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Pas de réponse

Publié le 16 août 2013 par Donquichotte

« J’ai écrit une lettre… ».

Il y a quelque temps, beaucoup de temps, cela m’a semblé long, j’écrivais à ma femme, que je venais de quitter, cette lettre bizarre, mais sincère, un peu déjantée intellectuellement, ou émotionnellement, sans doute, mais si proche de ce que je vivais; toute mon âme y était, oui, là dedans. Mais l’ai-je envoyée cette lettre? Ces 45 meilleurs livres parus ces deux cent dernières années m’ont inspiré (réf. Nouvel Obs).

« Ma vraie vie est celle que j’invente, c’est peut-être ça mon problème ».

Mais je sais que ce n’est pas artificiel, je ne suis pas un fantôme, je suis de chair et d’os, je suis plein d’émotions, j’ai plein d’imagination. Cette vraie vie que j’invente tous les jours, que j’imagine, ce sont mes rêves que je réalise, dans le concret, dans le béton, dans l’amour que je te porte au-delà de ce qui est « imaginable ». Je suis plein d’amour, je crois; la vie en face (celle montrée dans les media) est triste, c’est celle des rationalisations de toutes sortes, celle des plans, celle que la vie de tous les jours nous impose, celle concrète et absurde des preneurs technico-modernes de décisions. J’aime aimer et j’aime qu’on m’aime, pour sûr, et surtout quand cela vient de la personne aimée.

J’aime inventer ce qui m’arrive, mais j’aime aussi comprendre ce qui m’arrive, même quand je constate que je n’y arrive pas. Ce que je crois savoir, ou comprendre, n’existe pas toujours. Mes souvenirs, ma mélancolie, déforment peut-être la réalité. Mais je finis par croire ce dont je me souviens. Idem pour le présent et pour le futur, je crois ce que je fais et ce que je ferai. Peu importe la réalité, on en a marre de la réalité réelle; je me complais dans ma réalité inventée – elle n’est pas virtuelle, crois-moi, elle existe, de chair et de sang, de sueur et de plaisir, de craintes et de joies, d’espoirs et de déconvenues -, aujourd’hui et demain. Je fais, j’arrive toujours à faire, peu importe le temps nécessaire, ce que je dis que je ferai. Mais est-ce que tu peux m’y rejoindre?

Cette vie mesquine de tous, tous les jours, je la fuis, elle ne me convient pas, elle ne me plaît pas; voilà pourquoi la vie « réelle » ne me suffit pas, c’est d’une tristesse, je cultive l’art de m’inventer une vie, des vies aussi, pour toutes les circonstances de la vie, et pour nous deux. Est-ce que tu peux me rejoindre là? Et pourtant j’aime la vie, la vie est belle; mais je dois l’amadouer, la modeler, je trouve la paix ainsi, et l’amour de la vie. Quoi de plus simple et de plus beau que de s’assoir et rêver, penser et analyser, comprendre si possible, et en discuter avec toi; ces moments merveilleux que nous avons vécus ainsi… c’est l’idée de la vie - le bien le plus précieux -, que j’ai partagée avec toi, et que je possède encore… personne ne peut m’enlever cela.

Je sens parfois la vie « peu intelligente »; comment est-ce possible qu’il en soit ainsi? Pourquoi l’homme s’abêtit-il ainsi? Comment peut-il ainsi se compromettre avec les idées et slogans absurdes du Marketing Moderne, avec la « niaiserie consubstantielle » des actes et décisions de ces preneurs technico-modernes de décision?

Je veux une vie non-niaise, une vie fantasmée pour m’échapper un peu, une vie d’amour partagé avec toi. Peux-tu me rejoindre là?

Je suis un individu qui ne s’autorise que de lui-même; j’entends, personne n’a d’autorité sur moi. Mon expérience est mon guide. La pensée et la réflexion qui en sortent servent mon dessein. Mon émotion et mes sentiments  sont ma voie. Mon cœur est ma seule voix, je ne parle que par lui. Mon amour est mon seul lien avec la vie. Peux-tu me rejoindre là?

Je sais, je devine ce que tu penses, mon texte est d’un comique, il a l’air si invraisemblable, si éclaté, si « haut » dans le ciel (il se croit si philosophique, ou poète, diras-tu; il plane encore), si peu réaliste, si peu réel, si à côté de la voie… à suivre. Mais quelle voie proposes-tu?

Je sais, mes débordements de mots se mêlent, s’entremêlent, je transgresse mes propres règles – aucune rhétorique qui tienne -, je voudrais trouver les « liens » qui unissent tout cela et je n’y arrive pas toujours… mais je continue, j’ai un dessein… et je me soumets à ma propre faiblesse, celle du cœur; je me soumets à ma propre force, celle de mes expériences; je me soumets si peu à la « putain du diable », cette raison qui prétend avoir toujours raison. Cette « putain du diable », ton DIEU.

J’aimerais pouvoir dormir comme une pierre, et vivre mes rêves au réveil. J’aimerais ne pas passer à côté de ma vie… et pourtant, elle s’achève. Mon but, je le vois bien, est de transcender la banalité du quotidien; et pourtant, je l’aime bien ce quotidien, même dans sa routine du travail de maçon, dans sa routine de ses petits repas au coin du feu. J’ambitionne, comme « recherche et innovation permanentes, continuelles, perpétuelles et fondamentales » dans ma vie - comme un besoin viscéral -, de garder intactes ma liberté d’esprit et mes digressions interminables. Mes rêves ne sont pas contraires à la vie, à ma vie, ils en sont une composante essentielle. Comment les promouvoir mieux, comment les vivre mieux, comment les partager mieux?  Peux-tu me rejoindre là?

Je ne prétends pas au bonheur tranquille du couple, au couple-fusion idéal, c’est prétentieux, « mais c’est une grande imposture, une grande menterie, si on n’y rêve pas »; et il n’y a pas là de paradoxe. Comme le dit Piaf dans sa chanson : « Moi pour toi, toi pour moi ». Il n’y a pas d’idéalisation vaine dans cette vision, il y a, j’y vois, une infime - et même grande, si l’on y parvient -, raison d’espérer vivre mieux notre amour.

Je ne sais pas ce qui suivra, mais je ne doute pas que je l’aurai voulu. La vie ordinaire peut-être ne me suffit pas, dis-tu. Mais non, elle me va; mais j’aime comprendre mieux ce que je fais, où je vais, avec toi, mais aussi seul. Et cela pose problème parfois quand nous ne sommes pas au diapason, quand j’ai l’air de chercher ailleurs… des projets, dis-tu; non! des avenues possibles, des futurs en pagaille; et pourquoi pas? Ne se pose alors que la question des choix. Pourquoi se limiter? Pourquoi ne pas rêver, non comme un zombi, mais comme tout être avide de vivre? Écrivant cette lettre, je vois mieux qui je suis, et je ne suis pas artificiel, ni un personnage fictif même si je parle de rêves à construire et à vivre. Don Quichotte vivait ses livres, ou croyait les vivre; moi, mes livres m’inspirent; je ne vis pas qu’à travers mes livres; oui, je sais, ils m’influencent, mais je vis plutôt au quotidien, avec toi, près de toi, avec amour, à faire des choses simples (maçonnerie, cuisine, randonnées); mais là-dedans, « No se puede vivir sin amar » (Maxime Lowry)… ainsi, ne doute pas que je t’aime si je dis que je t’aime. Et ne doute pas que j’essaie de comprendre mieux ce qui se passe, même si cela ne te semble pas évident. J’ai foi en toi, n’en doute pas, je crois fondamentalement que nous pouvons nous retrouver; je t’ai souvent dit que ma mère et mon père s’étaient ratés, manqués… alors qu’ils étaient deux personnes avec de si belles qualités. Je souhaite, depuis toutes ces années passées ensemble, que nous ne nous rations pas… si cela est possible. Oui, je dis si c’est possible. Oui, je dois continuer, c’est tout, continuer… je m’ai moi, mon intelligence, mes passions et mes états d’âme, sous la main, je dois m’en servir… et continuer; je ne veux pas crever d’ennui et de solitude, il y a trop à vivre. Je te semble peut-être revenir, ou être, toujours au point de départ, c’est certain, il ne semble pas que ma réflexion ait beaucoup avancé… mais je persiste. Oui, mais comment savoir, et surtout, QUE savoir que j’ignore encore ou que je ne peux appréhender, comprendre? Et quand cela adviendra-t-il?

Mais je n'ai pas eu de réponse à ma lettre.


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