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[À vous de voir !] L'attentat ou Shokuzai - celles qui voulaient se souvenir ?

Par Anaïs

Cette semaine, je snobe volontairement les productions américaines (Very Bad Trip 3 etThe Call pour ne citer qu'eux et dont, de toutes façons, vous aurez sans doute maints retours) au profit de L'attentat, un long-métrage libano-qataro-franco-belge (diversité quand tu nous tiens !) et Shokuzai, premier volet d'une diptyque japonaise. 

L'intérêt de cette sélection a priori éclectique est qu'elle explore et, me semble t-il, interroge un sujet identique : le poids du secret. Ces deux films traitent en effet des tréfonds de l'inavoué, ce toutefois sous un angle différent : les conséquences d'un secret qui n'est pas sien dans L'attentat et celles d'un secret qui l'est dans Shokuzai. Autre point commun : ce sont tous deux des adaptations de best-seller (que je n'ai pas lus). Ziad Doueiri transpose en effet à l'écran le roman éponyme de Yasmina Khadra et Kiyoshi Kurosawa, celui de Minato Kanae. Sur ces deux longs-métrages, un seul toutefois m'a donné envie de me procurer le roman originel. Lequel ? 


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L'attentat (Ziad Doueiri)
Suite à l'attentat-suicide d'une femme (Siham Jaafari) dans un restaurant de Tel-Aviv, le tumultueux cheminement d'un homme (son mari, Amine) en quête de vérité. Un thriller rondement mené qui, donc, évoque le terrorisme et plus spécifiquement le conflit israélo-palestinien sous un angle sentimental. Si pour ma part j'aurais préféré une approche moins romanesque c'est-à-dire, dénuée de 90% de ses flash-back doucereux... –, j'ai en revanche apprécié que le regard porté sur les événements soit majoritairement introspectif. Le réalisateur explore ainsi les désillusions incrédules d'Amine (incarné par le formidable Ali Suliman !) rejeté autant par les Palestiniens, aux yeux desquels il est un traître, que par le pays (l'Israël) où il croyait s'être intégré. Ziad Doueiri livre d'ailleurs d'aussi sublimes que réalistes plans de Tel-Aviv et des collines palestiniennes dans ce film. La grande force de L'attentat réside toutefois moins à mon sens dans sa photographie et sa narration que dans le traitement de ses personnages qui, à l'exception de Siham qui aurait selon moi mérité d'être davantage approfondie, sont tous psychologiquement explorés – et avec impartialité qui plus est. En résumé, un thriller intimiste, politiquement pertinent sur ce conflit sans fin qui, toutefois, aurait gagné à être moins sentimentaliste.  En deux mots : réaliste et longuet.Le petit plus : Ziad Doueiri n'en est pas à son coup d'essai ! Le réalisateur de L'attentat a en effet déjà trois films à son actif. Fait notable, il a également commencé sa carrière en tant qu'assistant caméraman de Tarantino et ainsi participé aux cultissimes Reservoir Dogs et Pulp Fiction.N'hésitez pas si :
  • vous aimez les thrillers politico-sentimentaux ;
  • le conflit israélo-palestinien vous intéresse ;
  • vous ne connaissez pas Ali Suliman (d'une justesse inouïe, cet acteur vaut le détour !) ;
Fuyez si :
  • vous recherchez un film qui explore la psychologie du terrorisme (ici cela reste très superficiel, préférez des séries comme Hatufim ou Homeland, son remake américain) ;
  • les films qui ne prennent pas position vous agacent (pas de manichéisme dans L'attentat, tout est gris) ; 
  • vous désirez voir une adaptation fidèle du roman de Yasmina Khadra (l'amie qui m'accompagnait m'a dit que la fin différait) ;
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Shokuzai - celles qui voulaient se souvenir (Kiyoshi Kurosawa)Quinze ans après le meurtre et le viol d'Emili, le portrait saisissant de deux de ses amies, également témoins de l'incident mais incapables de se remémorer le visage de l'assassin. Cette fresque psychologique relate donc le destin de deux femmes prisonnières du passé suite à un trauma originel et met plus spécifiquement en lumière leurs séquelles (que je tairai pour préserver votre surprise et curiosité mais qui sont tous d'une richesse analytique inouïe). Résolument moderne, Shokuzai traite qui plus est en filigrane des codes sociaux au travail ou encore du phallocentrisme et constitue ainsi une satire de la société nippone. Si la mise en scène peut, par son sens aigu du cadre et son lent raffinement, lasser certains spectateurs, elle contribue à mon sens à instaurer une atmosphère profondément inquiétante qui, combinée à un astucieux travail sur le son,effleure d'aillleurs le genre fantastique. Enfin, le film de Kurosawa est pétri de repères symboliques dont je suis personnellement très friande : le rouge par exemple, très présent sur les vêtements et accessoires d'Emili est ici couleur de l'au-delà ou encore les chaussettes des quatre amies qui, selon leur hauteur sur les chevilles, annonce leur rang dans le groupe (moins les chaussettes sont hautes, plus elles semblent avoir le pouvoir). En résumé, une tragédie intime qui hante profondément. Et un vrai beau moment de cinéma, lent mais pas fastidieux pour autant, sur la rédemption.

En deux mots : glaçant et troublant.Le petit plus :Shokuzai est une dyptique qui regroupe donc deux films (Celles qui voulaient se souvenir et Celles qui voulaient oublier qui sortira la semaine prochaine) tous deux centrés sur les différentes évolutions de quatre jeunes femmes, quinze ans après le meurtre et le viol d'une de leur camarade de classe Au Japon, ces deux films ont été diffusés sous la forme d'une mini-série de cinq épisode en 2012.N'hésitez pas si :
  • vous aimez les mises en scène épurées ;
  • la diversité des conséquences suite à un même traumatisme vous intéresse ;
  • vous recherchez une satire de la société japonaise ;
Fuyez si :
  • vous avez eu votre dose de chroniques du quotidien avec Le passé (moi aussi mais croyez-moi, c'est d'un tout autre intérêt et niveau ici) ;
  • vous vous ennuyez systématiquement devant les films qui durent 2h (je n'ai pas vu le temps passer pour ma part mais mon voisin s'est ennuyé ferme, c'est donc quitte ou double !)
Verdict ?Cette semaine encore, je serai catégorique : victoire sans appel de Shokuzai qui m'a profondément marquée et qui rejoint ainsi Only God Forgives au rang de mes chocs cinématographiques de 2013. Inutile de vous dire que j'attends impatiemment le volet final qui sortira dans nos salles la semaine prochaine ! Enfin je précise que L'attentat est certes trop sentimentaliste à mon goût mais qu'il n'est pas pour autant mauvais – il a sans doute eu, également, la malchance d'être confronté à Shokuzai et son incroyable pouvoir hypnotique. À vous de voir !

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