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L’an I de la rupture : premier bilan

Publié le 27 avril 2008 par Denis_castel

Avant d’essayer de décrypter et de remettre en perspective les déclarations de Nicolas Sarkozy jeudi soir dernier, un peu de rétrospective ne sera pas inutile (cela aurait sans doute été encore plus utile avant l’émission, mais mon nouveau rythme de travail ne m’en a pas laissé la possibilité).

Dès 2002, Nicolas Sarkozy a su saisir comme personne l’air du temps et l’aspiration au changement d’une majorité de Français. Au printemps 2007, il faisait naître pendant la campagne présidentielle pour toutes les couches sociales, depuis l’ouvrier jusqu’à son patron, des espoirs sans précédent de rénovation d’une situation économique et sociale sclérosée depuis deux décennies (la fameuse "rupture") et de déblocage de l’ascenseur social.

Elu avec une confortable majorité il y a presque un an, Nicolas Sarkozy a réussi en 12 mois à dilapider ce capital de confiance, à décevoir les espoirs que les Français avaient placés en lui et à devenir le plus impopulaire des Présidents de la Cinquième République. Comment un tel gâchis a-t-il été possible ? Trois principaux facteurs expliquent, à mon humble avis, ce désamour brutal, sans que la liste soit exhaustive :

1/ Avant même d’être investi, Nicolas Sarkozy a commis sa première maladresse. Si ses penchants pour le luxe et le clinquant et ses frasques sentimentales ont fait les délices de la presse people pendant les premiers mois de son mandat, de Wolfeboro à Petra, ils ont aussi fait naître et grossir l’irritation d’un nombre croissant de Français qui ne se reconnaissaient plus dans ce Berlusconi à la française. Ce qu’ils acceptent, et dont ils sont même friands, d’une vedette de cinéma, d’un animateur télé ou d’un chanteur de variétés, a rapidement fait désordre de la part d’un Président de la République censé remettre de l’ordre dans les affaires de la nation et redonner le goût du travail et du risque à un pays frileux et replié sur lui-même. Que Nicolas Sarkozy soit allé après l’élection prendre un peu de repos dans un hôtel quatre étoiles à Biarritz, Saint-Raphaël ou Dinard n’aurait choqué que les anti-Sarko primaires. Mais être l’invité d’un grand patron sur un yacht de luxe, il ne pouvait y avoir de plus mauvais signal pour ceux qui comptent leurs euros en vacances et ne peuvent pas acheter tous les après-midi les glaces sur leur réclament leurs enfants.

2/ Si de nombreux chantiers ont certes été ouverts pendant ces douze premiers mois de présidence Sarkozy, la plupart l’ont été en évitant les sujets qui fâchent vraiment, avec un souci de ne pas brusquer les parties prenantes et un luxe de précautions qui ont fini par vider les premières réformes de leur substance (la loi Pécresse sur les universités a soigneusement évité les questions de la sélection et des droits d’inscription), voire en consentant des compensations dont le coût diminue voit annihile entièrement les économies attendues (la réforme des régimes spéciaux de retraite en est le meilleur exemple). Et il est à craindre que d’autres chantiers de plus longue haleine (RGPP) soient autant de montagnes accouchant de souris à force de vouloir éviter les mécontentements. Du coup, sans même parler de constater des résultats immédiatement tangibles en termes de pouvoir d’achat, de réduction de la précarité ou d’assainissement des finances publiques, ce qui aurait été bien chimérique, il n’y aura même pas eu un élan de confiance, d’optimisme et de foi dans l’avenir qui se soit formé. Les Français continuent de broyer du noir et d’avoir peur de tout, l’avenir, la mondialisation, les OGM et j’en passe.

3/ La principale explication à mes yeux de la disgrâce présidentielle réside dans l’asymétrie dans les efforts à consentir. Sous le prétexte de redorer la valeur travail et de libérer les énergies et dans l’illusion des effets bénéfiques du trickle-down, les premières réformes de l’ère Sarkozy ont surtout profité à ceux qui en avaient le moins besoin. L’acte fondateur de la présidence Sarkozy, le paquet fiscal, en est encore une fois le meilleur exemple. Nicolas Sarkozy et son gouvernement nous ont ressassé que sur les 14 milliards d’euros investis dans le paquet fiscal ("investis" est-il vraiment le terme le plus approprié ? "partis en fumée" serait plus exact), plus de 5 milliards allaient à la détaxation des heures supplémentaires et seulement 250 millions au bouclier fiscal. Peut-être (il faudra vérifier sur la base de l’exécution du budget…), mais ces heures supplémentaires auraient de toute façon été effectuées. Là où il aurait fallu appeler à l’esprit de solidarité et à la contribution de chacun selon ses moyens à l’effort de redressement, on a eu droit à une politique de classes au motif que, dans une économie mondialisée et dans une Europe dont la libre circulation des capitaux semble désormais constituer le principe fondateur, on ne saurait empêcher les riches de s’expatrier à Londres, Bruxelles ou Genève. Une idée contre laquelle je m’inscris totalement en faux. Sans rétablir un contrôle des changes qui fleurerait bon l’union de la gauche, il y a des moyens (que n’hésitent pas à employer les Etats-Unis ou la Suisse) pour dissuader les citoyens les plus aisés de se dispenser de la solidarité nationale. Cette absence d’équité dans la réforme, dont les Gracques se sont aussi fait l’écho avec un talent certain, a été et risque de rester le principal obstacle aux changements structurels dont a besoin notre économie.

A suivre…

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