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335ème semaine politique: pourquoi il faut que Hollande reste dans sa bulle

Publié le 05 octobre 2013 par Juan
335ème semaine politique: pourquoi il faut que Hollande reste dans sa bulle
Il serait dans sa bulle, à l'Elysée ou ailleurs. Sans voir le pays qui gronde, ignorant les sondages calamiteux, multipliant les discours sans rapport avec la réalité.
Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
Nicolas Sarkozy, quand il décida de calmer sa sur-agitation médiatique par un prétendu retrait présidentiel quelque part vers le printemps 2008, s'était réfugié dans une similaire tour d'ivoire. Nous accusions ce monarque d'être hors sol, anachronique, décalé, déphasé.
Aujourd'hui, François Hollande est "dans une bulle". 55ème anniversaire de la Constitution, Hollande célèbre. L'occasion est curieux. Que célèbre-t-il ? L'héritage mitterandien, la pratique gaullienne, l'agitation sarkozyste, la fausse modernité giscardienne, ou un régime présidentiel élaboré quand la France avait encore des colonies ? Comme un pied de nez aux sarkozystes, il promet au moins de soumettre le référendum d'initiative populaire au scrutin parlementaire. Cette avancée était la seule de la réforme constitutionnelle de ... juillet 2008. Il y a une éternité. Vendredi, Hollande honore la libération de la Corse, en octobre 1943. Une bulle historique ?
Aujourd'hui, François Hollande est "dans une bulle". Pourquoi ? Parce qu'il semble négliger cette incroyable et merveilleuse actualité franco-nationale, ce qui a le don d'exaspérer ceux qui font de son commentaire perpétuel leur métier ou leur passion. Et la semaine fut encore riche en polémiques: l'introduction d'une demi-journée de classe supplémentaire dans un cinquième de nos établissements scolaires; la dispute entre deux ministres, relancée par un tweet du compagnon de l'une contre l'autre (?); la note de service pour brider la présence médiatique de nos ministres; les souffrances de quelques milliers de Rroms (pour qui des élus du FDG parisiens proposent l'installation dans le 16ème arrondissement de Paris par pure provocation...); les derniers bouquins de Rama Yade et Cécilia Attias qui flinguent encore un peu l'hypocrisie sarkozyste; la question de savoir si Marine Le Pen était à l'extrême droite (sic!); l'ouverture de Monoprix le soir ou des magasins de bricolage le dimanche - un sujet qui provoque une réunion au sommet et l'ouverture d'une enquête (sic!); l'introduction du mot Corse dans notre Constitution; ou ces frontaliers qui préféraient l'assurance privée à notre Sécu nationale.
Aujourd'hui, François Hollande doit rester "dans une bulle." C'est une simple mesure de précaution, un exercice salutaire auquel nombre de citoyens s'astreignent déjà, une mesure d'hygiène politique et personnelle pour éviter de sombrer. La presse vend moins, les JT sont zappés, les "tranches d'information" lassent. Il y a une raison, simple.
Car c'est l'overdose, des sondages en cascade, des polémiques sur peu, des excitations auto-alimentées, la perte des repères, le défaut de priorités. Le sondage appelle le commentaire qui appelle le sondage qui déclenche la petite phrase. Les débats s'auto-alimentent et nous cachent l'essentiel et le grave, comme toujours. Prenez les rythmes scolaires. Notre petite classe médiatico-politique s'emballe sur ce nouveau morceau. En cause, quelques élèves seraient "fatigués", quelques classes seraient "désorganisées". On manquerait d'argent, plus tard. Mais personne ne cherche à évaluer l'ampleur du problème. La réforme ne concerne pas 8 élèves sur 10. Et l'on reste dans l'anecdote. Mercredi matin, Vincent Peillon paraît surpris par les assauts d'un Bob Woodward de pacotille qui s'indigne. Rendez-vous compte, sept classes sur dix sont en grève ... à Aubervilliers. L'espace d'une journée, Aubervilliers devient le centre du monde.
On aurait pu se dire qu'il fallait du temps, s'interroger sur le bilan - désastreux- des précédentes réformes de l'Education nationale.
On aurait pu, mais "on" n'a pas.
Hollande n'est pas "dans une bulle." La bulle, c'est les autres ! ces commentateurs, professionnels ou pas qui ne voient plus la réalité.
Il y avait deux faits marquants et essentiels à retenir de cette semaine politique. Deux faits qui engagent l'avenir.
Primo, le choc de Lampedusa. Un rivage italien maudit, un bateau de clandestins sombre, 300 passagers érythréens, 130 cadavres repêchés au fil des heures. Un village traumatisé. L'Europe réalise à peine combien elle ignore ses migrants. Coincés dans des discours xénophobes, bousculés par la crise, dérangés par la mondialisation, les dirigeants européens ont réduit la politique migratoire à la gestion des expulsions.
On connaît les discours habituels: à droite et parfois à gauche, on expliquera qu'on ne peut accueillir toute la misère du monde. A gauche, et parfois à droite, on réclamera une ambitieuse politique de développement pour aider ce tiers monde - expression post-soixante-huitarde - à s'en sortir. Sauf que l'immigration clandestine est d'abord une affaire de passeurs, c'est-à-dire de réseaux criminels. Il aurait fallu concentrer davantage de moyens contre ce combat-là.
Il y a un an, le maire de Lampedusa écrivait un courrier à ces mêmes dirigeants européens: "J’ai déjà reçu 21 cadavres de personnes noyées qui tentaient d’atteindre Lampedusa". 
...
Second sujet, la situation économique s'améliore. Pas pour tous, pas partout. Mais elle s'améliore. La reprise se confirme. L'INSEE prévoit une accélération de la croissance en fin d'année.  L'Expansion en rajoute une couche: "le climat des affaires s'améliore partout", la demande extérieure est "dynamique", l'activité redémarre même dans l'industrie.
L'impact sur l'emploi est pour l'instant nul. Il en faudra plus pour que cela change. D'ailleurs, le chômage n'avait pas tant baissé en août. En cause, un "bug" de SFR, une panne à la veille des réinscriptions à Pôle emploi. Presque sans rapport, l'INSEE évalue à 15.000 le nombre d'emplois créés grâce au Crédit d'Impôt Emploi Compétitivité. Ce CICE risque aussi des amendements. Il n'a pas encore coûté les 20 milliards d'euros prévus, loin de là.
La loi de finances est examinée à l'Assemblée. Va-t-elle fragiliser la croissance ? Comment concilier un rééquilibrage des comptes avec cette reprise ? Pour redresser les comptes de la Sécu, l'équipe Hollande a épargné les patients. Mais en matière d'impôts, l'exercice est plus rude. Les mesures votées pour 2013 représentent environ 1,1 point de revenu des ménages sur l'année. Des députés socialistes cherchent à détricoter quelques-unes des mesures du projet de loi de finances. On appelle cela le débat parlementaire. Mais parions que certains qualifieront certaines de ces modifications de "reculs", "couacs" ou autres "pressions".
On évoque ainsi un toilettage des taux de TVA: la baisse de 5,5 à 5% du taux le plus réduit coûterait 750 millions d'euros sans garantie d'un avantage de pouvoir d'achat. D'autres hausses de TVA initialement votées en 2012 poour 2014 ont déjà été annulées (libraires, salles de cinéma, etc), pour quelque 2 milliards. Les représentants patronaux, eux, enragent contre une taxe sur l'Excédent Brut d'Exploitation. On multiplie les anecdotes pour sensibiliser.
L'information est passée inaperçue. Et si on remettait tout à plat ?  François Hollande, au détour d'un discours devant quelques patrons, a balancé l'idée, il y a huit jours. Attention danger. Dans les faits, Hollande explique qu'il aimerait " fixer le cadre pour le reste du quinquennat." Avec qui ?
La politique du micro-trottoir et de la petite formule ne laissera aucune chance à un débat normal.


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