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Le silence des campagnes infinies

Publié le 30 avril 2008 par Scopes
Clinton et Obama au cirque (Vanity Fair, ill. Darrow)

La campagne se prolonge, la lassitude s’installe chez les Démocrates et les Républicains festoient. Le halo d’espérances qui entourait Barack Obama s’estompe sous les coups de boutoirs répétés d’Hillary Clinton, qui est à la politique ce que le « Michelin Airless » est à la pneumatique : increvable. La focalisation des Démocrates sur leur propre image ne profite pour l’instant qu’à John McCain, qui réussit l’incroyable performance de faire oublier sept années d’une désastreuse (en toute objectivité) présidence Bush.
Résumons. En apparence, rien n’a bougé depuis la dernière primaire de Pennsylvanie voire depuis celle tenue dans l’Ohio le 4 mars dernier. Malgré les deux victoires successives d’Hillary Clinton, Barack Obama demeure toujours en tête – et de loin – chez les pronostiqueurs comme chez les parieurs. Selon les derniers décomptes, il bénéficie de 135 délégués d’avance, 156 si l’on ne prend en compte que les délégués élus par les électeurs. Hillary n’est pas prête de le rattraper : elle peine à attirer plus de superdélégués dans son escarcelle de campagne et sa défaite en Caroline du Nord est quasiment assurée – les sondages concernant la primaire à venir de l’Indiana sont plus partagés et lui donnent un léger avantage ; ceux du Kentucky lui donnent plus de 30 points d’avance.
Et pourtant, sa résilience – utilisons un mot en vogue – et sa combativités se révèlent extraordinaires. Antée moderne, elle reprend des forces dès qu’on la pense à terre. New Hampshire, Texas, Ohio, Pennsylvanie : on la croyait battue, ou du moins en peine ; elle réapparaît triomphante et remodèle le discours médiatique grâce à l’ingéniosité de ses spin doctors (Mark Penn, Terry MacAuliffe…). La scène politique américaine n’avait pas assisté à tant de persévérance depuis Richard Nixon (Tricky Dick) et son infatigable obsession du pouvoir.
Nombreux sont ceux qui s'exaspèrent et qui, tel les éditorialistes du New York Times, aimeraient la voir partir après l'avoir soutenue - endorsement - lors de la primaire tenue dans l'Etat de New York. Bill Clinton joue qu "bad cop" de la campagne, n'hésitant pas dénoncer les duperies supposées d'un Obama soutenu par des media complaisants, ou à jouer la carte raciale puis à se poser en victime de la blogosphère offensée... Lui qui bénéficiait auparavant d'une incontestable aura au sein du parti Démocrate a vu sa crédibilité s'effondrer depuis le début de la campagne. Ne supporterait-il pas de voir un ancien compagnon de route devenir aussi populaire qui lui?
Obama, quant à lui, peine à concrétiser son avance et passe le plus clair de son temps à se défendre face aux piques d’Hillary et de McCain d’une part (qui à eux deux rivalisent d’ingéniosité pour débouler sa statue – et sa stature – médiatique), et face à la frénésie médiatique de son ex-pasteur J. Wright de l’autre. Ce dernier répète à qui veut l’entendre que les Américains ont inventé le virus du SIDA pour mieux se débarrasser de son encombrante communauté afro-américaine… Depuis le 22 avril, Obama manque de combattivité, de hargne et paraît déconcerté par son Phénix d’adversaire.
C’est qu’Obama est confronté à un sérieux dilemme : comment répondre à la négativité persistante des attaques de ses adversaires ? S’il se contente de les ignorer, il risque à la fois d’assister à une lente érosion de sa popularité (« calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ») et de paraître mou, manquant de « street cred », auprès d’un électorat – et de media - prompt à valoriser la bravoure et la virilité. Pour être élu aux Etats-Unis, un candidat se doit d’en avoir. D’un autre côté, s’il contre-attaque, il se positionne sur le même plan qu’eux, lui qui voulait changer les règles et transcender la politique. On ne manquerait pas alors de réduire sa figure à celle d’un vulgaire politicien (les Clinton l'attendent au tournant) dont la rhétorique ne ferait que masquer la banalité du personnage. Alors, répondre ou ne pas répondre ? Obama n’a pas encore trouvé la solution et se contente de naviguer à vue tout en priant le Ciel que les primaires enfin se terminent.
La cacophonie ambiante n'a guère d'autres effets que de démotiver des électeurs qui ont déjà l'impression de trop en savoir sur leurs candidats. En novembre, le bruit actuel risque de se transformer en un silence de quatre années. Il serait temps que les primaires se terminent et que les Démocrates se remettent en selle. Les Etats-Unis ne peuvent se permettre une nouvelle présidence républicaine.
Scopes

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