Mourguet (1769-1844), fut d’abord un ouvrier en soie qui, comme beaucoup de ceux qui allaient devenir des canuts avec l’apparition des métiers à tisser, se retrouva au chômage sous la Révolution, le rude hiver de 1789 et la désaffection des femmes de cour pour les soieries lyonnaises au profit des indiennes aidant, sans compter les tarifs fixés unilatéralement par les bourgeois lyonnais, ce qui n’était pas de nature à augmenter le pouvoir d’achat des ouvriers. Et comme il avait une famille de dix enfants à nourrir, Laurent Mourguet finit, après avoir exercé divers petits métiers, par s’établir comme dentiste forain. En bon arracheur de dents, il installe à côté de son fauteuil opératoire, pour attirer les clients et couvrir leurs cris quand il extrait leurs dents à la tenaille, un petit théâtre de marionnettes où il anime Polichinelle dans des improvisations de petites pièces inspirées de la Commedia dell’ arte. Mais rapidement Laurent Mourguet préfère le théâtre à l’art dentaire et il installe dans le jardin du Petit Tivoli dans le quartier des Brotteaux à Lyon un petit castelet où il improvise des pièces à partir de l’actualité. Contrairement à ce qu’on croit, le premier personnage du panthéon du théâtre de Guignol ne fut pas Guignol lui-même mais Gnafron (de Gnafre, savetier en parler lyonnais), un drôle de bonhomme tout en couleur, truculent plein de jovialité et de faconde, particulièrement porté sur le Beujolais. Et c’est pour donner la réplique à ce clown rouge, que Laurent Mourguet créa en 1808 le canut Guignol, clown blanc par excellence, plus crédible qu’un ivrogne pour dire tout haut des vérités que son créateur pensait tout bas. Les autres personnages sont Madelon (la femme de Guignol), Toinon (la femme de Gnafron), le gendarme Flageolet, Cassandre le propriétaire, le juge le Bailli et bien d’autres encore.
L’origine du nom Guignol est controversée. De l’adjectif guignolant (hilarant) employé par un voisin de Laurent Mourguet quand il riait en assistant à ses pièces, du nom du village Lombard Chignolo ou encore d’un certain Monsieur Chignol, les débats sont ouverts car personne n’en sait rien.
“Du point de vue théâtral, comme dans un théâtre classique, le côté cour qui est à droite du spectateur lorsqu’il regarde la scène, s’appelle dans un castelet le côté Gui (pour Guignol). Le côté jardin qui est à gauche prend le nom de côté Gna (pour Gnafron)”. Je ne fais que transcrire ce qui est écrit sur le site web de La Société des Amis de Lyon et Guignol. On y apprend plus loin que “la tradition veut que Guignol joue à droite du public et soit tenu par la main gauche du marionnettiste. Quant à Gnafron, c’est l’inverse, il est tenu par la main droite du manipulateur. Les entrées de la rue se font du côté Gui. L’entrée des appartements se fait côté Gna.”
Mais parlons de l’esprit de Guignol qu’on peut résumer par de nombreux qualificatifs : frondeur, rebelle, chansonnier, satirique, filou, joyeux, festif, brave, bêta et râleur. Guignol, en bon défenseur du petit peuple auquel il appartient, s’attaque sans complaisance aux notables et aux édiles de l’hôtel de ville et commente l’actualité en improvisant dans les pièces de son répertoire, le tout avec l’accent lyonnais et dans le parler des canuts de l’époque. On estime d’ailleurs qu’il eut une influence non négligeable sur la révolte des canuts entre 1831 et 1834. Guignol vise si bien là où ça fait mal qu’il est victime de la censure sous Napoléon III à travers la fermeture de nombreux théâtres de Guignol (il y en avait treize à Lyon) et la difficulté d’en ouvrir de nouveaux. La violence à coups de bâton contre la Madelon fait aussi partie du théâtre de Guignol, mais on est très loin du réalisme artistique d’aujourd’hui, elle reste bon enfant, burlesque et seulement symbolique.
Comble de la consécration, le nom de Guignol est devenu un nom commun : il désigne un charlot, un gugusse, un pantin, mots que nous utilisons quotidiennement.

Cette après-midi, j’ai assisté à un spectacle de marionnettes au théâtre Guignol, un gone à Lyon, sur le plateau de la Croix-rousse, théâtre animé par Daniel Streble et sa famille dans la plus pure tradition du genre puis j’ai eu le bonheur de visiter les coulisses. Daniel Steble nous montre une partie de sa collection de marionnettes (voir photo de droite) dont les plus jeunes ont 80 ans et les plus anciennes 200 ans ! Il en possède 340.


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