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Festival astropolis #19 : joyeusement fou

Publié le 01 août 2013 par Acrossthedays @AcrossTheDays

On m’avait promis le fin fond d’une Bretagne coincée dans un été qui ne commencerait jamais et envahie par la grisaille, j’aurais eu droit à une ville grise envahie par un été qui commence par surprise et par des festivaliers colorés (et alcoolisés). Me voilà à Astropolis et sa dix-neuvième édition toujours organisée par des amoureux du son.

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Même si la plus grande soirée du festival a lieu le samedi (et s’appelle «Clôture» alors que le festival continuait jusqu’au 13 juillet avec Fritz Kalkbrenner qui se produit gratuitement – pour les spectateurs du moins), je viens prendre mes marques à Brest dès le jeudi, motivé par un line-up particulièrement à mon goût (celui du Cabaret Vauban et pas de La Carène : j’ai échappé à un concert de Woodkid dont il paraît que le live n’était qu’une version mégalomane de l’album joué plus fort).

Le jeudi, on étouffe de bonheur au Cabaret Vauban

L’arrivée au Cabaret Vauban se fait tôt (et la salle est encore déserte), Sonic Crew déroulent un DJ set sans surprise ni efforts notables, mais le warm-up est agréable et laisse la tension monter, jusqu’à l’arrivée (avancée) de Spitzer. Après avoir déjà eu l’occasion d’admirer le live des frangins Lyonnais entouré de grandes assemblées (l’immense Hall 9 des Transmusicales et la scène 3 des Nuits Sonores), me voilà à quelques mètres d’eux, dans une salle où le plafond est bas. L’intimité convient encore mieux à leur live organique, énergique, et joué ici, il semblerait, avec encore plus d’amour. Est-ce la proximité qui me fait dire ça ? En tout cas, on aperçoit ici de nombreux regards fraternels et des sourires à n’en plus finir. Devant un tel set, complexe et intense, le public entre en surchauffe et les apprenties-groupies du premier rang montent maladroitement sur la scène. Rodriguez Jr calmera un peu les ardeurs avec un set plus brouillon bien que rondement mené, mais malheureusement sans aspérités, alors qu’on en attendait plus. Delta Funktionen, lui, ne prendra pas de pincettes pour aller droit au but. «Delta sans dentelle», ai-je noté dans mon fidèle carnet, trouvant sans doute un calembour bien pensé dans ces trois mot (j’avoue mes torts). A force de dérouler sa force brute sans souffler, le néerlandais fait étouffer le public : ambiance moite, oreilles compressées ; selon l’humeur de chacun, c’est le paradis ou l’enfer. Toujours est-il qu’il impressionne par sa maîtrise sans faille.

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Spitzer © Souenellen

Le vendredi, les poings technoïdes pulsent aux côtés des clubbers bretons

Le lendemain, l’après-midi se passe avec Timid Records pour le deuxième Astrococktail de l’édition, hébergé par La Passerelle (coucou Etienne, merci et bisous), qui diffuse également la série de documentaires Real Scenes signés Resident Advisor. Dans le spacieux patio s’enchaînent les DJs : j’y verrai ainsi le très efficace Arno Gonzalez (déjà aperçu à Panoramas), dont les basses débordent malheureusement dans la salle de projection attenante. Dommage pour les films présentés (et non sous-titrés), on doit se contenter des (jolies) images et de bribes de mots attrapées entre deux BPM.

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La Passerelle © Souenellen

Le soleil couché, on zappe une fois plus La Carène (la présence de Kavinsky à l’affiche a suffi à me faire fuir), pour aller directement à La Suite, une atroce boîte de nuit à deux pas de la mer (la proximité doit pouvoir permettre aux plus réfractaires à ce genre d’ambiance d’aller s’entourer de mouettes). Ce genre d’ambiance, c’est le cliché du pire night club : barres de pole-dance et jeans G-Star à foison. A priori, pas le meilleur endroit possible pour écouter le meilleur de la techno. Mais on s’adapte, et on arrive pile à l’heure pour voir Deetron assurer un set chaotique et inventif, le genre de set qui surprend autant qu’il prend aux tripes. Mais quand vient l’heure de Robert Hood, le parrain ne laisse aucun répit au public, ni aucune pitié aux autres platinistes : c’est lui le roi et personne d’autre. Comme me le dira à l’oreille le toujours malicieux Loïg : «Ce qui est bien avec Robert, c’est que ça pulse toujours». En effet, voilà une armée de poings qui se lèvent vers le ciel et qui pulsent, pulsent, pulsent. Le set fonctionne à merveille, Mister Hood insuflant une ligne directrice cohérente à des morceaux venant d’une tracklist variée et pleine de surprises. Surprise, un mot qui ne doit pas faire partie du vocabulaire de Blawan (pourtant, selon Google Translate, surprise se dit verwondering en néerlandais) : son set est aussi linéaire et répétitif que possible. Et pourtant, les basses sombres distillées sans subtilité réussissent leur mission : nous faire danser jusqu’à l’aube. Un peu déçu sur le coup, avec le recul le set était dense et intense, sans temps mort : finalement, une réussite.

Le samedi, clôture en beauté, assaisonnée de quelques déceptions

La journée suivante, déjà la dernière, se passe dans le bois de Keroual : y compris l’après-midi, où après une demi-heure de bus puis autant de marche, on obtient dix minutes d’interview avec Flume (ça arrive très vite). Retour dans le centre de Brest pour le burger le plus épais de toute la Bretagne, et nous voilà de nouveau à Keroual, où l’on arrive juste à l’heure devant l’Astrofloor pour la fin de Fakear, un copain normand de Superpoze. D’ailleurs, le rapprochement est immédiat : leurs beats ont les même sonorités. Pas désagréable sans être transcendant, le live (et tout y est joué live, enfin autant que possible – ce qui n’est pas le cas d’un autre français, mieux sapé, dont on parlera un peu plus tard) lasse un peu vite. Mais la déception est vite remplacée par l’amertume face au live de Flume. Le mot «live» me paraît un peu exagéré pour un DJ set où l’artiste s’applique plus à taper sur ses pads avec deux baguettes qu’à soigner sa tracklist et sa cohérence. On passe ainsi des versions studio du néo-zélandais à une version alourdie en beats de Get Free de Major Lazer, sans jamais apercevoir de fil rouge. Côté Cour, pas beaucoup plus de réjouissance : Nina Kraviz mixerait probablement mieux avec ses fesses qu’avec ses doigts. En tout cas, ça aurait le mérite d’être plus divertissant pour le public. Enorme déception passée, on se laisse surprendre par Siriusmo et les sons lacérés de son set acéré, aigu, pointu, sans baisse de régime. On lui préfèrera tout de même aisément Kink, sans aucun doute le meilleur live vu ces trois jours : un moment magique où les sons ont réellement transporté nos âmes. Un son fort et lourd et qui semble pourtant si léger, facile d’accès, avec une immédiateté rare dans la techno. Une grosse claque et une grande communion. Pour ne rien gâcher, c’est Marcel Dettmann qui prend les platines derrière Kink, et qui livre le meilleur set. Le cerveau sous ces longs cheveux a une capacité à faire des choix aussi pointus que jouissifs, et le public de La Cour, émerveillé, le lui rend bien. Pendant ce temps-là, SebastiAn et Digitalism annulent leurs venues, coincés dans un avion qui refuse d’atterrir devant le brouillard de brestois. Parions que la chaleur dégagée par les festivaliers a effrayé un pilote un peu frileux.

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Fin de nuit entre bonne surprise, grande classe et premiers bâillements

On se satisfera de cette soirée sans eux, et on se laissera même mettre une claque qu’on attendait pas. Gesaffelstein, alors qu’on pensait connaître son set par cœur et être fatigués de ses sons, réussit à nous prendre par surprise avec un live aussi froid qu’efficace. Là encore, le mot «live» ne devrait pas être autorisé, et ce n’est pas parce que Mike Lévy a enfilé son costard parfaitement taillé une fois de plus qu’on devrait se retenir d’appliquer la mention «dj set» à côté de son nom : il enchaîne certes ses propres morceaux, mais rien n’est live. Passons, et revenons au son, dense, sombre et amer. Avec une tracklist maniée à la perfection par l’homme aux 59 cigarettes de l’heure, ce dernier fait ce qu’il veut de son public. Il peut même le faire crier de désespoir lorsqu’il saccage lui même ses drops les plus jouissifs. Bonne surprise de la part de celui qu’on attendait plus.

Sans prendre le temps de respirer (ou presque), on court assister à la fin du set d’Agoria, sans savoir qu’on allait assister au moment le plus classe de la soirée : alors que le soleil se lève sur le Manoir de Keroual, le Lyonnais lance Parade de Rone, pour une grande fête où malgré la fatigue, les sourires se collent sur toutes les lèvres alentour.

Manifestement, Superpitcher et Rebolledo (les membres du duo Pachanga Boys) n’ont pas compris la leçon assénée par Agoria. Les choix décevants s’enchaînent, et ceux qui se prétendent instigateurs de la hippie dance n’ont montré ce matin-là que de la sleepy dance. Si certains passages réjouissent et que le set est plaisant, on l’aurait préféré un peu plus revigorant. Le retour se fait dans une navette plus calme que celle de l’aller, remplie de sourires et de souvenirs.

Ca y est, j’ai fait ma première édition d’Astropolis, et c’est sûrement loin d’être la dernière. Malgré les pickpockets (dur de s’en débarrasser, quel que soit l’événement) et la foule, notamment celle compactée dans La Cour, on retiendra surtout une programmation affutée et des lieux souvent parfaitement adaptés. Rave up !

Merci aux deux Etienne (celui de La Passerelle pour son hébergement et sa tolérance envers les jeunes qui se lèvent tard, et celui d’Astropolis pour sa disponibilité et sa tolérance envers les jeunes qui ne comprennent rien à la géographie brestoise), à Jessica pour sa patience, à Juliette pour son soutien de chaque instant et à tous ceux que j’ai vu là-bas. Brest, on se revoit pour Astro #19.5, puis #20, et ainsi de suite. Promis. En attendant, Nina Kraviz et Marcel Dettmann vous font des astrobisous.

astrobisous FESTIVAL ASTROPOLIS #19 : JOYEUSEMENT FOU

© Souenellen


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