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Un billet cinéma pour changer un peu

Publié le 22 mai 2013 par Petistspavs

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Un billet cinéma pour changer un peu. Sous forme de chaplinerie, car ici, on n'est pas des Charlots et ça fait longtemps que ça n'a pas été dit.
Rappel : Toutes les semaines on voit des films, on aime, on aime pas, on distribue des étoiles aux films qu'on a préférés et pas aux autres. Les  étoiles du cinéma, ici, sont des Charlots, qui ne sont pas comme nous, car nous on est pas des Charlots. Plus on a aimé, plus il y a d'étoiles (jusqu'à cinq, le Grand Jeu) et plus on vous invite à nous suivre dans le plaisir du film.
Petit retour sur quelques films vus et aimés ces dernières semaines et encore visibles, du moins à Paris.

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Le Passé
Film français de Asghar Farhadi (2h10)
avec Bérénice Bejo, Ali Mosaffa et Tahar Rahim

Le passé 1

En sortant de la séance, ma première pensée est pour un passé (oui) récent où nous avions refusé
catégoriquement de voir Une séparation, film iranien du même Asghar Farhadi, en raison
de l'engouement suspect qu'il provoquait, tant dans la critique que chez les spectateurs.
Je pense aujourd'hui que cette attitude était sectaire et conne. Car Le passé
(titre bizarre, tout de même, un peu vague) est non seulement un grand film,
mais un de ces films qui tirent le cinéma français vers le haut.
Et je suis très curieux aujourd'hui de découvrir le film précédent.
Histoire de pinailler, je dirais que le gamin joue mal, comme dans
85 à 90 % des gamins de cinéma et que la Béjo cotillonne un peu trop.
Quant au reste, c'est un film à l'image sublime (pour la plupart, des plans américains
qui découpent et soulignent les visages, les expressions, dans une grammaire
limpide qui dit tout des sentiments enfouis, de la culpabilité, de l'impossible deuil
de ce qui a été). Ce film qui ne craint jamais de gratter là où ça fait mal,
au contraire, démarre un peu
mollement avec une histoire de divorce assez banale
et se développe en se complexifiant,
en condensant les rapports amoureux,
les rivalités, les désordres, les relations entre enfants
et adultes
jusqu'à une sorte de noeud de complexité dont on finit par se demander

comment le cinéaste va bien pouvoir s'en sortir, après avoir mis à nu les ficelles
très fines et serrées d'un délitement généralisé. La fin, dont je ne dirai rien, est
sans doute la conséquence logique, pour le cinéaste-scénariste, du culot
qu'il a assumé en portant son film à un niveau d'incandescence
où chacun, personnages, spectateurs, réalisateur peut-être, s'abime,
sans grand espoir de se retrouver et de retrouver les autres.

Grand, grand film, habité par de grands acteurs, dont Tahar Rahim
qui semble ici  faire amende très honorable pour ses choix passés,
Ali Mosaffa, en ex blessé, sans oublier la très jeune et prometteuse
Pauline Burlet en adolescente meurtrie, crédible jusqu'au bout des larmes.

Une vie simple
Film chinois (Hong-Kong) de Ann Hui (1h59)
avec Deannie Yip, Andy Lau, Quin Hailu

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J'ai déjà parlé de ce film d'une sensibilité extrême en disant qu'il ignorait la luttes des classes,
établissant les relations ultimes entre une domestique restée plusieurs générations au
service de la famille Leung et le dernier avatar de cette famille riche, qu'elle considère
comme le fils qu'elle n'a pas eu, non sur la notion de classe, mais sur la théorie du don,
fût-elle parfois cynique : "elle m'a nourri toute ma vie, je paierai ses funérailles"
dit un des  protagonistes. Or, la lecture du précieux Critikat m'avait fait
douter de ma propre analyse, sa critique insistant sur l'ambiguité des relations entre
la famille des Maîtres et son ancienne domestique.
Ayant eu l'occasion de revoir le film, j'ai pu confirmer ma vision. Les
relations entre Roger et Ah Tao, sa domestique, gouvernante, nounou et marraine,
sont des relations dénuées de toute ambiguité, des liens de vraie tendresse, de vrai
remerciements mutuels. Un des plus beaux films d'avant Cannes.
Notons que ce film a été distingué dans plusieurs festivals, notamment
à la prestigieuse Mostra de Venise où Deanie Ip a eu le prix de la meilleure
actrice pour son interprétation bouleversante de Ah Tao. Comment,
dès lors, a-t-il pu mettre plus de deux ans pour s'installer dans nos salles ?

The Land of hope
Film britannique, japonais , taïwanais de Sion Sono (2h 13min)
avec Isao Natsuyagi, Jun Murakami, Megumi Kagurazaka plus

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J'ai dit tout le bien que je pensais de ce film à la fois politique, philosophique et sentimental,
qui ne refuse ni le burlesque, ni l'ironie amère. Une actrice, un acteur exceptionnels,
qu'on connaît mal dans nos contrées où les films asiatiques arrivent au compte-gouttes.

The Grandmaster
Film 
hong-Kongais , chinois , français de Wong Kar-Wai (2h 03)
avec Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi, Chang Chen

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LE film étranger du semestre. Celui qui montre ce dont le cinéma est capable quand il s'en donne
les moyens. Une stylisation
au service du sentiment. L'honneur, l'amour, le temps qui passe sans pitié,
la mélancolie, puis la nostalgie, la solitude.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai écrit ailleurs,
ce film étonnant de densité est une pure merveille.

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Mud - Sur les rives du Mississippi
Film américain de Jeff Nichols (2h10)
avec Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Jacob Lofland, Sam Shepard & Michael Shannon

Mud

Après le fantastique Take shelter, il n'est pas faux de dire qu'on attendait Jeff Nichols
au tournant. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que 
Mud est une véritable déception,
c'est juste un ton au-dessous de Take Shelter. Un très beau film
avec quelques défauts.
Le très tendance Matthew McConaughey est bien, mais on se rappelle de Michael Shannon,

qui était beaucoup mieux que bien dans le film précédent. Et on a droit de trouver dommage
qu'il soit ici confiné dans un rôle secondaire. Et puis cette ambiance Mark Twain, pourquoi
pas, mais le nouveau cinéma américain indépendant ne peut-il avoir une inspiration
plus actuelle ? Et la fin n'est-elle pas un peu décevante ? Ces réserves faites (qui restent mineures),
le film a ses beautés, ses grâces
, son rythme, ses mystères. J'attendais
énormément de Jeff Nichols, peut-être trop et je n'ai eu droit

qu'à une partie. Très très joli film néanmoins. A voir, bien sûr.
(on peut revoir ou découvrir le puissant Take shelter à des heures
décentes à la Filmothèque du Quartier Latin).

La Sirga
Film Colombien , mexicain , français de William Vega (1h28)
avec 
Joghis Seudin Arias, Julio César Roble, Floralba Achicanoy

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Un film fragile. Sur le fil du rasoir, entre la première image qui montre un homme empalé
et la substance du film tellement quotidienne, un peu banale, tout à fait bouleversante.
Une jeune femme arrive quelque part qui n'est pas chez elle, même si c'est
dans sa famille. On pense vite à Historias qui nous a tant plu. Mais le film
a une forte identité. Le décor (cet étonnant hôtel délabré,
au milieu de rien), le lac, la pluie nous entraînent vers
un environnement hostile/familier un peu dérangeant.
L'eau constamment présente, pluie ou lac,
nous emmène, lentement, car le film est lent, vers
une sorte de contemplation tranquille, bien qu'assiégés
par la constante menace de la guerre civile, à deux pas.

Orléans
Film français de Virgil Vernier (58 mn)
avec Andréa Brusque, Julia Auchynnikava, Hélène Chevallier (II)

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J'ai beaucoup défendu ce film dont la distribution reste confidentielle.
C'est dommage, car ce moyen métrage entre poésie fictionnelle et reportage
a constitué pour moi une des plus belles expériences cinématographiques
vécues cette année.
 

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Stoker
Film américano-britannique de Park Chan-wook (1h40)
avec Mia Wasikowska , Nicole Kidman, Matthew Goode

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Stoker est un film qui m'a surpris, voire bluffé. Parti le voir avec l'ombre d'un doute en tête,
charmé par son générique chichiteux comme une pub pour un parfum, J'ai très vite été
profondément agacé par, non pas la manière, mais le maniérisme du réalisateur.
J'avais en tête la critique de Bruno Icher dans Libé : "enchaînant les effets stylistiques,
Park Chan-wook donne le sentiment d'exposer la palette complète de ses talents de cinéaste,
oubliant au passage de faire un film
". Et puis, vers le milieu du film, un petit
miracle se produit : la scène de la douche. D'un seul coup, on est chez
Hitchcock, mais pas du tout dans The shadow of a doubt (L'oncle Charlie est oublié depuis
longtemps), mais dans Psycho. Et Park Chan-wook réussit à refaire la scène
centrale de Psycho, là où Gus Van Sant (trop respectueux) l'avait lamentablement
ratée. La scène, en soi très tordue (je ne raconte pas) est superbement réussie,
car renversée, comme une sorte d'hommage à Hitch "en miroir". Tout y est,
le lent mouvement de caméra vers le rideau de douche, la fille sous la douche,
la mort, d'une violence extrème, mais d'où jaillit... Dommage, il vaut
mieux ne pas raconter. A partir de cette scène magistrale, le film
peut commencer et mon cerveau se remettre à fonctionner dans le bon sens.
Tout ce qui m'avait agacé dans la première partie, notamment ce montage très particulier
et la boite à outils très fournie des effets en tous genres, m'est apparu tout
autre : un style narratif, un vrai style, dans lequel tout part
du montage, un style dans lequel l'histoire est racontée, non par
des mots, mais par des images. Comme on le sait depuis Godard, le cinéma
n'a rien à dire, mais tout à montrer. Park Chan-wook applique ce principe
à son film avec une virtuosité déroutante. Toutefois, il applique cette virtuosité
à un scénario (dont il n'est pas l'auteur) difficilement crédible. Les 20 mn
qui ont du être coupées à la demande de la production n'ont sans doute pas
aidé à la cohérence de l'ensemble. Reste une perversité qui semble vouloir
racler les fonds des marais humains et certaines scènes paroxystiques.
Une dernière critique : pourquoi avoir dérangé Nicole Kidman (très bien d'ailleurs
dans son rôle de mère abusée) pour lui faire jouer les utilités ?
Parce que son nom fait bien sur l'affiche ?
Un dernier compliment : la jeune Mia Wasikowska touche par
moments au grandiose et donne à son rôle une dimension onirique
et inquiétante qui fait penser qu'elle ira loin. Loin de Hollywood, ce serait bien.

L'Esprit de 45
Documentaire britannique de Ken Loach (1h34)

espritde45
C'est un film honnête proposé par un réalisateur-producteur honnête parce qu'il croit en
ce qu'il fait.En l'occurence, le peuple anglais a porté en 1945
les travaillistes au pouvoir afin qu'ils mettent en oeuvre une politique de solidarité
sociale en rupture avec les années d'avant-guerre. Le message est transparent,
en ces temps de guerre économique où l'Angleterre est sortie déchirée
socialement des années Thatcher, il faut en revenir à une vision solidaire
et sociale de la politique. Le film, fondé sur des images d'époques
souvent passionnantes et des témoignages, se divise en trois parties :
avant la guerre (la misère), 1945 et ses suites (la reconstruction du pays),
Thatcher et son héritage (la destruction des acquis de 1945.
En bon dramaturge, Ken Loach ménage certains effets. Après une heure de film
qui a permis de montrer comment le pays s'est développé et la vie des travailleurs
considérablement améliorée (en insistant sur les nationalisations et la création
visionnaire du National Health Service), l'écran s'assombrit
plusieurs secondes, puis le visage triomphant de Thatcher apparaît.
Efficace : frémissement général dans la salle du Panthéon, enviegénéralisée
de meurtre. La classe, Kenny.

Bonne semaine ciné. Bonne semaine tout court.


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