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L’inquisition et les livres interdit à Venise

Publié le 13 juillet 2013 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Ville précoce et moderne Venise était une cité exceptionnelle. Située à l’intersection des routes commerciales et de frontières culturelles, elle regorgeait de visiteurs, des commerçants, des réfugiés et d’intellectuels.

Il n’est alors pas surprenant de comprendre que cette ville devrait favoriser les groupes et les individus de croyances orthodoxes, dont les opinions et le style de vie les mettrait en conflit avec les autorités laïques et religieuses. S’appuyant une importante quantité de sources et en particulier de celles de l’Inquisition, des études reconstituent le tissu social de Venise entre 1640 et 1740. Elles ramènent à la vie une foule de personnages mineurs qui habitaient la ville, et qui ont favorisé les idées de la dissidence, l’incroyance et l’athéisme, ferments de la Contre-Réforme.

The Inquisitor in the Hat Shop: Inquisition, Forbidden Books and Unbelief in Early Modern Venice de Federico Barbierato est un livre, en anglais, qui brosse une scène vivante remplie d’artisans, de religieux et de prêtres, de libraires, d’apothicaires et de barbiers. Une ville animée, dont les espaces de sociabilité, entre les cafés et les ateliers, les apothicaires et les boutiques de barbiers, ainsi que les salons de la bonne société, permettent  de parler simplement et à tous d’exprimer publiquement leurs idées. Pour donner de la profondeur aux cas identifiés, l’auteur se superpose à un certain nombre de thèmes contextuels, tels que la survie des doctrines du protestantisme (ou crypto-protestante), la situation politique à un moment donné, et les réseaux de groupes dissidents qui ont fleuri dans la ville, tels que les "métaphysiciens libres" qui se sont réunis dans les locaux du chapelier Bortolo Zorzi.

Ce faisant ce livre riche et stimulant fournit un aperçu systématique de la façon dont les institutions ecclésiastiques vénitiennes contrôlaient la diffusion même des idées hétérodoxes et athées dans les différentes couches sociales. Il sera d’un intérêt non seulement pour les chercheurs  Venetophyles, mais aussi pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire intellectuelle, culturelle et religieuse du début de l’Europe moderne.

Index des livres interdits, vol. III : Index de Venise, 1549 ; Venise et Milan, 1554, par J. M. De Bujanda correspond à une étape importante dans l’histoire de la censure.

A Venise, le plus grand centre de production de livres de l’époque, tout projet de censure se heurte à la résistance de ceux qui vivent de cette activité économique. Les libraires importent massivement les livres "luthériens" ; les imprimeurs publient les ouvrages d’hétérodoxes italiens. L’autorité civile balance entre la répression et la tolérance tacite.

En 1549 les rigoristes l’emportent et le Conseil des Dix ordonne la composition et l’impression d’un Catalogo sous la direction de l’Inquisition vénitienne et, en particulier, du légat Giovanni Della Casa. Mais, sous la pression des "hommes du livre", l’ouvrage sera retiré après un mois seulement.

L’index des livres interdit sera finalement imposé par le pape Paul IV, rédaction purement romaine valable pour toute la chrétienté, et qui deviendra donc un document secret, exploité par l’Inquisition, dès 1559, et célèbre pour sa rigueur. Mais il sera surtout principalement diffusé, en secret, grâce à l’hétérodoxe émigré Pier Paolo Vergerio qui s’en était procuré un exemplaire. Les contrefaçon protestante de l’Index seront nombreuses, car considéré comme une incontestable publicité pour les livres qu’il fallait avoir lu.

L’Index mentionne entre autres 596 livres, dont 94 propres à Venise, alors que 2 seulement sont de Milan. Mais, un appendice purement vénitien rajoute encore 93 interdits antérieurs, portant ainsi le total à 689.

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Vous avez donc là de quoi commencer une importante bibliothèque !

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the inquisitor in the hat shop


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