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322ème semaine politique: comment Sarkozy rate son retour

Publié le 06 juillet 2013 par Juan
322ème semaine politique: comment Sarkozy rate son retour
Nous avons été pris de court. C'est sans doute trop tôt. C'est pourtant évident. Nicolas Sarkozy qui annonce son retour est comme la touche finale qui manquait à un spectacle politique qui de gauche à droite s'était "primarisé".

Sarkofrance, chronique primaire d'une époque primaire, est donc de retour.

Recomposition... ou décomposition
Une recomposition politique se dessine peut-être sous nos yeux. A droite, la droite classique est absorbée par le boa frontiste, aidée par une puissante démobilisation à gauche. Le départ récent d'une ministre peu écologiste et mal aimée du gouvernement provoque une discorde plus violente qu'habituelle entre socialistes et écologistes.
Lundi soir, émoi dans les rédactions. Elles n'étaient pas suspendues à l'éviction programmée du nouvel autocrate égyptien. Mohammed Morsi, piètre gestionnaire, avait de surcroît voulu régler l'avenir du pays avec une Constitution islamique contestée. Manifestations monstres, heurts, viols et morts, l'actualité est violente et se précipite. Exceptés quelques journalistes passionné(e)s et passionnantes, nos rédactions franco-françaises s'esclaffaient d'une autre jolie manoeuvre: le limogeage de Delphine Batho. La jeune socialiste - pas encore 40 ans - a provoqué un joli coup.
Avec quatre jours de recul, on comprend la manoeuvre.  A deux reprises, elle critique un budget qu'elle n'a pas voulu négocier mais qu'elle qualifie de "mauvais". Elle ne prend ni Hollande ni Ayrault au téléphone. Les gars sont bons princes. Ils patientent une journée pour des excuses. La trublionne maugrée. Elle reçoit sa convocation pour entretien préalable à licenciement par Twitter. A 18 heures et quelques, la messe est dite et Batho n'est plus ministre. Sur le coup, on applaudit à son courage, on s'indigne comme nos amis écolos de cette écologie sacrifiée. Puis l'on comprend que ce budget n'est pas si affecté, il y avait de la manip comptable - 300 millions d'euros en moins compensés par l'affectation de la nouvelle taxe poids lourds.
Jeudi matin, l'ex-ministre commet une jolie bourde: elle tient une conférence, on mesure le dérisoire. Elle accuse Hollande d'avoir cédé aux lobbys. Elle désigne même le patron de Vallourec d'avoir convaincu Hollande de la virer pour préparer le retour des explorations de gaz de schiste et une inflexion élyséenne en faveur du nucléaire. Elle fustige le manque de collégialité au gouvernement. Elle dénonce l'austérité. L'accusation est trop large et sans preuve: les services de l'Elysée ont encore rappelé cette semaine qu'il n'était pas question d'autoriser l'exploitation du gaz de schiste; que le programme de réduction du nucléaire serait mené à bien comme prévu. Quand au budget de l'écologie, personne n'est dupe.
"Je n'aurais pas dû être virée. Ce que j'ai dit ne justifiait pas cette mise à l'écart" continue-t-elle sur RMC le lendemain. Les écologistes se réunissent en crise, décident de rester au gouvernement. Vendredi, deux responsables tendent la main à Batho. Ils attendent la loi de programmation sur l'énergie, la fiscalité et le budget 2014. Ce sont d'ailleurs les vrais sujets, bien davantage que la réduction de 3,5% d'un budget au périmètre restreint.
Tempête dans un verre d'eau ? "Nous n'allions pas mourir pour Batho" tempère l'eurodéputé Yannick Jadot. Et virer des ministres est un exercice où la droite mène encore très largement au score.
A gauche, Batho compte peu mais son éviction fait croire qu'une recomposition politique est possible. Elle allierait le Front de gauche, EELV et une fraction du parti socialiste. Elle se dessine progressivement, trop lentement aux goûts de certains. Elle suit peut-être les craquements d'une situation instable.
On ne sait pas si elle sera efficace. Une alliance plus à gauche perdra des soutiens au centre, inévitablement. Mais là n'est pas la question. La situation actuelle est toute autant une impasse. La majorité du 6 mai 2012 a disparu quelque part en juin de la même année, c'est-à-dire très vite. Le départ de Delphine Batho n'est-il pas l'un des signes faibles qui pris ensemble peuvent former un signal fort: la constitution, pas à pas, d'une autre majorité ?
Sarko revient, en pire.
"Aidez-moi", la maxime de campagne fait sourire. Son crédo victimaire fonctionne mal. Notre Sarko national revient précipitamment dans un jeu national qu'il avait promis de quitter à jamais il y a un an. On le suit à la trace depuis plus d'un an.
Ses comptes de campagnes sont invalidés définitivement. Pour un dépassement de 466 000 euros, le candidat perd le bénéfice d'un remboursement de 11 millions d'euros. Aussitôt, les fidèles Guaino, Hortefeux et Peltier déboulent sur les plateaux télé pour dénoncer la manoeuvre. C'est la démocratie qu'on veut tuer ! "Ulcéré et choqué", Sarkozy lui-même met en cause le Conseil Constitutionnel, la plus haute institution juridique du pays dont paradoxalement, son propre camp a nommé l'essentiel des membres au cours de la dernière décennie (*). Ce n'est pas la première fois. Quand le même Conseil avait récusé son projet de taxe carbone en décembre 2009, il avait été publiquement violent. Sarkozy suspend sa participation au dit Conseil. "Ulcéré et choqué", il ne l'était pas quand il donnait des conférences à 100.000 dollars devant des banksters tout en restant membre du Conseil ! Le gars est même allé claquer la bise à Poutine et quelques émirs pendant son année convalescente !
Sur sa page Facebook, il se permet d'en appeler à la sauvegarde de la démocratie. Il paraît que "toutes les hypothèses ont été mises sur la table" avant de balancer pareille ânerie. On a échappé de peu à une intervention au journal de 20 heures de TF1 dès vendredi 5 juillet ! Au petit matin, Sarko 1er convoque une troupe de choc à son QG rue de Miromesnil: Jean-François Copé, Éric Cesari, Jérôme Lavrilleux (directeur de cabinet de Copé), Fabienne Liadze (directrice financière), Michel Gaudin (directeur de cabinet de Sarkozy), Pierre Giacometti (l'ancien sondeur officiel) et Franck Louvrier(ex-conseiller en communication devenu patron d'une filiale de Publicis). Quelques heures plus tard on nous explique que Nicolas Sarkozy entend bien "contribuer pleinement" au redressement de l'UMP. Quelle dévotion personnelle !
"Je ne suis pas sûr que ce soit le moment pour Nicolas Sarkozy de faire son retour" déclare l'UMPiste du 16ème arrondissement de Paris Bernard Debré. Un ancien ministre, prudemment anonyme, complète: "Il revient en pire, et en attaquant toutes les institutions judiciaires, y compris le Conseil constitutionnel. Avec ça, il aura du mal à nous faire croire qu'il a vraiment changé.» La démarche est en effet mal placée."  Même le Figaro nous rappelle ce samedi que Sarkozy avait annoncé et promis son retrait de la vie politique l'an dernier.
Effectivement, Sarkozy revient de la pire des façons: un motif personnel, une attaque des institution, un mauvais timing. Son irresponsabilité est en passe de ruiner son propre parti. Car qui croira que la décision du Conseil est injuste, illégitime, inappropriée ? La commission des comptes de campagne et le Conseil Constitutionnel ont au contraire épargné une humiliation bien plus grande à l'ancien monarque: les dépenses politiques - i.e. celles dont le but principal était de préparer la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012 - étaient légions en Sarkofrance: sondages clandestins, meetings de province, invitations massives des parlementaires UMP, meetings clandestins avec des militants UMP en marge des déplacements officiels, etc... Qui est dupe de cette immense manipulation ? Qui ose prétendre qu'il ne s'agissait pas d'une captation des moyens présidentiels aux fins de la réélection ? Bref, les autorités de contrôle ont été sacrément clémentes !
On croit rêver ... Christiane Taubira, Garde des Sceaux, a recadré l'actuel failli: "Aussi désagréable que soit une décision, son acceptation fait appel à l'esprit civique et au sens de la responsabilité, et réclame un effort de dignité au nom de l'intérêt général."  François Hollande, en voyage en Tunisie, sort de sa réserve: "Le Conseil constitutionnel doit être respecté, pleinement respecté, entièrement respecté et personne ne peut suspecter, mettre en cause cette institution sans mettre en cause l'ensemble des institutions."
Sarkozy revient pour sauver non pas la France mais lui-même... C'est le retour de Calimero. L'invalidation du droit à remboursement des comptes de campagne du candidat ne concernait ... que le candidat. C'est parce que l'UMP s'est finalement portée caution - quel sacrifice de Jean-François Copé ! - que le parti est aujourd'hui est difficulté. Vendredi matin, Copé lance une souscription nationale. Le soir même, l'UMP-thon aurait récolté 500.000 euros
L'ancien monarque revient trop tôt, trop vite, pour sauver sa peau qu'il confond encore avec la France.
Hollande en risque
Le camp Hollande aurait tort de se réjouir. Le débat politique est suffisamment primaire pour qu'il déraille facilement. L'Elysée est convaincu de sa bonne action. Mais le panorama politique est dévasté. Attaquer Sarkozy, brandir la menace Le Pen ne suffisent pas.
La future rigueur de 14 milliards d'euros sera-t-elle judicieusement placée pour éviter d'aggraver la récession ? "Les socialistes et les Verts savent dorénavant qu’ils n’ont d’autre espace que celui de la soumission aveugle et silencieuse au dogme de l’austérité" commente Mélenchon.
La réforme des retraites sera-t-elle simplement juste ? Et que dire des révélations étourdissantes du journal le Monde sur notre Big Brother tricolore, clandestin et illégal, que gauche et droite couvrent depuis des lustres ? Et de la radicalisation du MEDEF ou de la marche des chômeurs invisibles ? Quid de la loi Vallaud-Belkacem sur l'Egalité homme/femmes ?
La gauche, c'est-à-dire ce camp politique que se qualifie comme tel, cette gauche remue, elle tressaute, elle tressaille. Elle nous inquiète. Elle ne comprend pas ou, pire, ne parvient pas à apporter les réponses politiques qui s'impose. Elle ne sent pas l'urgence à convaincre. Elle confond l'anecdote avec le symbole.
Prenez le cas Le Pen. La patronne du parti perd son immunité au Parlement européen, mais le plus sinistre est ailleurs. Son paternel, président d'"honneur" - soulignez le terme: "honneur" - est à Nice. Il évoque les Roms: "Vous avez quelques soucis avec des centaines de Roms qui ont dans la ville une présence urticante et odorante". C'est évidement honteux, indigne et punissable. Mais quelque part à gauche, plus loin, certains ricanent en osant expliquer que Valls est pire que ce Le Pen-là puisqu'il expulse davantage de Roms que Sarkozy en son temps. Misère de la réflexion ou réflexions misérables ? Les deux mon capitaine... Une illustration de plus de ces ruptures à gauche.
Sarkofrance revient, bien sûr. Le débat est si primaire qu'il faut des ripostes primaires. Nicolas Sarkozy est là, une fraction de la gauche reste primaire, une autre au pouvoir ne comprend pas le feu qui couve.
(*) "Sur douze Sages, sept ont été nommés par un pouvoir de droite, deux par un pouvoir de gauche", rappelle Le Monde.

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