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Black Sabbath, 13

Publié le 16 juillet 2013 par Bertrand Gillet

Une vraie gueule de porte-bonheur.

Black Sabbath, 13
Que vaut le rock – juvénile par définition - entre les mains parcheminées de papys ? Ces stars déchues, oubliées, pas encore mortes ou tout simplement en panne d’inspiration qui tentent le come back, la reformation, la tournée voire l’Album. Combien d’exemples – et non des moindres – se sont ainsi fracassés sur le mur des réalités ? Quand la jeune garde n’arrive pas à dépasser les ainés, à revitaliser un genre déjà quinqua, qui peut croire que des rockeurs vermoulus, rongés de l’intérieur par tous les excès du star-system – succès, drogues, alcools, sexe, cures diverses et variées –, feront mieux. Contre toute attente, le mythique géniteur du métal, Black Sabbath, a réalisé cet exploit. Malgré l’âge et les blessures du corps qu’il occasionne, trois vétérans sur quatre ont ressuscité le nom, l’esprit et par là même l’âme du Sabbath Noir. Exit les Deep Purple et autres Stooges ! Out le retour surévalué de David Bowie ! Ozzy Osbourne, Tony Iommi et Geezer Butler pourtant privés de Bill Ward – englué dans le cercle vicieux des procédures contractuelles – ont repris les habits et les armes, et de quelle manière ! Accompagnés du producteur Rick Rubin, nos héros reviennent avec la morgue – sans mauvais jeu de mots – de ceux qui n’ont plus rien à prouver. Lorsqu’on est dépositaire d’une discographie riche de dix neuf albums, on se sent plus libre et paradoxalement moins attendu au tournant. D’où la surprise, l’extrême vitalité dont les musiciens font preuve tout au long des huit morceaux qui, s’ils ne bouleversent pas les tables de la loi du songwriting, n’en demeurent pas moins passionnants. Osant presque tous la longueur seule capable de tirer ces ambiances macabres vers des méandres insoupçonnés. Fait notable pour des hommes revenus de tout. On est frappé par la radicalité du geste. Iommi reste un grand, un très grand guitariste, pourvoyeur inné de riffs et tout aussi à l’aise quand il s’agit de dilater le propos dans des impros lorgnant du côté du jazz – le mal nommé et néanmoins magnifique Zeitgeist. Osbourne malgré ses airs de vieille sorcière tout droit sortie d’un manoir décrépi assure encore, prouvant quel immense chanteur de métal il est, malsain et suintant comme personne. Quant à Butler, les coups donnés à sa basse font encore mouche. Parlons des morceaux. Pas vraiment des chansons donc. Même si l’on peut piocher de-ci de-là un refrain, une intention. Au-delà de leur âpreté, ils arrivent à distiller une forme d’angoisse sourde, un sentiment viscéral qui reste l’apanage des classiques de l’époque – Iron Man, War Pigs, Black Sabbath, Sabbath Bloody Sabbath, Electric Funeral. End Of Beginning, God Is Dead ?, Age Of Reason ou Damaged Soul sont des morceaux sans concession, non pas conçus pour alimenter je ne sais quelle tournée friquée, mais des titres joués avec passion, animés par le seul plaisir d’être là, ensemble, de savourer le temps présent tout en retrouvant le sel du passé. Ces années où le groupe inventait un style qui depuis a fait largement école. Certains objecteront que dans toutes ces chansons il y a des petits trucs recyclés, des gimmicks chinés dans les œuvres antérieures. Peut-être. Personne ne le conteste. Ok, le final de Dear Father est un clin d’œil appuyé aux premières secondes de Black Sabbath, la composition éponyme. Mais si la sincérité est la seule vertu qui compte en matière de création musicale, ceux-là n’en sont pas dépourvus. Au contraire. Leur honnêteté se sent, se vit dans la tête et dans les chairs. Un grand bravo au passage à Rubin qui a su trouver un entre-deux salutaire et crédible, un son se plaçant ainsi naturellement entre les seventies – les débuts du groupe à travers ses cinq premiers albums – et la période contemporaine. Ce chiffre 13 semble leur porter bonheur. Tout enflammé qu’il est à l’image d’une musique encore incandescente, offrant de très beaux restes. Après de multiples écoutes et quelques relectures de principe, on a presque oublié que l’entreprise était menée par de paisibles sexagénaires. Grosse, grosse bombe pour un vrai retour d’outre-tombe.

http://www.deezer.com/fr/album/6651515

 



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