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L’insuccès de la politique extérieure d'Obama ne signe pas la fin de la suprématie américaine

Publié le 12 juillet 2013 par Copeau @Contrepoints

Aucun pays n’est près de contester sérieusement le statut de puissance hégémonique des États-Unis. Pas même la Chine.

Par Fabio Rafael Fiallo.

soucis d'obama
On ne peut pas dire que la politique extérieure soit le fort de l’actuel président des États-Unis. Aucune percée diplomatique ne saurait être portée à son crédit. La main tendue à l’Iran, le nouveau départ recherché dans les relations avec la Russie (le reset), l’intermédiation dans le conflit israélo-palestinien, les protestations visant à mettre un terme aux cyber-attaques venant de Chine contre des entreprises américaines, la poignée de mains avec Hugo Chávez, pas plus que les pressions sur la Corée du Nord ou sur le régime syrien, n’ont servi ni à faire avancer la paix et la démocratie dans le monde ni à renforcer le poids de l’Amérique.

Il y a, bien sûr, la mort de Ben Laden et d’un nombre considérable d’autres dirigeants d’Al-Qaïda. Mais ces réussites appartiennent au domaine de la contre-intelligence et des capacités militaires et non pas à celui de la politique extérieure à proprement parler.

La question se pose ainsi de savoir si l’insuccès de la diplomatie d’Obama ne marquera pas la fin de la suprématie des États-Unis dans les affaires mondiales. À la lumière de l’histoire contemporaine, la réponse est non.

Les États-Unis avaient traversé une situation semblable sous la présidence de Jimmy Carter, quand la politique extérieure américaine n’était ni plus cohérente ni plus musclée que celle de son ennemi stratégique d’alors, l’Union Soviétique de Brejnev.

Tandis que Jimmy Carter se trouvait empêtré dans l’affaire des otages de l’ambassade américaine à Téhéran, et que les États-Unis n’avaient pas encore surmonté le traumatisme de la guerre du Vietnam, l’Union soviétique s’en donnait à cœur joie à envahir l’Afghanistan, à étendre son emprise en Afrique avec l’aide de troupes cubaines et à écraser la contestation en Europe de l’Est.

Et pourtant, en dépit de cette asymétrie entre les deux superpuissances dans la détermination à peser sur l’échiquier géopolitique, quelques années plus tard, les États-Unis sortaient vainqueur de la Guerre Froide.

Une telle issue prouve qu’avoir une politique extérieure cohérente et musclée n’est aucunement un gage de réussite – pas plus qu’une diplomatie poussive ne détruit forcément le statut hégémonique d’un pays.

Car dans la quête de suprématie géopolitique, d’autres facteurs jouent un rôle plus important que l’efficacité diplomatique. À commencer par la supériorité dans les domaines de l’économie, la technologie et, bien entendu, des capacités militaires.

Le plus large est le niveau de supériorité d’une puissance dans ces domaines, le moins elle aura besoin d’une stratégie diplomatique percutante pour prévaloir face aux nations qui la défient.

Et il s’est avéré que, lors de la stagflation des années 70, qui avait mis à mal l’ensemble du monde capitaliste, la vitalité économique de l’Amérique – aidée par la politique anti-inflationniste de la Réserve fédérale – vint à bout de cette crise en même temps que l’économie soviétique continuait à s’ankyloser.

Entre également en jeu la capacité d’un système politique à répondre aux attentes du peuple. Ici, l’alternance démocratique et le libre débat donnaient aux États-Unis un avantage concurrentiel face à une Union soviétique paralysée politiquement par la chasse à toute critique de la ligne officielle du régime.

Certes, il y a des situations où une diplomatie efficace s’avère indispensable. Cela arrive notamment quand la puissance qui mène le jeu ne possède pas une nette supériorité vis-à-vis des nations qui se battent pour la détrôner.

Tel a été le cas, entre autres, de la suprématie britannique au long du 19e siècle. Les rivaux de l’Angleterre (la Prusse en premier lieu), tout en ne disposant pas d’une puissance maritime comparable, avaient un statut économique, technologique et militaire à peu près équivalent à celui de l’Angleterre. Leurs systèmes politiques n’étaient pas très différents non plus. De sorte que la marge de supériorité de l’Angleterre était plutôt fragile.

D’où l’importance pour l’Empire britannique d’alors d’avoir une diplomatie bien huilée, de promouvoir et négocier des alliances circonstancielles, et ce afin d’assurer constamment un équilibre des forces à sa faveur.

Or, il se trouve que l’Amérique d’aujourd’hui garde une similarité avec les États-Unis de Jimmy Carter plutôt qu’avec l’Empire britannique du 19e siècle. Aucun pays ou groupe de pays n’est près de contester sérieusement sa place.

À ce sujet, on pense immédiatement à la Chine et à sa croissance économique spectaculaire. Mais un tel dynamisme ne fait pas nécessairement de l’empire du Milieu la future puissance hégémonique, tant s’en faut. La Chine n’a aucun avantage technologique ; elle ne fait qu’utiliser la technologie occidentale. Son modèle de développement ressemble à celui du capitalisme d’État du Japon au siècle dernier, lequel tend à s’essouffler à partir d’un certain niveau par ce qu’on appelle le « piège du revenu intermédiaire » (middle-income trap). Son pouvoir militaire est nettement inférieur à celui des États-Unis, de même que son budget de défense ; et si le régime décidait de l’accroître à cadences forcées, il restreindrait sa capacité à répondre aux attentes pressantes de bien-être de sa population.

Compte tenu de ce qui arriva à l’Union soviétique, se lancer dans des dépenses militaires exorbitantes, au prix de sacrifier les attentes de bien-être de la population, pourrait ouvrir la boîte de pandore de la contestation populaire.

Puis, les voisins de la Chine (Inde, Japon, Australie, Vietnam) sont prêts à faire barrage à ses velléités de domination dans la mer de Chine méridionale – et cherchent pour cela le concours des USA (même le Vietnam !).

Pour toutes ces raisons, les États-Unis peuvent se permettre une politique extérieure défaillante sans pour autant perdre le statut de puissance hégémonique.


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