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Grand Central (Rebecca Zlotowski)

Par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Lancés à grande vitesse, nous embarquons dès le début du film aux côtés de Gary (Tahar Rahim). Par la fenêtre le paysage défile. Le Sud, visiblement. On aperçoit au loin l’ombre des cheminées de refroidissement d’une centrale nucléaire. C’est là que nous nous arrêterons, avec le héros. Lui, soudain tâtant sa poche, s’aperçoit que son portefeuille vient d’être dérobé, il se lance alors à la poursuite de son voleur, Tcherno. Le train s’arrête et les gens descendent, Gary récupère ses affaires et finit par sympathiser avec son agresseur. Tous deux attendent leur inscription à l’examen d’admission pour travailler dans la centrale. Simple questionnaire, peu importe les diplômes, on y est admis rapidement. Gary choisit de s’investir pleinement dans cette nouvelle activité. Il donne l’impression de vouloir gagner sa vie et son autonomie, en même temps qu’une certaine forme de dignité. Nous apprendrons peu de son passé et de sa vie d’avant. Une chose pourtant apparaît clairement, il prend la fuite, et cherche une issue dans ce travail. Elle s’annonce funeste et il le sait. Dès le départ, nous le voyons tenir scrupuleusement son carnet compilant les quantités de “dose” auquel il s’expose. Jeu avec la mort, ce travail ressemble à un ultime défi. Sans trop d’état d’âme il se débarrasse de son ancienne vie, se confiant maladroitement à sa soeur. Elle aussi le met en garde et désapprouve son nouvel emploi.

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L’entrée dans le monde de la centrale se fait par les relations. Gary et Tcherno sont rejoint par Isaac, un ami, et tous les trois passent la veille de leur rentrée dans un bar, où l’on joue au billard et au rodéo. Un endroit plein de vie, de cris et de testostérone. C’est précisément ici qu’ils font la connaissance de Gilles et Toni, deux briscards, habitués de la centrale. En tant qu’anciens, ils s’improvisent professeurs pour les débuts des jeunes recrues. La mise en garde sur les risques  liés à ce travail vient d’abord d’eux deux. Ils évoquent ceux qui ne “tiennent” pas, qui laissent tomber. Dans leur discours, se lit facilement leur jugement : pour travailler dans la centrale, il faut avoir du courage. Il faut relever le défi. Gary est justement là pour ça. Avec plus d’attention et de minutie, il suit les indications, les étapes, le protocole propre au travail dans ce lieu où le risque de contamination menace. Curieux de savoir ce que c’est que la dose, il ose poser la question. C’est Karole, la belle et sensuelle compagne de Toni, qui marche droit vers lui et l’embrasse à plein bouche pour lui montrer l’effet que fait la dose : la tête qui tourne, la vue qui devient floue…

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Ce faisant elle pose clairement l’axe central du film, le lien et la dichotomie qu’il va exister entre la Centrale et l’amour. Entre eux deux, c’est épidermique et électrique. L’attirance est inévitable. La caméra s’attarde sur leurs peaux, côte-à-côte, laissant deviner leur envie mutuelle. Ainsi la découverte de la Centrale se fera en même temps que leur exploration intime. C’est par le corps que s’opère la contamination, du coeur comme du corps. Gary est intéressé et il s’aventure rapidement dans les zones les plus exposées. Autant dans la Centrale, le corps est menacé, lavé, débarrassé de tout ce qui peut l’infecter, autant dans la relation amoureuse, le corps est offert, découvert et placé au centre de l’attention. Si Tahar Rahim est magnétique, et force sans effort l’empathie, autant Léa Seydoux est solaire, et indiscutablement sensuelle. C’est elle qui amène la notion de vie, qui l’incarne brillamment. Autour d’elle, les gens dépérissent, leur santé peu à peu rongée par les radiations, autant Toni, que ses amis et même Gary. Elle semble d’affranchir des risques, pétillante de vie, de désir et de féminité. Incertaine, elle place Gary dans une situation délicate, ne pouvant se résoudre à choisir entre Toni et lui. Et la tension monte à mesure que le film avance, Toni va forcément découvrir leur liaison. L’affrontement des deux hommes se fait d’abord dans la centrale, dans la zone la plus exposée, lors d’un épisode où Gary sauve la vie de Toni. Sans dire un mot, les regards expriment à la fois la colère, la gratitude et le regret. Pendant ce temps, Gary triche avec son carnet, reçoit beaucoup plus de « dose » qu’il ne le faudrait. Il cherche son chemin, flirtant avec la mort, et souhaitant emprunter l’issue d’une vie avec Karole.
Entre destruction et vie, dynamisme et inertie, silence et éclats de voix, intérieur confiné et extérieur lumineux, amour et danger, le film trouve un juste milieu, canalisant l’énergie des deux jeunes acteurs les plus prometteurs du moment.

A voir :
Grand Central, un film français de Rebecca Zlotowski (1h34)

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