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[Critique] MUD de Jeff Nichols

Par Celine_diane
[Critique] MUD de Jeff Nichols
Comme dans Shotgun stories et Take Shelter, l’imagerie rurale est puissante. De plans larges sur les eaux du Mississippi à la verdure sauvage d’une île abandonnée, Jeff Nichols nous balade au coeur des contradictions. Pureté et dangerosité se côtoient dans une même nature. Amour innocent et pulsions violentes dans un même être. Mud, au fond, est un récit initiatique dans la veine de ceux qu’a écrit Mark Twain, qui voit Ellis (Tye Sheridan vu dans Tree of life), une sorte de Tom Sawyer moderne, se cogner à l’apreté du réel. Lorsque l’adolescent de 14 ans et son meilleur copain Neckbone rencontrent Mud (Matthew McConaughey) en plein bayou de l’Arkansas, leur petit monde confortable s’écroule : les amours se révèlent complexes et décevantes, les intentions des hommes insaisissables, les noirceurs prêtes à surgir de n’importe où. Pourtant, Ellis s’accroche à un rêve : celui de l’Amour, avec un grand A, celui qui durerait une vie entière, l’amour comme nouveau refuge, l’idée ultra romantique, et très naïve, que l’on peut aimer pour toujours, et que cela seul suffit au bonheur. L’idéalisation de l’histoire d’amour entre Mud et Juniper (Reese Witherspoon), permet à Ellis d’échapper à une triste réalité : ses parents divorcent, la fille dont il est tombé amoureux ne veut pas de lui. Tel le fleuve que Nichols filme comme un personnage (omniscient) à part entière, la vie, aussi douce paraît-elle en apparence, cache bien des serpents : des mafieux dans les chambres d’hôtels, des femmes infidèles, des illusions déçues. Mud, qui vient clore la trilogie de Nichols sur la famille américaine, fait alors fusionner plusieurs genres : aventures, thriller, drame. A l’image de l’existence même. 
Une nouvelle fois, le cinéaste de 34 ans filme les paysages comme des tableaux, où se déversent toutes les angoisses humaines. Il y a encore à l’écran les mêmes peurs : celles d’un héritage parental que l’on refuse, celles d’une société trop moderne qui vient écraser les bonheurs simples. La cellule familiale implosait déjà dans Shotgun stories, la crise économique imbibait la pellicule de Take Shelter. Dans Mud, si l’image épouse des formes classiques qui rappellent dans un sens les westerns et autres films aux grands espaces, le propos s’inscrit indéniablement dans un contexte très contemporain où les gamins reçoivent trop vite les claques infligées par la vie. Mud, aussi, est un beau film. Avec ses icônes masculines qui ravivent les racines esthétiques et imaginaires de l’Amérique : Nichols filme McConaughey comme les cow-boy d’antan, Witherspoon en femme aussi fatale qu’idéalisée. Les figures, à l’instar des matières, sont sublimées. Nichols a de toute façon toujours été très visuel, mixant avec une sagesse étonnante une photographie sublime aux troubles intérieurs. Le résultat, forcément, impose le respect, par sa maîtrise tranquille, par sa fougue sourde, par cette façon remarquable qu’il a de mêler et démêler les attentes et acquis. A la fin, on ne sait plus trop sur quel pied danser : l’amour n’est-il qu’un idéal de gosse ? Qu’un éternel recommencement ? Qu’une eau folle et indomptable dans laquelle on ne peut que se noyer? Comme dans Take Shelter, le final ne vient rien résoudre et laisse les interrogations naviguer dans les têtes, le bonheur filer entre les doigts. Il y a, encore, caché au sein d'une conclusion pourtant optimiste, ce doute terrible : est-on pris au piège de nos peurs et fantasmes ?
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