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Le « socialisme » est le cadet de nos soucis

Publié le 29 juillet 2013 par Roman Bernard

Le « socialisme » est le cadet de nos soucis

« Vous préféreriez les tickets d'rationnement, ptet' ? »

De mes années libérales, je garde le souvenir d'un spectre dont la simple mention suffisait à nous plonger, mes camarades en « liberté individuelle » et moi-même, dans un effroi indicible : le socialisme.
C'était à la fois la cause et la conséquence de nos problèmes réels et imaginaires, sur lesquels nous ne nous accordions pas. Dans une causalité circulaire, le socialisme était la source de nos maux, et tous ces maux le renforçaient en retour. Ce simplisme idéologique, qui continue à être celui non seulement des milieux libéraux, mais aussi d'une bonne partie de la droite, nous faisait voir comme ennemi suprême une idéologie que nous étions bien incapables de définir. Notre discours n'était pas politique, mais religieux.
Notre religion avait, toutefois, les apparences de la raison. Nous prétendions établir avec statistiques à l'appui la preuve de ce danger du socialisme. Nos statistiques étaient le plus souvent sommaires : la hausse du taux de dépenses publiques rapportées au Produit intérieur brut (PIB), partout en Occident, suffisait pour indiquer une course vers l'abîme, de « bonnes » sociétés à faible taux d'imposition jusqu'à une situation où toute l'économie serait collectivisée, rappelant les expériences communistes passées.
Outre que seuls quelques-uns, dont votre serviteur, se demandaient pourquoi, si nous étions dans une société socialiste, l'orgie consumériste était plus forte que jamais, ces statistiques ne permettaient pas de comprendre la réalité. Branchés sur les États-Unis et leur « mouvement » libéral-conservateur en faillite, nous nous basions surtout sur l'Indice de liberté économique publié par l'opulente Heritage Foundation.
Selon cet indice, il serait donc préférable de vivre dans les sociétés les mieux notées, comme si la liberté économique devait être un critère plus important que, par exemple, l'homogénéité ethnique et culturelle. 
Vaut-il mieux vivre « libre » à l'Île Maurice, ou « contraint » en Ukraine ?Si le socialisme est à la fois la source et la conséquence de nos problèmes, alors vivre à l'Île Maurice, classée 8e en 2013, est de très loin plus enviable que vivre en Ukraine, 161e. Je dois être un bolchevik incurable, mais je préférerais vivre dans n'importe quel pays « socialiste » dont la population est européenne que dans un pays non-européen, fût-il « libéral ». Je préférerais vivre en Argentine (160e) qu'à Bahreïn (12e). Le Botswana, classé 30e, loin devant la France (62e), n'est pas non plus un pays où j'aimerais vivre. Par contre, passer quelques années en Italie (83e) ne serait pas pour me déplaire.
Mais est-il besoin de prendre au sérieux un indice qui met coude à coude la France et... le Rwanda ?
Comme le libéralisme est, à l'origine, une doctrine anti-traditionnelle, remettant en cause la nécessité d'une inégalité de droit reflétant les hiérarchies naturelles, ou le déterminisme qu'implique le fait de partager des gènes, une histoire et une culture, les libéraux et leurs alliés conservateurs s'adressent non pas à ceux qui ont tort de les écouter, mais à la gauche, à laquelle ils s'échinent à démontrer que plus de liberté économique signifierait moins d'inégalités, une plus grande réussite des minorités ethniques, etc.
Ce qu'ils entendent par « socialisme » n'est d'ailleurs pas très clair. Dégageons donc les éléments principaux du socialisme tel qu'il est compris et voyons comment ils se situent par rapport à eux :
Universalisme : le socialisme contemporain implique une vision globale du monde, visant à l'établissement d'un État mondial. Le libéralisme ne remet pas en cause cette vision globale, simplement son moyen : plutôt que l'édification d'États continentaux puis leur fusion en un seul État mondial, le libéralisme postule que les échanges entre individus, notamment économiques, parviendront au mieux à réunir les hommes. Notons que socialistes comme libéraux sont favorables à la mondialisation, les premiers par la politique, les seconds par l'économie. Ils sont les deux jambes du projet globaliste.
Progressisme : Libéraux comme socialistes s'accordent sur leur vision de l'histoire, linéaire plutôt que cyclique. Il n'y a pas de place pour la Tradition dans cette vision. La frange conservatrice du libéralisme, inspirée notamment des écrits de Burke, considérera la tradition comme une sorte de bagage qui se transmettrait de génération en génération et qui, par apports successifs, permettrait aux hommes de « progresser », toujours plus haut. Or, la Tradition au sens évolien est tout simplement ce qui est vrai de tout temps et en tout lieu. Dominique Venner disait que la tradition est « ce qui ne passe pas ».
Égalitarisme : le socialisme au sens actuel postule l'égalité des hommes ; le libéralisme s'accorde avec le socialisme à ce sujet, il entend simplement défendre l'égalité formelle (juridique), et non réelle. Mais c'est une illusion : l'égalité formelle, dont une application est le suffrage universel, conduit aux exigences d'égalité réelle de la part de ceux qui, étant moins doués que les autres, réclament du pouvoir politique une garantie d'égalité de condition. À cela, les libéraux n'ont pas de réponse satisfaisante.
Collectivisme : c'est le seul point de contention entre socialisme et libéralisme. Mais le collectivisme des socialistes d'aujourd'hui est mal compris. Il ne s'agit pas tant d'un collectivisme que de l'application égalitaire et universelle de l'individualisme qui est à la base tant du socialisme que du libéralisme. Quand le socialiste parle de la collectivité, il n'entend pas une collectivité enracinée dans un peuple, une terre et une tradition, mais l'ensemble de l'humanité entendue comme une masse d'individus atomisés. Le vrai collectiviste sera nécessairement particulariste, puisque toute communauté repose sur un principe d'exclusion. Un État mondial ne serait pas une communauté, mais, au mieux, une collection d'ethnies concurrentes, et, au pire, une masse d'egos isolés, n'ayant de lien qu'avec l'État et le marché.
Comme on le voit, c'est le seul trait souhaitable (d'un point de vue traditionaliste) du socialisme que les libéraux combattent. Ils n'ont rien à redire sur l'universalisme des socialistes contemporains, ni vraiment sur leur égalitarisme. Tout au plus diront-ils que la « vraie égalité » ne saurait être que juridique. En revanche, le collectivisme, que les libéraux associent faussement au socialisme, est ce qu'ils dénoncent le plus fréquemment. Ils lui reprochent son corollaire, à savoir l'autorité, puisqu'une communauté ne peut tenir que si les personnes la composant sont contraintes d'y rester, et d'œuvrer à son bien commun.
Pour le libéral, toute communauté qui ne repose pas sur un contrat entre ses membres individuels est une coercition. C'est tout à fait exact, mais la coercition est nécessaire, souhaitable, et bénéfique. L'individu n'existe que parce qu'une communauté lui a donné naissance, l'a nourri, protégé, éduqué, et il doit donc rendre à cette communauté ce qu'elle lui a apporté, en lui étant fidèle, en la défendant, et en travaillant à son bénéfice. Il a aussi le devoir d'engendrer, nourrir, protéger et éduquer ses successeurs.
Certains à droite se croient malins en arguant des bienfaits tactiques du libéralisme ; pour ceux-là, bien que le libéralisme soit faux, il est utile parce qu'il permet, par la remise en cause de l'État, par exemple, de réduire le pouvoir des élites actuelles, et ainsi de redonner plus de place aux défenseurs de notre peuple et notre culture. Le moins que l'on puisse dire est que cette tactique a lamentablement échoué jusqu'à présent. Les leçons de pragmatisme, de la part de gens qui ont échoué, ne sont donc pas les bienvenues. Ajoutons que légitimer des idées nocives, à long terme, ne peut être que dommageable. Défendre, par exemple, l'idée selon laquelle tout groupe humain doit résulter d'un contrat entre ses membres est catastrophique à une époque où les seuls qui croient à ces idées fausses, à savoir les peuples européens ou d'origine européenne, sont démunis face à ceux pour lesquels l'identité n'est pas affaire de contrat, mais de déterminisme. On ne choisit pas d'où l'on vient, et l'on doit défendre les siens. Les peuples inspirés par ces sains principes s'en sortent, en situation de concurrence, mieux que ceux qui se fourvoient dans un individualisme destructeur. C'est pour cela que le libéralisme n'est pas un antidote au socialisme, les deux doctrines partageant les mêmes fondamentaux, inacceptables à tout Européen désireux de le rester. Et c'est pour cela aussi que le socialisme, mal défini, est le cadet de nos soucis. Ce que les libéraux dénoncent en lui est le collectivisme, et c'est un collectivisme qu'il nous faut.
Roman Bernard

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