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"Pas assez pour faire une femme" de Jeanne Benameur

Par Zone Littéraire De Vanessa Curton

Les mots de Jeannes Benameur ont souvent cette force de nous happer par leur intensité et leur énergie. Cette énergie s'inspire d'un souffle, d'un désir de liberté, semble t-il, que ce dernier roman, paru chez Thierry Magnier, illustre pleinement.

Ce roman classé jeunesse s'installe dans les années 70, avec la prise de parole d'une jeune femme étudiante en Fac de lettres...le jour de sa première nuit d'amour avec Alain. A la découverte de son corps qui s'anime avec les baisers d'un autre, elle se rencontre elle-même...

Leur histoire l'entraine dans la lutte politique. Elle découvre Hannah Arendt, Virginia Woolf, et sa féminité se libère avec l'élan du militantisme. Roman intime, poétique, frémissant où les mots sont des armes et des caresses. Prise de parole, prise de position dans le monde, et contre la tyrannie domestique de son père, incarnation de soi dans l'action et dans le dire...
En voici quelques extraits :

"Il n'y a que quand je travaille que je me sens protégée. Dans les livres j'oublie. Dans les livres, je respire. Il n'y a plus rien qui me menace à l'intérieur, je suis vraiment moi-même.
Dans les bras d'Alain je respire aussi. Un autre air. Son air à lui. Si je pouvais entrer dans sa bouche et me perdre dans son souffle."

"A l'intérieur de moi, il y a un volcan au fond d'un lac noir. 
Tout est noyé.  
La seule chose que je sens clairement, c'est la rage au-dessus du volcan."

"Je suis loin, très loin du monde fermé de là où j'ai grandi. Ma pensée s'ouvre. (...) je sens que quelque chose de ma propre pensée, balbutiante, se réveille, cherche. Je découvre cette nuit-là que le monde, on a le droit de le réfléchir, le droit et même le devoir de désirer qu'il soit plus juste, plus humain."

"Et depuis toute petite j'étais en lutte. Pour me préserver. Le monde m'ouvrait une porte pour déployer ma lutte plus largement. Je me suis sentie plus forte de savoir que des gens avaient eu le courage de dire non à des oppresseurs bien plus terribles que mon propre père. J'ai vu que c'était ça qui avait manqué dans ma famille : le courage de la vérité. Jamais je ne lâcherai cette quête-là. La vérité il faudra bien un jour que je la connaisse tout entière. Et tant pis si c'est terrible ! tout vaut mieux que le silence sur le silence et la soumission dans l'ignorance des choses à moitié sues et tues." 

"La tyrannie, c'est ne pas faire exister l'autre. (...)" 

...

Pas assez pour faire femme
De Jeanne Benameur

Editions Thierry Magnier, août 2013 


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