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La grece : analyse d'erreurs

Publié le 10 novembre 2011 par Bernard Taillefer

J’avais prévu de faire un billet sur les agro carburants. Mais l’annonce du référendum en Grèce mérite commentaire car c’est un évènement extraordinaire au sein de cette crise de l’Euro, mal gérée et qui n’en finit plus. LA GRECE : ANALYSE D'ERREURS Ce référendum ne vient pas de nulle part. Il vient de la rue, de l’indignation du peuple derrière ses syndicats. Les démonstrations ont été claires : la population grecque n’en peut plus de cette austérité violente qui l’agresse à chaque instant, y compris au sein de sa chair et des moments les plus intimes de la vie quotidienne.

LES FAITS L’information va tellement vite, est tellement pressée, que nous risquons de perdre de vue, dans les faits, ce qui se passe en Grèce. Donc, voici quelques rappels : Sur le plan de la santé 1. Certains budgets de soins ont été réduits de 80%. En conséquence, les établissements d'urgence de médecins sans frontières voient leur fréquentation exploser, notamment par des chômeurs et personnes âgées qui ne bénéficient plus de couverture sociale... (Marianne 2, lundi 31 octobre 2011). 2. Médecins du monde (MDM) aboutit au même constat : les Grecs représentaient 10% de ses patients en 2010 ; depuis le début de cette année, cette proportion est passée à 35%. 9% d’entre eux sont des enfants. (idem). 3. MDM souligne que ceux-ci, comme les personnes âgées, ne réclament pas seulement des soins, mais souvent aussi de la nourriture. Les soignants repèrent des signes de malnutrition de plus en plus fréquents. Les vaccinations de base diminuent. Selon MSF, les retraités et chômeurs sont de plus en plus nombreux à ne plus disposer de couverture sociale. La classe moyenne, dont les artisans est également touchée. 4. Certains budgets publics de soins, des traitements pour certaines maladies, de même que des programmes d’aide sociale subissent des coupes allant jusqu’à 80%, pointe l’organisation. Dans le même temps, les firmes pharmaceutiques étrangères ont interrompu les livraisons de certains médicaments (notamment les anti-cancéreux) : les hôpitaux publics, qui ont accumulé les impayés faute de crédits, ne sont plus à même de régler les factures. Même le matériel médical de base, ainsi que le sang pour les transfusions, viennent à manquer. 5. Sous la pression de la Troïka (Commission européenne, BCE, et FMI), le gouvernement de George Papandréou est en train de réduire de 133 à 83 le nombre d’hôpitaux du pays. De même, 300 des 2000 cliniques locales sont en cours de fermeture. Le nombre de lits doit être limité à 30 000, soit 80% des besoins officiellement estimés. Tout cela est imposé « sans aucune étude évaluant les conséquences possibles de telles mesures », s’indigne MSF-Grèce (Source : Marianne2). Les budgets des hôpitaux a diminué de 40% entre 2007 et 2009 (étude Lancet. 6. La Grèce est malade. Le nombre de dépressions augmente, comme celui des suicides. Au premier semestre 2011, on enregistrait une augmentation de 40% des suicides par rapport au 6 premiers mois de 2010. Selon le ministère de la Santé un homme sur quatre et une femme sur trois sont atteints de dépression, bien plus que la moyenne mondiale (un homme sur huit et une femme sur 5) (l’Humanité, 27 octobre 2011). 7. Augmentation des suicides, hausse de la consommation de drogue, développement de la prostitution, accroissement des infections au virus VIH… Une étude britannique parue lundi 10 octobre 2011 pointe les effets désastreux de la crise économique et des coupes budgétaires en Grèce :"Le tableau de la santé des Grecs est très préoccupant", juge David Stuckler, sociologue à l'université de Cambridge qui a dévoilé les conclusions de son étude dans le journal médicalLancet."Une plus grande attention doit être portée à la santé et à l'accès aux soins pour s'assurer que la crise n'impacte pas la dernière source de richesse du pays : son peuple", commentent les auteurs de l'étude (Le Monde, 10/10/11). 8. Dans leur étude, les chercheurs ont également mis à jour un augmentation significative d'infections au VIH en Grèce à la fin de l'année 2010. Selon leurs prévisions, les contaminations vont augmenter de 52 % cette année par rapport à l'an passé. La consommation d'héroïne a augmenté de 20 % en 2009, chiffre à rapprocher de la diminution d'un tiers des programmes de lutte contre la drogue en raison des économies budgétaires. La violence a également augmenté, tandis que les cas d'homicides et de vols ont presque doublé entre 2007 et 2009, rapporte encore l'étude, selon leGuardian. LA GRECE : ANALYSE D'ERREURS Au niveau de l’emploi La situation est tout aussi catastrophique sur le plan de l’emploi. 1. Au deuxième trimestre 2011, 42,9% des jeunes de 15 à 24 ans étaient au chômage contre 32,6 % un an auparavant (Humanité, 27 octobre 2011). En comparaison, le taux de chômage des Français de moins de 24 ans s'élève à 22,1 % au premier trimestre 2011. 2. Depuis 2008 50 000 jeunes ont émigré (idem). De plus en plus de jeunes veulent suivre cette voie. 3. Le gouvernement grec a approuvé le 2 octobre un plan visant à réduire le nombre de fonctionnaires, contrepartie la plus controversée au déblocage de l'aide financière du Fonds monétaire international (FMI) et de l'Union européenne (UE). Trente mille fonctionnaires seront concernés par un programme de "mise en réserve" cette année. A savoir qu'il leur sera versé 60 % de leur salaire et qu'ils auront douze mois pour trouver un nouvel emploi dans le secteur public, sous peine de perdre leur emploi. Le projet crée une "réserve de travail", où 30 000 fonctionnaires seraient affectés d'ici la fin de l'année avec une baisse de 40 % de leur rémunération. Au bout d'un an, ils seraient licenciés. "La mesure de réserve de travail a été approuvée à l'unanimité", a déclaré à Reuters un vice-ministre présent à la réunion du conseil des ministres (Le Monde avec AFP et Reuters, le 2/10/11) 4. En Grèce, le taux de chômage réel est de 22 %, selon Savas Robolis, professeur d'économie à l'université Panteion d'Athènes. Et un chômeur sur deux a moins de 29 ans. Les jeunes femmes sont particulièrement touchées : 38,3 % d'entre elles sont sans emploi. "Les vingt dernières années, 80 000 personnes arrivaient sur le marché du travail, l'économie en absorbait 40 000. (...) Depuis 2008, seulement 20 000 personnes parmi ces nouveaux arrivés trouvent du travail chaque année, et tous les postes créés après 2006 ont été détruits depuis la crise", explique le professeur, qui prévoit une aggravation du chômage des jeunes en 2012. (Le Monde 30/9/11) 5. Les retraites supérieures à 1 200 euros par mois seront réduites de 20 %. De même pour les retraites des fonctionnaires parties avant 55 ans, également diminuées (Le Monde, 21 septembre 2011) En matière fiscale 1. Le seuil de non-imposition sera abaissé à 5 000 euros de revenu annuel, contre 8 000 euros, et même 12 000 avant juin. 2. La nouvelle taxe sur l'immobilier, hautement impopulaire dans un pays où 70 % des personnes sont propriétaires, sera prolongée jusqu'en 2014. Elle devait à l'origine expirer l'an prochain. Un projet de loi "sur la fiscalité doit être voté au Parlement d'ici fin octobre pour corriger les inégalités et les injustices du système qui dominent depuis des décennies", a indiqué le porte-parole du gouvernement, Ilias Mossialos (Le Monde, 21 septembre 2011). En plus de ces mesures terribles, les biens publics vont être largement privatisés. ESSAI D’ANALYSE LA GRECE : ANALYSE D'ERREURS Cent milliards sur les 350 milliards de dette de la Grèce ont été effacés. Il leur a été redonné 130 milliards de prêts à d’autres conditions. La Grèce devrait dire merci, disent certains. Mais avec le plan d’austérité imposé à la clef, la situation sociale est terrible, dramatique et cela dure depuis deux ans. La Grèce est en situation de catharsis. Papandréou, chef de gouvernement, est aux abois. Il n’a plus de majorité, plus de soutien public, plus d’administration pour imposer les mesures d’austérité impopulaires. Il se devait de sortir une botte secrète pour secouer à la fois la Grèce mais aussi ces organisations internationales qui ne pensent qu’à l’austérité et se moquent du devenir humain des Grecs. Il a été approuvé à l’unanimité par son gouvernement tandis que les hérauts européens du plan de sauvetage de la Grèce (énième version) se vantent d’avoir pris une décision à l’unanimité. Mais quelle unanimité est légitime ? Les chantres de la droite parlent de la déloyauté de Papandréou qui avait gardé en catimini son projet de referendum. A gauche on se réjouit plutôt de l’initiative car « enfin on donne la parole au peuple » même si celui-ci a bien fait savoir que c’est trop tard et que de toute façon il votera « non ». « Ils nous ont conduit à la pendaison et nous demandent de quelle couleur doit être la corde qui nous pendra » dit une Grecque interrogée par France 5 ce mercredi 2 mai. Le plan grec n’est pas viable Une chose est certaine : le plan grec n’est pas viable, pour cinq raisons :
  1. 1.   Tuer la croissance ne peut qu’aggraver la crise ;
  2. 2.   Malmener le peuple dans sa santé, dans son emploi ne peut déboucher que sur une révolte et l’absence d’acteurs pour mettre en œuvre toute stratégie économique ;
  3. 3.   L’administration grecque n’est pas suffisamment outillée pour mettre en œuvre les mesures du plan d’austérité ou toute stratégie de croissance nouvelle ;
  4. 4.   Les riches sont trop épargnés alors que la pression fiscale et financière est essentiellement tournée ver les classes moyennes ;
  5. 5.   La fierté des Grecs ne supportera pas que la Grèce soit vendue à l’encan.
  6. La situation devient intenable comme le montre cette vidéo qui circule en Grèce :

Une si mauvaise construction
  1. 1.   D’abord, lorsqu’il s’est agi d’accueillir la Grèce dans la zone euro, les chiffres étaient trafiqués, par une multinationale, Goldman Sachs, qui a bien profité de l’entrée de la Grèce dans la zone euro. Où est la sanction ?
  2. 2.   La Grèce a une histoire, si longue, si longue. L’histoire récente a été tumultueuse, à commencer par la répression par les Britanniques à la fin de la deuxième guerre mondiale de la résistance communiste, qui s’est soldée par une longue période d’interdiction du Parti Communiste Grec. Puis la Grèce a connu une dictature des colonels. Ceci laisse des traces dans la culture politique d’un peuple. On ne peut se mêler d’un pays sans en connaître son histoire, faite de résistance. Il n’y a pas que les marchés financiers comme prisme d’analyse.
  3. 3.    La Grèce connaît un déficit d’administration. Comme le dit un fonctionnaire européen cité par l’excellent blog de Jean Quatremer (coulisses de Bruxelles, UE) « déverser de l’argent en Grèce ne sert à rien si on ne les aide pas à bâtir une administration qui fonctionne », m’a-t-il expliqué. « Le problème grec n’est pas nouveau et je plaide depuis longtemps pour qu’on arrête de traiter la Grèce comme s’il s’agissait d’un pays comme un autre »
  4. 4.   La Grèce n’est pas aidée par une Europe mal née. Le problème qui se pose aujourd’hui à l’Europe n’est pas celui de la Grèce, qui fait figure de bouc émissaire, mais celui de la construction d’une Europe sans pilotes, sans projet politique, sans projet social, sans vision stratégique. Ne nous y trompons pas : demain on parlera de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne, de l’Irlande… et probablement de la France…

Bruits de bottes et achats de char ? Tout l’Etat-major de l’armée a été limogé. La question est de savoir pourquoi. La principale explication serait que l’armée rechignait à se substituer à la police ou aux services administratifs, notamment pour le ramassage des poubelles. On parle aussi de rumeurs de coup d’Etat. Courait sur le Net il y a quelques jours la rumeur d’achats de 400 chars et d’autres véhicules militaires. Elle a été démentie par le Ministère de la défense. Il reste des ombres sur ce dossier : apparemment, c’était une initiative de l’armée de terre, très vite condamnée par les Allemands. Officiellement en tous cas ce projet délirant a été abandonné à supposer qu’il ait jamais existé ! Ajoutons sur ce chapitre une considération géopolitique : La Grèce est située dans une zone de turbulence : Macédoine, Chypre, Turquie l’entourent. D’aucuns, dans un pays qui n’a que son tourisme à vendre, qui ne dispose pas de matières premières, pourraient être tentés de se refaire une santé sur le dos des voisins par des opérations militaires… Ce ne serait pas la première fois que cela se passerait dans l’histoire !!! Corruption 60 000 piscines seraient référencées par Google mais rien dans le cadastre grec ! Jean Quatremer donne dans son blog de multiples exemples, notamment celui de ces médecins du quartier Kolokani qui déclarent peu et investissent dans des biens de luxe. Il cite des commerçants et dirigeants de PME qui accusent les services des impôts d’être une véritable mafia et affirment : « il faudrait être un con pour payer ses impôts en Grèce ». Selon une étude de Transparency International la corruption par les fakelakia (pots de vin, bakchichs) de ce type s'est élevée à 780 millions d'euros en 2009, un montant bien en dessous de la réalité puisqu'il ne prend en compte que les pratiques des particuliers. Des milliards en Suisse « Sur la seule année 2010, plus de 33 milliards d’euros ont été retirés des coffres des banques grecques, selon la banque centrale. Mais dans le pays, ils sont nombreux à considérer ce chiffre comme conservateur. La fédération grecque des entreprises affirme quant à elle que le manque à gagner fiscal dépasse 22 milliards d’euros chaque année » Cette information, donnée par le journal suisse Le Temps (3 novembre 2011) est sûrement désuète. Avec le doute qui plane sur une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, les capitalistes locaux ont largement intérêt à mettre leurs « économies » à l’abri pour en éviter la dévaluation. Selon un article du Figaro (3/6/2011), quelques 38 milliards d'euros de capitaux auraient été placés en Suisse ces dix-huit derniers mois, d'après le ministère grec des Finances Georges Papaconstantinou qui chiffre entre 10 à 15 milliards d'euros par an le montant de la fraude fiscale à destination de la Suisse.Selon la mêmesource, Dimitris Kouselas, le secrétaire d'État au ministère grec des Finances, évalue à «280 milliards d'euros, soit 120% du PIB grec» les fonds helléniques en Suisse. SCENARIOS D’AVENIR ? Difficiles à définir ! 1.   L’unanimité semble se fissurer au sein du gouvernement et du PASOK avant le vote de confiance du vendredi 4 novembre. Celui-ci pourra être déterminant. Papandréou y joue sa tête et le référendum ne verrait pas le jour ! 2.   Papandréou passe le vote de confiance. Il mettra en œuvre son référendum, probablement autour de l’adhésion ou non au plan de rigueur. Papandréou croit à la victoire du « oui » mais il semble être bien seul. On repart pour un tour dans la rigueur sauf que l’administration n’aura pas les moyens de le mettre en œuvre. 3.   Le « non » l’emporte et tout laisse croire que la Grèce sortira de la zone euro avec des conséquences graves pour la Grèce… et des risques de tâche d’huile dans cette même zone euro. 4.   En attendant le référendum, l’Union Européenne est décidée à couper les vivres à la Grèce, en bonne stratégie guerrière. Déjà exsangue, la Grèce s’apprête à vivre des jours très difficiles puisque les salaires ne pourront être payés. CONCLUSION LA GRECE : ANALYSE D'ERREURS L’Europe paye les conséquences de sa naissance au forceps. Elle est mal née et il faudra bien s’attaquer au problème le plus rapidement possible. La légitimité du tandem SARKOZY – MERKEL est de moins en moins reconnue et pour cause ! Avant d’avoir un problème grec, il y a un problème Union Européenne. La Grèce, par bien des caractéristiques, sans administration, sans fiscalité raisonnable, sans ressources, ressemble à certains états africains, et est traitée comme tel par les dirigeants internationaux. La démarche autour de la dette rappelle celles du FMI et de la Banque Mondiale qui ont imposé en Afrique des mesures d’ajustement structurel, sans mesures de développement du potentiel productif. Le processus a abouti à la mise à terre de ces pays. Comme pour les pays africains, il aurait été préférable, à la rigueur, de proposer un plan de reconstruction de ce pays, avec un accompagnement humain, ce qu’on aurait pu attendre de la solidarité européenne. Précisément parce qu’il y a non sens (une Europe qui impose au lieu d’être solidaire), la méthode employée par la Troïka (France, Allemagne, FMI) ne peut être acceptée, ni par les Grecs, ni par les peuples du monde qui savent bien que cette affaire grecque pourrait bien, à court terme, devenir leur propre cauchemar. Et la comparaison avec les pays africains doit s’arrêter là. D’autant que les médias, sont bien présents pour suivre au jour le jour, plus qu’au temps des ajustements structurels, ce qui pourrait bien être la mort d’un pays et d’un peuple. Et la Grèce était censée ne pas être seule face à ses difficultés. La démarche de Merkel et Sarkozy est erronée. Ce n’est pas à coups de rustines tardives qu’il fallait résoudre la crise. Et la crise n’est pas seulement grecque mais touche de nombreux pays européens. C’est une solution globale, sociale, qu’il faut mettre en œuvre pour l’Europe. Dire que la Grèce, berceau de la démocratie, a beaucoup apporté au monde ! POUR EN SAVOIR PLUS Sur la fausse information des  achats de chars : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/10/les-chars-fant%C3%B4mes-de-larm%C3%A9e-grecque.html#more et http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/10/%C3%A0-la-recherche-des-chars-fant%C3%B4mes-grecs.html#more Sur la corruption : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2010/05/gr%C3%A8ce-corruption-%C3%A0-tous-les-%C3%A9tages.html http://crise.blog.lemonde.fr/2010/03/23/les-fakelakias-en-pratique/
Dessins issus du site : http://www.segoleneroyal-meag.com/article-union-europeenne-quelques-dessins-humoristiques-52999976.html

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