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Idéal Réaliste

Publié le 16 avril 2008 par Edlin

Idealrealiste Tout a commencé quand cette équipe de chercheurs toulousains a mis au point le premier vaccin contre l    a jalousie. A partir de là, les choses sont allées très vite. Profitant du marasme politique ambiant depuis une dizaine d’années, une bande de gourous bien inspirés avaient réussi à créer un parti politique en France en s’appropriant la paternité du projet. Grâce à la puissance d’Internet, et à de précieux contacts dans divers médias, ils avaient su toucher et convaincre le plus grand nombre de leurs contemporains.

D’abord en France, puis à travers le monde, tel un tsunami, leurs idées balayèrent et firent éclater la plupart des principes et morales, apportant un réel changement aux discours toujours aussi abstraits des politiciens et au delà des différentes cultures. Rien que le nom du parti vaut plus qu’une longue explication : Idéal Réaliste.

En moins de trois mois, ils avaient réuni en France plus de trois cents milles membres. Six mois plus tard, ils remportaient des législatives anticipées suite à la démission en bloc de l’ensemble du Parlement. C’est donc tout naturellement qu’ils remportèrent les élections présidentielles, et qu’avec plus de soixante dix pour cent de députés de leur parti et une opposition totalement morcelées et ultra minoritaire, ils changèrent les choses dans leur pays. Mais les choses dépassèrent les frontières nationales, dans tous les coins du monde l’Idéal Réalisme se répandait à la vitesse d’Internet. En moins de deux ans, le parti avait gagné des élections sur la moitié du globe. Seuls les chinois et les pays communistes résistèrent encore deux années de plus. En cinq ans, l’Idéal Réalisme avait pu réunir une fédération internationale et le Parlement Fédéral réparti sur l’ensemble de la planète et réuni en visio conférence chaque jour avait mis au point un programme commun en 2 mois de travail acharnés. Le président de la fédération s’appelait Méléon. Il était mon arrière grand-père.

L’idéal réalisme est assez simple et son programme tient en peu de points. :

  • Arrêt des principaux fléaux de la civilisation : le racisme, la faim, les maladies.
  • Conquête de l’espace & Ecologie
  • Agriculture

Méléon expliquait qu’il ne faudrait pas plus de 5 générations pour que la différence raciale soit effacée de notre culture. Son principe était simple : chaque homme devait avoir un enfant avec une femme d’une couleur et d’un continent différent que le sien. Chaque femme devait en faire autant. Ainsi un homme blanc devait avoir 4 enfants au minimum, avec une Africaine, une Asiatique, une Indienne et une Européenne. Pour se faire il avait pensé aux mariages en CDD. Cela ressemblait tout autant à un système de bail 3/6/9 qu’à un contrat à durée déterminé, puisqu’il n’était pas possible de renouveler plus de deux fois un mariage limité à 3 années de vie de couple. Et encore cette option n’était offerte qu’une seule fois dans une vie de procréation. Ce principe, contre toute apparence, était certainement celui qui a le plus séduit les électeurs. La deuxième partie du programme de l’Idéal Réalisme était basée sur le fait que la planète allait mal, de plus en plus mal. Que le mal était fait, et que même si nous parvenions à ralentir l’échéance, il n’était pas sûr que nous puissions encore vivre sur cette planète dans 250 ans. Il fallait donc consacrer tous les efforts possibles sur la conquête spatiale et la découverte d’autres endroits à coloniser et viabiliser. Ces planètes seraient ainsi prêtes à temps pour accueillir l’ensemble des terriens au moment choisi.

En revenant aux fondamentaux, l’Idéal Réalisme prônait l’arrêt de la famine dans le monde et à la constatation qu’une agriculture bien orchestré et un système de transport régulier, l’occident était capable de générer suffisamment de nourriture pour les endroits ou l’eau manque et ou il ne peut rien pousser.
Une autre partie du budget fût allouée à recherche médicale et à l’éradication des maladies virales.

Et contre toute attente, ça a marché. Tout le monde avait un toit, de quoi manger et faire l’amour était obligatoire. En quelques années, la plupart des entreprises qui ne remplissaient pas le cahier des charges de la fédération et décrétées inutiles disparurent pour laisser la place à des sociétés fédérales recentrées sur le programme Idéal. Des grandes migrations intercontinentales étaient organisées tous les ans pour répondre au programme de mixité. L’éducation était aussi recentrée sur le programme. Très tôt les esprits brillants étaient détectés et orientés vers la recherche technologique. Les autres apprenaient le bâtiment, ou l’agriculture au choix. Un système ingénieux de rotation des individus à fait à terme qu’il était possible de travailler seulement une année sur trois, laissant ainsi plus de place aux loisirs de toutes sortes. Le quatrième ministère en terme budgétaire. L’éducation, totalement revisitée avait radicalement modifié la façon de penser des gens toutes cultures confondues. Ainsi les religions disparurent remplacées par les règles du programme fédéral.

Lorsque je nais cent ans plus tard jour pour jour après la naissance ce mon aïeul Méléon, je suis un joli bébé métis de sexe masculin et déjà circoncis au laser quand ma mère me prend dans ses bras pour la première fois. J’ai la peau plus claire que la sienne, mais j’ai gardé ses yeux noirs de jais. La procédure veut que je lui sois retiré quelques minutes plus tard pour recevoir l’ensemble des soins et vaccinations nécessaire à ma sortie de l’hôpital. Elle n’était d’ailleurs venu que me réceptionner puisque j’avais fait la majorité de ma croissance dans un ventre extra utérin, dans la couveuse de l’hôpital à côté d’une centaine d’autres ventres comme le mien. Bien alignés sur plusieurs rangées, connectés de toutes parts à des systèmes métriques qui diffuse sur un écran géant les centaines d’images de fœtus, les médecins de garde, l’œil alerte, à l’affût du moindre signe, ou alerte sonore. Leur métier est simple, la plupart des actions sont automatisée, mais leurs présence rassurent les parents.

Je suis le dernier enfant de ma mère. Elle à 37 ans et je suis son 6ème enfant. Son quota était atteint. Nous vivions en communauté et j’ai pu attendre tranquillement auprès d’elle l’age légal du premier mariage avant de me lancer dans ma vie de procréation. Depuis que j’avais six ans, j’étais amoureux d’une petite fille de la communauté. Elisa. Nous étions les meilleurs amis du monde jusqu’à l’age de 12 ans. Là elle est partie pour suivre sa mère qui partait pour un programme d’échange avec les Amériques. Quand sa mère est revenue neuf ans plus tard, Elisa n’était pas avec elle. Elle était restée sur l’autre continent. A « Nouviorq » comme elle disait. Mariée depuis 2 ans à un Toinou, métis russe, berbère et indien d’Amérique. J’avais 21 ans et il ne me restait plus que quelques mois avant de devoir communiquer au ministère la date de mon premier mariage et le nom de l’heureuse élue. Faute de quoi j’aurais un mariage d’office qui me serait assigné. Je redoutais cette éventualité. Et puis dans mon fort intérieur, j’avais toujours eu le sentiment qu’Elisa serait celle là. Elle était Perse-Africaine-européenne, j’étais Latino-Asiatique-AfroBelge, nous étions compatible au programme.

Après une période de forte déception à l’annonce du mariage d’Elisa, ma mère me força à prendre une pilule anti-dépressive et me rappela que peut être Elisa ne reconduirait pas son mariage et qu’il devait lui proposer. Dès le lendemain j’enregistrais une annonce officielle et lui envoyait par « vidéo-tube ». Trois jours plus tard, j’étais réveillé par sa réponse. Elle n’avait pas changé. Je retrouvais sa petite frimousse remplie de taches de rousseurs. Ses longs cheveux bouclés coiffés en pointe sur sa tête, lui allait à ravir. Elle avait un bébé sur les genoux. Sa réponse était simple et sans appel :

  • "Je me demandais quand tu allais me faire ta proposition bananeuuuuhhhh ! Je t’aime fort. J’arrive le 9 septembre prochain avec mon fils ci-dessous. Commence à te préparer physiquement !"

Et elle à raccroché en faisant une horrible grimace.

le mariage fut organisé en grande pompe dans la communauté, car c’était toujours une fête quand un mariage d’amour était possible dans la même communauté. De son arrivée à l’aéroport jusqu’à la fin de notre troisième année de vie commune, je n’ai cessé une seule seconde de l’aimer. Une fille était née de notre programme de mixité. Nous vivions heureux, et avions profité de deux ans de loisirs ensemble suivis par une année de travail et nous avions choisi le même programme dans l’agriculture. Nous récoltions le lait et la laine de brebis et moutons dans la bergerie principale. Le dernier jour légal de notre mariage, nous sommes allés à la préfecture pour faire valider notre renouvellement de contrat. L’agent nous avait regardé d’un œil étrange, comme si nous étions des êtres rétrogrades, et avec une sorte de condescendance. Mais nous sommes ressortis de la préfecture notre nouveau contrat en poche et chemin faisant nous débattions sur le prénom du prochain enfant à venir et sur la meilleure date pour commencer notre œuvre. Nous avions fini dans une chambre d’hôtel entre la préfecture et la gare.

ce deuxième contrat de trois ans ne sembla durer qu’une année. Notre deuxième enfant en parfaite santé servait tantôt de doudou, tantôt de « punching ball » à sa sœur.  Le travail aux serres à tomates était facile, Elisa elle avait opté pour les fraises, car elle était très gourmande. Elle avait d’ailleurs été réprimandée plusieurs fois et avait manqué l’exclusion à deux reprises. Mais son sourire angélique et ses yeux verts émeraude ne laissaient personne insensible et la grâce était rendue à sa grâce. C’est avec une pilule anti-dépressive que nous étions allés à la préfecture pour renouveler pour la dernière fois notre contrat. L’agent avait changé et celui-la ne nous avait même pas regardé. Notre contrat était renouvelé, mais nous n’avions pas droit à un troisième enfant. Notre quota de mixité était atteint suite aux dernières circulaires. En ressortant nous avions pris la même chambre, dans le même hôtel que trois ans auparavant. Cette nuit là, nous nous sommes promis de ne pas parler de la fin du contrat pendant les trois dernières années qui allaient s’écouler. Que nous en reparlerions le jour venu, et que d’ici là, nous n’allions pas sombrer dans la consommation quotidienne de pilules anti-tout, et au contraire continuer à vivre heureux comme on l’avait fait jusque-là. Sage décision.

ce dernier bail fut un délice. Nous oeuvrions ensemble dans le bâtiment et avions participé à la création d’un immense complexe immobilier. J’étais à la plomberie et Elisa à la peinture. Tous les ouvriers du chantier avaient le droit de se créer leur propre villa sur le domaine et nous avions passé de longues heures sur les plans de notre future maison. La dernière année était consacrée aux loisirs et nous avions profité d’une grande croisière avec les enfants et fait un petit tour du monde. Autant le programme de mixité avait bien fonctionné, autant la découverte spatiale n’avait pas encore porté ses fruits. Sur le bateau qui nous ramenait à Toulon, la famille endormie sur les sièges à mes côtés, je regardais la télé posé sur le bras de mon fauteuil. Le présentateur télé commentait avec un visage tendu que l’on était toujours sans nouvelle du vaisseau explorateur parti dans la sixième galaxie il y avait maintenant plus de douze ans.

  • "Cela fait maintenant cent quatorze jours que nous sommes sans nouvelle de la navette exploratrice Melex 16. Aujourd’hui encore, l’ensemble des antennes fédérales ont été dirigées vers la zone ouest de la galaxie, mais aucun signal n’a pu être décodé. Le commissariat principal n’a pas voulu intervenir sur la rumeur d’une défaillance technique qui serait connue et cachée. Ils continuent de communiquer sur le fait que la navette aurait pu se poser sur une planète qui empêche par son atmosphère les communications. Ils s’appuient sur les derniers échanges avec la navette et le fait qu’une mission d’accostage était prévue pour la semaine suivante. L’entrée dans l’atmosphère aurait brouillé les communications. Ils ne désespèrent pas d’entendre un signal de la navette et continuent la procédure d’écoute."

Je coupe la télé et m’endors dans un sommeil agité. Je rêve que cela ne va pas être simple de se quitter. Que je n’arriverais pas comme cela va être prévu, à intégrer un programme d’échange intercontinental. Je ne pourrai pas me détacher d’Elisa et des enfants. Partir à des milliers de kilomètres d’eux. Ne parler que par vidéo-tube. Se perdre de vue au bout de quelques années. Quelle horreur. Bien sûr la fédération offre le choix. Je peux soit me faire vacciner contre le chagrin d’amour, soit choisir de partir en exil avec Elisa, mais sans les enfants, sur l’île des amoureux. Sorte de prison à l’air libre ou sont parqués les récalcitrants du système. Je fais un cauchemar ou je vois deux agents monstrueux, sorte de pieuvres à 6 bras qui viennent pour nous enlever et nous étouffer dans leurs tentacules. Ils nous jettent dans des gros cylindres en verre, puis nous envoient un par un dans l’espace. Dans le cylindre en verre une mini pieuvre est là pour me surveiller, et elle m’empêche de dormir en me tapant sur la cuisse et en me parlant. Ce tapotement de sa visqueuse et minuscule tentacule commence à me taper sérieusement sur les nerfs.

  • "Monsieur, Monsieur ! Si vous vous dépêchez vous pouvez encore descendre !"

J’ouvre un œil, puis l’autre. Ce n’est pas une mini pieuvre qui me tapote sur la cuisse mais ma voisine de RER, une habituée qui comme souvent fait le trajet dans le même train que moi. Par la fenêtre du wagon je lis « Chatelet les Halles ». La sonnerie a déjà commencé à retentir depuis quelques secondes. Je me lève d’un bond et sort de la voiture en lançant un merci, ma besace dans une main, mon écharpe dans l’autre, et les portes me frôlent au passage. Une fois sur le quai, j’enroule mon écharpe autour du cou, passe la hanse de ma besace au-dessus de ma tête, et l’ajuste sur le côté.

Je reste là debout quelques instants à me demander la signification de ce rêve étrange, puis je reprends mon chemin au son de « Show must go oooooooooon » psalmodié par Freddy Mercury dans les écouteurs de mon lecteur MP3.


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