Magazine Conso

Considérations inutiles (V) - Tout a-t-il déjà été fait ?

Par Jb
medium_pizza.jpg Les temps "postmodernes", comme on les appelle, sont entre autres minés par cette question lancinante : tout a-t-il déjà été fait ?
A cette question quasi-métaphysique, les postmodernes auraient volontiers tendance à répondre par l'affirmative. Oui, tout aurait déjà été fait, nous n'aurions plus qu'à ressasser, redire, imiter (éventuellement en moins bien) ce qui nous a précédés. La crise du sens et de la représentation culminerait donc dans cette certitude qu'il n'y a plus rien à découvrir, plus rien d'original à créer, que le meilleur est irrémédiablement derrière nous. Nous ne serions même plus des nains juchés sur des épaules de géants.
J'ai, comme mes compagnons de fortune embarqués dans cette époque, plus d'une fois éprouvé ce sentiment minant. Et pourtant la providence place parfois en travers de notre route un petit fait, en apparence anodin, qui vient relativiser le pessimisme ambiant.
C'était le cas ce samedi matin, alors que j'émergeais un peu tard d'une nuit réparatrice. Encore enveloppé par les brumes du sommeil, tâtonnant jusqu'au frigo afin de me servir un petit verre de jus d'orange qui, à n'en pas douter, me permettrait de me décoller les yeux, j'entendis au loin... la télé branchée sur... le "Hit Machine" de M6.
Pour ceux qui n'ont pas la télé (certains, je le sais, lisent ce blog), une petite précision : le "Hit Machine" est une émission ancestrale présentée par Charly et Lulu (je ne sais plus lequel est le blanc et lequel est le noir) dont le principe est ma foi très simple : proposer une sorte de classement des meilleures ventes de disques de la semaine, avec l'intervention des artistes en plateau. Toujours en playback bien évidemment, et souvent aussi en différé.
Bref je me dis : "Ah non, pas le Hit Machine !" Rien de pire en effet pour commencer un samedi matin que la télé, et en plus cette émission qui ne peut que vous consterner sur le goût musical majoritaire du moment.
Je me présente devant l'écran, flanqué de mon jus d'orange, déjà prêt à interrompre tout ceci mais alors l'image me saute aux yeux, m'arrête, m'interpelle, me fascine. Sans doute influencé par d'autres émissions du style "Le plus grand cabaret du monde" (Patrick Sébastien tous droits réservés) le "Hit Machine" a, semble-t-il, élargi son show. En plus des talentueux artistes de variétés qui se succèdent en plateau, les chansons sont à l'évidence entrecoupées de numéros (il n'y a pas d'autre mot).
Ici, le numéro est le suivant : un pizzaiolo qui jongle et exécute des acrobaties avec des pizzas. Enfin, soyons honnête : de la pâte à pizza déjà modelée pour ressembler à une pizza mais, je rassure le lecteur, de la pâte encore crue et non encore pourvue de sauce tomate, petits oignons, fromage ou autres lardons.
Sur une musique techno-dance le type exécute donc quelques acrobaties, la pizza faisant tantôt office de frisbee, tantôt de ba-balle. Oui, le bestiau a indéniablement un sacré coup de main. A la fin de son numéro d'ailleurs, il rejoint les animateurs affublés de la sémillante actrice Ingrid Chauvin (elle semblait être ici pour faire de l'autopromo : elle joue dans une série diffusée par M6) et leur propose un cours accéléré pour apprendre à jongler avec la pizza. On s'en doute, le résultat n'est guère concluant.
Bref j'en reviens à mes considérations initiales. Dans un monde parfois désanchanté, je trouve plaisant de constater que la créativité humaine continue de repousser les limites. Il eût été tellement facile de céder à un numéro déjà mille fois vu, se laisser porter par la pente de l'imitation, de la pâle copie. Que nenni, notre saltimbanque repousse ici les frontières. Sans doute pizzaiolo de formation, ayant sans doute épaté, dans son resto ou son camion, les clientes en faisant virevolter sa pâte à pizza, le bougre a pris conscience de son talent et du potentiel commercial qu'il pourrait en tirer. Et ça marche : le voici en vedette au "Hit Machine".
Ce bonheur d'entreprendre, je l'aurais assez volontiers rapproché de l'élection récente de Nicolas Sarkozy. Ne nous disait-il pas, avec sa fougue et son allant, que "tout devient possible" ? Force est de constater, pourtant, que son élection est trop récente pour que la geste de ce pizzaiolo, sans doute déjà mûrement réfléchie, en soit un effet direct.
Mais bon, contentons-nous de nous féliciter : que ce soit en art ou en affaires, des territoires sont encore vierges, ils attendent d'être défrichés, simplement faut-il avoir cet esprit d'innovation et d'entreprise qui seul permettra de relever le défi. Oui, décidément tout est encore possible, tout devient encore possible.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jb 5 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte