Magazine Coaching

Le coaching, opérateur du "bonheur au travail" ?

Par Marc Traverson

Peut-on parler du bonheur au travail ? Si le mot choque, qu'on en choisisse un autre : satisfaction, confort, réalisation de soi. Entendons-y simplement le plaisir de faire quelque chose qui ait un sens. Qui réponde à une nécessité intime en même temps que sociale. Qui nous place tant soit peu du côté de l'oeuvre, selon le mot d'Hannnah Arrendt (voir sa définition de l'homo faber dans La Condition de l'homme moderne). S’il est entendu que le bonheur est pour l’individu un idéal, et pour le collectif une utopie, ce besoin d’occuper sa juste place dans la vie professionnelle, dans la reconnaissance de ce que l’on apporte aux autres, dans une saine relation à l'autorité, ce besoin-là n’est pas futile – mais il n’est pas donné, et demande à chacun réflexion.

Le coaching s'inscrit quelque part dans le cercle de cette "utopie active" : sa promesse implicite (son fantasme), n'est-ce pas le réenchantement du travail ? Il revient à chaque coach de l'interpréter, chacun à sa manière, chacun selon sa praxis et ses valeurs - selon son origine, son tempérament, sa culture individuelle. Pour en connaître quelques-uns, je sais qu'on rencontre toutes sortes de coachs. Sans parler de professionnalisme, leur diversité m'apparaîtra toujours comme une richesse. Songer au client : il en faut pour toutes les demandes. Dis-moi quel coach tu choisis je te dirai qui tu es. Dans mes débuts, il y a près de dix ans, un directeur marketing, au moment de me choisir pour l'accompagner, avait eu cette remarque : "L'autre coach que j'ai vu était sympathique, mais trop gentil. Je sais que vous n'allez rien me passer, que vous serez très exigeant, et j'ai besoin de ça." Ne pas en déduire que je suis plus sévère qu'un autre - mais à tout le moins c'est ce qu'avait projeté sur moi ce client - et qui en disait beaucoup… sur lui.

Si le coaching est à l'origine une pratique de la recherche de la performance (le coach au sens sportif, à l'Américaine, cf John Whitmore par exemple), et si chaque coach a ses caractéristiques propres, il me semble aussi que la pratique est sous-tendue, presque clandestinement, par certains invariants, une "vision-cible" d'un monde du travail sinon réenchanté, du moins, plus modestement, assaini, assoupli, réinvesti d'un sens : 1) la promotion d'une approche souple de la relation hiérarchique, centrée sur la culture des coopérations et un enrichissement du bagage relationnel des managers 2) une explicitation sans timidité de la dimension conflictuelle inhérente à l'ordre compétitif qui règne sur la planète économie 3) la reconnaissance inconditionnelle de la capacité décisionnelle de la personne au travail, de son "inaliénable individualité" (et responsabilité).
On a suffisamment suspecté les coachs de se plier aux ordres des décideurs, de se mettre à leur service, bref, de se contenter de mettre de l'huile dans les rouages du capitalisme financier, pour souligner qu'ils ne sont pas là pour raconter des histoires (encore que cela puisse être utile), mais pour aider à se faire jour un désir de travail qui réussisse à s'inscrire concrètement dans le cadre d'une activité, dans une culture managériale donnée. Sans garantie autre que celle, générale, d'un élargissement de l'autonomie : la conséquence d'un coaching est parfois le départ de la personne coachée, qui aura touché le noyau de son choix, pour une nouvelle aventure.
Se sentir à sa juste place, ou choisir un chemin pour s'en approcher, je ne vois guère que le dispositif de coaching puisse avoir une conclusion plus bénéfique. Modeste sans doute, voilà cependant une traduction possible de ce "bonheur au travail" que nous visons.

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