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François Hollande, alpiniste du déni

Publié le 15 juillet 2013 par Copeau @Contrepoints

François Hollande est connu pour son optimisme, et en a rajouté une couche lors du traditionnel discours du 14 juillet, au point que même Libération l'a remarqué. Impopulaire, hué sur les Champs-Élysées, François Hollande n'en perd pas moins confiance dans l'avenir - une confiance que les Français n'ont plus en lui, pas plus que les agences de notation.

Pour lui, la reprise est là. On aimerait savoir où, on aimerait comprendre comment, on aimerait le croire. Mais on ne peut pas. On ne peut pas décemment voir de reprise en France dans les mois à venir.

«Je ne vais pas enjoliver le tableau ici», a déclaré Hollande dans les jardins de l'Élysée, mais «il y a l’assurance que le second semestre sera meilleur que le premier». Pour cela, le chef de l’État se fonde sur les rares indicateurs qui ont retrouvé des couleurs ses dernières semaines. La production industrielle ? «Nous sommes, en Europe, le pays où elle repart le plus rapidement.» La consommation ? «Une petite reprise.» L’emploi ? «Les embauches commencent à progresser», a annoncé Hollande, tempérant toutefois son propos par un «c’est très léger».

Très léger, oui. C'est le moins qu'on puisse dire. Le second semestre meilleur que le premier ? Pas évident du tout. Mais si on peut gagner quelques mois d'optimisme général... Après tout, François Hollande croit au keynésianisme ; l'auto-réalisation des croyances, c'est maintenant. Si les Français ont été assez crédules pour lui donner leur vote, c'est qu'ils croient en sa parole ; quand il dit que ça reprend, ils devraient se mettre à investir à plein régime, consommer comme si demain n'existait pas, embaucher à la pelle, bref, reprendre.

Mais ça ne prend pas. Pour que les Français croient en la reprise, encore faut-il qu'elle soit un tant soit peu crédible. Au vu du niveau de leurs dirigeants, ils auraient tort d'y croire.

Sans surprise, il a donc renouvelé sa promesse d’une inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année. «Ce n’est pas un objectif, c’est un engagement : je serai jugé là-dessus.» Hier, il a devancé les critiques de la droite sur le recours massif aux emplois aidés. «J’assume cette politique», a répondu le chef de l’État, soulignant«préférer qu’un jeune ou un moins jeune soit dans l’activité plutôt qu’au chômage. […] Le principe, c’est le travail.». «Je me bats pour l’emploi. C’est une volonté, c’est une stratégie, c’est une cohérence», a-t-il poursuivi.

Badaboum. Rangez votre autoréalisation des croyances, remisez l'optimisme au placard. François Hollande mise sur le travail pour le travail pour faire repartir l'économie.

Si ça marchait vraiment, nul doute que les socialistes auraient déjà trouvé un moyen de parvenir au plein-emploi. Il suffit d'occuper les citoyens à creuser des trous la moitié de la journée et à les reboucher l'autre moitié. On peut même développer le travail d'équipe et la cohésion sociale en séparant la société en deux ; une moitié creuse, l'autre rebouche. Évidemment, on n'aura rien produit, mais on aura créé du travail : objectif atteint. Les emplois aidés relèvent de la même logique : qu'un emploi soit assez rentable pour être créé ou non n'est pas important, seul compte qu'il soit créé.

Si on voulait réellement créer de l'emploi, c'est-à-dire faire en sorte que des emplois nouveaux et économiquement viables soient créés, il faudrait s'assurer que la productivité est supérieure au coût du travail. L’État ne peut pas rendre les emplois plus productifs, mais il peut baisser le coût du travail. Cela suppose qu'il touchera moins d'argent sur chaque emploi, mais à bien y réfléchir, on comprend mal la légitimité pour l’État de s'attribuer une part - significative, de surcroît - de chaque rémunération.

François Hollande persévère donc dans la cohérence de l'illogisme, dans sa volonté de ne pas tenir compte des principes fondamentaux de l'action humaine, dans sa stratégie de soigner les symptômes plutôt que la maladie.

Son cap ? Il est inchangé. Le «sérieux budgétaire», la «compétitivité des entreprises» et une stratégie d’investissement d’avenir pour dessiner une «France dans dix ans». En attendant, François Hollande a laissé entendre que, contrairement à la promesse qu’il avait faite lors de sa conférence de presse du mois de mai, les impôts devraient bien augmenter en 2014 comme l’a révélé son ministre de l'économie, Pierre Moscovici. «L’État fera autant d’économies que possible pour éviter les hausses d’impôt, a-t-il martelé. Je ne ferai des augmentations d’impôts que si elles sont absolument indispensables, dans l’idéal le moins possible.» Sur le dossier des retraites, il a redit à la gauche de la gauche, qui ne voit pas de degré d’urgence pour cette réforme : «Je ne laisserai pas d’ardoise pour les autres.» «Nous allons allonger progressivement la durée de cotisation, tout le monde fera un effort.» Quitte à peser sur le moral.

Le sérieux, budgétaire ou non, n'est pas vraiment de mise. S'il voulait vraiment faire des économies, le Président n'aurait que l'embarras du choix - des auteurs de bonne volonté ont même proposé des pistes crédibles et légitimes pour lui simplifier la tâche.

S'il était vraiment sérieux, il tenterait aussi de donner de la visibilité sur leur avenir aux individus et aux entreprises. En promettant de réduire les déficits et ne plus augmenter les impôts, et en revenant sans cesse sur sa promesse par manque de courage politique, le Président ne fait que générer une incertitude supplémentaire dans un contexte déjà difficilement lisible. Aujourd'hui incapables de faire des choix car incapables d'en prévoir les conséquences, les acteurs économiques - i.e. tous les Français - n'attendent plus du Président qu'il leur donne de la lisibilité, ce qu'il se révèle incapable de faire.

Il leur donne à la place un optimisme qui ne résiste pas à l'analyse, et auquel plus personne ne croit. Pas même les ministres.

Mais, à Bercy, personne ne veut prendre le risque de parler de «reprise» ou simplement de garantir que le plus dur serait maintenant passé. «C’est encore trop tôt et trop fragile», nous confiait un ministre la semaine dernière. Un poids lourd de la majorité doute même du petit mieux promis par les indicateurs mis en avant hier par Hollande : «On est dans une phase de rebond technique, de reconstitution de stocks des entreprises. Mais ce n’est pas durable.»

Dans un contexte économique où rien n'a changé, si ce n'est que les dirigeant ont fait montre de leur incapacité à comprendre les vrais problèmes (au premier rang desquels la dette) et à les résoudre, ou même à s'assurer que les États qu'ils dirigent remplissent leur mission première - qui devrait être unique - en garantissant les droits individuels des citoyens, l'optimisme que François Hollande tente d'insuffler est au mieux une grave erreur bien intentionnée.

L'enfer est pavé de bonnes intentions ; la route de la servitude l'est aussi. Et c'est là que nous conduisent les gouvernements, en choisissant de préserver à tout prix un système voué à l'échec. En faisant reposer la croissance sur l'endettement, en substituant l'engagement collectif à l'initiative individuelle, en faisant de l’État non plus un bienveillant garant des droits individuels mais un généreux partisan des droits nouveaux accompagnant de gré ou de force les individus du berceau à la tombe, le modèle social-démocrate nie les principes de l'action humaine - ce qui a toujours conduit à l'échec.

"Il peut y avoir des millions de méthodes, mais les principes sont peu nombreux. L'homme qui comprend les principes peut choisir avec succès ses propres méthodes. L'homme qui tente des méthodes, ignorant les principes, est voué à l'échec." (Ralph Waldo Emerson)

Les hommes politiques ont, de tout temps, cherché à développer leurs propres méthodes pour offrir aux hommes bonheur et prospérité, sans jamais comprendre réellement les principes de l'action humaine. S'ils l'avaient compris, ils laisseraient aux individus le soin d'être prospères et heureux, et se contenteraient de s'assurer que personne n'attente à leur liberté, leur sûreté ou leur propriété.

C'est peut-être frustrant d'être élu pour ça, mais sans doute moins que de tenter d'insuffler sans succès l'optimisme auprès de millions de citoyens qui ont voté pour soi, de tenter d'impulser sans succès la croissance à coup de milliards, de tenter de diriger des vies comme on joue aux petits soldats et à la poupée en ne récoltant pour cela que les huées le jour du 14 juillet.


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