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Un fil à la patte de Feydeau, mis en scène par Jérôme Deschamps à la Comédie Française (Paris 1)

Publié le 13 juin 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Il n’était pas commun d’aller voir un vaudeville donné à la très classique Comédie Française, et non des moindres, puisqu’il s’agissait de la savoureuse « Un fil à la patte ».

Feydeau (1862-1921) avait de la ressource et savait toujours plus ou moins trouver une issue pour une pièce, et faire en sorte qu’elle plaise au public. Ses amis s’amusaient ainsi à le laisser imaginer une issue à une histoire inextricable proposée lors d’une soirée bien arrosée. C’est effectivement la manière dont le héros parvient à se sortir de la situation pleine d’embûches que l’auteur s’est fait un malin plaisir à tendre sur la route. Les personnages, directement inspirés des fréquentations de Feydeau, offrent un défilé savoureux de figures emblématiques.
Jérôme Deschamps dans sa mise en scène, se plait d’ailleurs à utiliser tout ce que permet la Comédie Française, qu’il connait bien, puisqu’il y a été lui-même pensionnaire. Pour sa pièce, il installe des décors (fidèle aux indications présentes dans les didascalies) et des costumes classiques, magnifiques, qui emportent dans l’intrigue. Dans le choix de ses comédiens, il a réussi à constituer un ensemble cohérent, avec un véritable esprit de troupe.

patte Feydeau, scène Jérôme Deschamps Comédie Française (Paris
© Christophe Raynaud de Lage

Le spectacle est admirable, et pour des non-connaisseurs des lieux et du théâtre, c’est certainement la pièce la plus captivante et la plus enlevée qui a été donnée.

Le théâtre dévoile ses ressources au cours de la pièce et notamment par la mise en place de décors magistraux dont l’escalier qui donne lieu à des acrobaties impressionnantes. L’intrigue à mesure qu’elle avance, s’enrichit de situations délicates dont il va être très compliqué pour les personnages, de se dépêtrer. En substance, il s’agit pour Bois d’Enghien, un homme célibataire de signer son contrat de mariage avec Viviane, sa fiancée, en essayant à tout prix de cacher cet événement à sa maîtresse Lucette Gauthier, modeste chanteuse de café-concert. Faible et lâche, il ne parvient pas à annoncer son mariage à Lucette. Il décide de lui cacher jusqu’à ce qu’elle le découvre par elle-même dans une situation invraisemblable. Ils sont quinze comédiens principaux sur scène. Les autres personnages que ce soit la famille des intéressés ou leurs amis et fréquentations, présentent des personnalités et traits de caractères souvent poussés qui font d’eux des archétypes croustillants : Marcelline (la sœur de Lucette) est formidable en vierge impressionnable, Cheneviette (ami de Lucette) et Miss Betting (la nourrice de Viviane) joués tous les deux par le même comédien est très amusant, le Général fou d’amour, la baronne très très classique…

patte Feydeau, scène Jérôme Deschamps Comédie Française (Paris
© Christophe Raynaud de Lage

On apprécie ainsi le jeu spécifique de chaque comédien, qui s’amusent à donner une touche très personnelle à leurs rôles respectifs, dans leur diction (celle de Viviane par exemple suave au possible), leur jeu (j’ai ainsi beaucoup apprécié le jeu de Coraly Zahonero en Lucette) ou leur gestuelle.
Feydeau a instillé l’humour dans sa pièce savamment, en l’imbriquant notamment à l’intrigue, il l’a aussi attitré à certains de ses personnages (entre autres, Fontanet l’ami de Lucette et sa mauvaise haleine, ou Miss Betting, la nourrice de Viviane, incarné par Guillaume Gallienne), mais particulièrement à deux personnages secondaires : Bouzin, un modeste clerc de notaire, poète et chansonnier médiocre à ses heures perdues, et au Général venu d’Amérique du Sud. Les jeux du texte sont ainsi savoureux, que ce soit dans les situations de quiproquo, dans la gestuelle ou dans le vocabulaire qu’ils emploient. Jérôme Deschamps donne corps au texte, en ajoutant quelques détails comiques dans la mise en scène. Ainsi, on ne peut se retenir de rire en voyant la très sérieuse et chic baronne apparaître à chaque fois, tenant en guise de fourrure élégante, une imitation pourtant bien faite en peluche !

patte Feydeau, scène Jérôme Deschamps Comédie Française (Paris
© Christophe Raynaud de Lage

Mais il ne se contente pas de cela, dans son choix des comédiens, le Général exploite vraiment les caractéristiques de son personnage, roucoulant à n’en plus finir ses répliques, et Bouzin devient hilarant lorsqu’il est incarné par Christian Hecq. Ce comédien formidable dénote tout d’abord par sa gestuelle incroyable, ses tics et ses manières étranges. Il mime, grimace et gesticule, et tord littéralement la salle de rire. C’est lui la victime, le rebu de cette petite société. Il est désigné comme coupable, réellement dépouillé de ses habits, chassé, moqué, recherché par la police. Mais plein de ressources, il retombe presque toujours sur ses pattes. Entre De Funès ou des comiques de stand-up, Christian Hecq donne une belle interprétation de ce personnage cocasse. Certains ainsi puisent dans le registre comique pour donner de l’épaisseur à leur personnage, tandis que d’autre (Bois d’Enghien ou la Baronne), jouent de manière plus classique créant un décalage plutôt intéressant.

Ainsi l’intrigue nous emporte, et on se prend assez rapidement d’affection pour certains des personnages. Le temps passe sans qu’on s’en aperçoive et on passe une excellente soirée à la Comédie Française à assister à un spectacle enjoué et de très belle qualité.

A voir :
Un fil à la patte, mis en scène par Jérôme Deschamps
à la Comédie Française

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