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« PLUTÔT QUE D'AVOIR UNE INDIGNATION GLOBALE, IL VAUT MIEUX AGIR » Entretien avec Miguel Benasayag Antoine Lagneau et al. La Découverte | Mouvements 2013/3 - n° 75 pages 143 à 156

Publié le 08 octobre 2013 par Boprat
Source : Revue Mouvements
« PLUTÔT QUE D'AVOIR UNE INDIGNATION GLOBALE, IL VAUT MIEUX AGIR » Entretien avec Miguel Benasayag Antoine  Lagneau et al.   La Découverte | Mouvements    2013/3 - n° 75 pages 143 à 156
« PLUTÔT QUE D'AVOIR UNE INDIGNATION GLOBALE, IL VAUT MIEUX AGIR » Entretien avec Miguel Benasayag
Antoine  Lagneau et al.
La Découverte | Mouvements
2013/3 - n° 75 pages 143 à 156
Miguel Benasayag, philosophe, psychanalyste et essayiste
franco-argentin, militant guévariste durant la dictature en
Argentine (PRT-ERP), s’inscrit dans la mouvance libertaire.
Critique envers « la militance triste », méfiant vis-à-vis
des partis, il revient sur son expérience dans la guérilla
et sur ses idées développées par la suite dans Pour une nouvelle
radicalité. Du collectif Malgré Tout à son travail actuel avec le
mouvement coopérativiste en Italie, il détaille pour Mouvements
ses différents engagements fondés sur l’expérimentation
(théorique et pratique) et formule des hypothèses sur les
nouvelles ontologies en cours d’émergence : quelle sera donc
cette « nouvelle bête » qui marquera notre époque comme les
figures de Dieu, puis celle de l’Homme, avaient marqué les
précédentes ?
Mouvements (Antoine Lagneau et Gus Massiah) : Pouvez-vous revenir sur
votre engagement, notamment vos premiers pas en Argentine ?
Miguel Benasayag (M. B.) : En 1969, l’Argentine était une dictature de
plus en Amérique latine… J’évoluais alors dans le milieu de la contre-
culture, théâtre, anarcho-hippie, je jouais de la batterie dans un groupe.
C’est le moment où a commencé, en Argentine, une insurrection.
J’avais 15 ans et l’engagement, ce n’était pas une question. La société
civile, la culture, la vie, tout était du côté de ce qui s’opposait à l’op-
pression des militaires. La lutte contre celle-ci a vu l’émergence de deux
courants très forts. Le courant communiste classique qui était très disci-
plinaire, pro-soviétique, qui tournait le dos au rock, aux femmes, aux
Indiens, à la contre-culture, était absolument triste. Et de l’autre côté,
 une sorte de sacré bordel sans délimitations ni bornes précises qui allait
de l’anarcho-hippisme, au féminisme, en passant par l’indigénisme, la
contre-culture.
Ce courant s’identifiait avec l’image du Che car contrairement au révi-
sionnisme actuel, le guévarisme était antisoviétique, anticommuniste,
contre l’idée qu’il fallait des conditions objectives, des étapes de l’histoire.
Or, nous qui étions dans la contre-culture, les jeunes, les femmes, les
Indiens, nous avions envie de dire « maintenant, tout de suite ! ».
M. : Peut-on dire que votre engagement démarre à partir du moment où
vous intégrez ces mouvements pro-guévaristes ?
M. B. : Oui, à partir de là, j’étais engagé. On disait alors « Face aux mili-
taires, il y a l’hypothèse de Guevara, qui est de dire : ici, il n’y a pas de
bourgeoisie nationale… ici, il y a une oligarchie armée, il faut utiliser les
armes aussi, pas uniquement, mais aussi… ». Donc, ce n’est pas que tu
franchis le Rubicon, mais il y a des réunions avec les copains, des copains
de copains que tu connais, puis un jour c’est pareil que la veille sauf que
maintenant tu sais que tu es dedans. Être dedans à 15-16 ans, cela signi-
fiait transporter des choses, faire des bombages, des petits entraînements.
Et pour mes premiers combats j’avais à peine à 18 ans…
M. : C’était des combats armés ?
M. B. : Combats armés oui, mais dont l’intensité augmente progressive-
ment. D’abord, tu désarmes un flic, tu participes en appui à un braquage
d’une banque ou d’un commissariat, tout cela petit à petit. Parallèle-
ment, 80 % de notre temps, bien qu’étant combattant, nous le passions
en travail de base comme l’organisation du contre-pouvoir, de la contre-
culture…
Quand la lutte armée est devenue importante, il y a eu une sorte de
casting qui s’est mis en place : beaucoup de gens très bien de gauche
n’avaient pas la possibilité de faire la lutte armée donc restaient de côté,
car la lutte armée que nous avions développée était à un niveau très
élevé, on attaquait des casernes, etc.
Dans la lutte armée, on va te torturer, te tuer. Il y a aussi, à un moment
donné, l’acte de tirer sur une personne. Cela change tout. Moi par
exemple, à l’époque, je faisais médecine pour guérir les gens. Face à
cette situation, beaucoup de gens très bien ne pouvaient pas le faire, par
contre, il y avait des personnes pas terribles, un peu violentes et à peine
de gauche qui entraient dans le casting. La lutte armée aussi est un cas-
ting historique et social très particulier.
Donc à 18 ans après mon bac et une année de médecine, je me suis
retrouvé étudiant et combattant. J’étais très critique de certaines ten-
dances dans la lutte armée. Mais pour être critique, pour pouvoir criti-
quer les gens qui étaient dans la ligne armée stricto sensu, il n’y avait pas
d’autre choix que d’aller au front : il fallait faire ses preuves.
Je me suis donc vu embrigadé très vite dans les commandos armés les
plus surentraînés.
M. : Dans le mouvement guévariste dans lequel vous étiez, y avait-il une
stratégie de conquête du pouvoir ?
M. B. : Il y avait deux lignes. Il y avait le Parti qui dirigeait l’armée qui
se disait marxiste-léniniste-guévariste donc plutôt philo-trotskiste, plutôt
critique par rapport à l’Union soviétique et l’armée. L’armée était pour la
démocratie, de gauche etc.
Moi, je n’étais pas au Parti, j’étais dans l’armée. Il y avait une sorte de
dégoût de ma part pour le Parti, j’étais trop critique, j’étais trop marqué
anarcho-hippie.
J’étais alors responsable d’un bidonville énorme qui était le bidonville
de Barco Flores. Je passais mon temps à y organiser de l’alphabétisa-
tion, de l’organisation syndicale, des structures sociales aussi – comme
une petite caserne de pompiers, parce qu’un incendie dans un bidonville
c’est très grave… Donc je faisais ce en quoi je croyais : l’organisation des
contre-pouvoirs.
M. : Toute votre pensée a ensuite été marquée par cette expérience ?
M. B. : Oui, c’est ça, et puisque l’on dit qu’il n’y a que les imbéciles qui
ne changent pas d’avis, je suis un imbécile total alors ! (rire).
Ainsi, la première fois que j’ai compris que je montais en grade dans
l’armée, c’était lors d’une réunion avec un dirigeant, Armando Jaime, qui
était un grand leader syndicaliste. Moi, j’étais le jeune brillant combattant
qui la ramenait et il fallait choisir un responsable du bidonville et je me
souviens parfaitement de ce que j’ai dit : « il me semble que nous, on a
trop d’idées parce que nous sommes étudiants, révolutionnaires, mais à
l’inverse, quelqu’un de la base est à la traîne, ce qu’il faut, c’est quelqu’un
vraiment du bidonville qui ne soit ni un théoricien, ni quelqu’un qui soit
à la traîne ». J’avais donc 18 ans, je pensais qu’il fallait des modes d’orga-
nisation horizontaux… et je me méfiais du Parti !
Après je suis tombé trois fois, dont deux fois où j’ai pu m’échapper,
mais pas la troisième. On touche là au côté horrible de cet engagement,
j’ai passé plusieurs mois dans des centres de torture, quatre ans et demi
en prison où ils massacraient des gens, torturaient… À la même période,
en France, Valéry Giscard d’Estaing était au pouvoir, Paul Aussaresses
entraînait des militaires argentins, leur apprenait à torturer et Maurice
Papon était ministre du Budget dans le gouvernement Barre.
C’était en 1978, Papon négociait alors avec l’Argentine, au même
moment, Gus (Massiah), François Gèze et Jean-Marie Brohm ont fondé
le Comité pour le boycott de l’organisation par l’Argentine de la Coupe
du monde de football (Coba) dénonçant le contexte de dictature. Il y a eu
une mobilisation énorme et pour répondre à ça, le gouvernement a dit :
« il y a quatre Français prisonniers en Argentine, on va les libérer… ».
D’abord, ils voulaient libérer deux religieuses françaises, mais Papon a
été averti qu’elles étaient mortes. Il y avait une liste de Français arrêtés en
Argentine et, pour couvrir la mort des religieuses et répondre à la cam-
pagne du Coba, ils nous ont utilisés… Ils sont venus me chercher dans
ma cellule, étant français par ma mère qui est juive française…
M. : Vous avez été libéré juste avant la Coupe du monde de football en
1978 ?
M. B. : Non, après la Coupe du monde. Et ça a été tout un cirque, j’étais
dans un avion argentin jusqu’à Paris et ils nous ont libérés à Orly.
M. : Dans un entretien, vous avez déclaré : « quand je suis arrivé en
France, je suis arrivé dans un autre monde ». Pouvez-vous nous dire
pourquoi ?
M. B. : En arrivant, les gens avec qui j’étais en contact à l’époque étaient
du Coba, une mouvance un peu à gauche. J’ai en effet senti que quelque
chose avait changé en France par rapport à ce que j’avais pu lire ou
entendre sur ce pays de mon Argentine natale. L’expression la plus stu-
pide, c’était peut-être ceux que l’on appelait les « Nouveaux philosophes4
 ».
Dans les discussions que nous avions dans le Coba, on constatait un
abandon du léninisme, un abandon de certaines positions critiques, et
bref, au bout du compte, le socle qui avait été le nôtre, de l’historicisme, de
la révolution, du déterminisme, cette considération hégeliano-darwinienne
qui fait qu’il va forcément arriver quelque chose, tout cela était cassé.
Gus Massiah, François Gèze, les amis autour… ne pensaient donc plus
en ces termes-là, ils considéraient qu’il fallait lutter pour la justice sociale,
mais ils n’avaient plus ce socle.
Moi, pendant quelque temps, j’ai aussi continué à militer dans les cel-
lules de Paris de l’ERP (Armée révolutionnaire du peuple). Ce sont ces
cellules parisiennes qui ont exécuté Somoza au Paraguay. Pas pour se
venger, je pense que c’était un acte de résistance, mais ce dont je me suis
rendu compte, c’est que dans la lutte armée, à partir d’un certain seuil, tu
ne sais plus vraiment qui commande – ceci dit, sans avoir aucune théorie
du complot.
Attaquer un commissariat, braquer une banque, piquer un camion de
nourriture pour distribuer dans un bidonville, on comprend de quoi il
s’agit, qui commande et pourquoi on le fait. Après Somoza, je me suis
dit : on ne sait plus vraiment ce que l’on fait, ni pour qui on le fait…
M. : Pour vous est-ce vraiment la fracture ? C’était en quelle année ?
M. B. : Oui. Cela se passe en 1980. La caricature de tout ça, c’est Carlos.
Qui est Carlos ? Qu’est-ce qu’il fait ? Le côté tragique pour Carlos c’est
qu’il ne sait pas lui-même ce qu’il fait et pourquoi. Il ne l’a pas su. Le
comprendre aurait nécessité un passage d’une réflexion militaire à une
réflexion politique jusqu’à pouvoir dire : les actes n’ont du sens qu’au
niveau local.
Au niveau global il y a une transition de phases où l’on se retrouve
placé dans un régime que personne ne maîtrise. Je pense que le régime
du global est un régime, comme dirait Foucault, de dégagement de stra-
tégies sans stratège. C’est très important car les gens pensent que le glo-
bal peut être atteint à partir du local. Ce n’est pas vrai, il y a un moment
où il y a un changement de phases, il y a une discontinuité critique, une
masse critique.
 Ça va aussi avec la compréhension de la fin de l’époque de l’Homme
dans laquelle celui-ci fait l’Histoire en posant la question de son rôle dans
cette Histoire. J’en arrivais à la conclusion que l’espèce humaine, avec sa
caractéristique d’espèce culturelle, ne peut pas orienter l’évolution dans
des termes vraiment globaux…
Il me semble que c’est un point fondamental, car la plupart des copains
et copines qui ne tiennent pas le coup, qui lâchent l’affaire, c’est précisé-
ment parce qu’ils se disaient avec espoir « ce que je fais localement, par
diffusion, par théorie des dominos va devenir global dans une linéarité ».
Mais quand ils doivent accepter que ce n’est pas possible, ils arrêtent et
se disent : « si tout ce que j’ai fait ne peut pas garantir la résultante, à quoi
bon ? »
L’époque de transition actuelle exige une réponse à ce « À quoi bon ? ».
Car aujourd’hui, quelqu’un peut être dans la croyance qu’il veut, mais
rationnellement, d’un point de vue épistémologique, notre époque n’a
aucune possibilité de dire que la résultante émergente est maîtrisable
depuis le soubassement.
Aujourd’hui, la rationalité ne permet pas de dire que la résultante des
actions multiples peut être maîtrisable. Il y a une discontinuité que nous
devons accepter pour militer, pour s’engager.
Le défi le plus grand, c’est d’avoir le courage d’accepter cette inconnue,
de dire : « peut-être que si je fais tout bien, demain ce sera la catastrophe »
ou « peut-être que si je ne fais rien, demain ça ira très bien ».
Donc les raisons d’agir, il faut les puiser ailleurs que dans la résultante
qui est plutôt stochastique, inopinée…
Il y a quelque chose de très important dans le changement de para-
digme : les raisons d’agir ne peuvent plus être posées dans la trans-
cendance, soit religieuse, soit désacralisée. Il faut abandonner cette
transcendance-là. Les raisons d’agir aujourd’hui ne peuvent être fondées
sur la certitude d’une résultante. Ça, c’est un défi énorme.
M. : Ce raisonnement émergeait déjà quand vous avez créé le collectif
Malgré Tout ?
M. B. : C’était le manifeste du collectif Malgré Tout, écrit avec, entre
autres, Gus Massiah, François Gèze, Jean-Marie Brohm… Il s’agissait de
dire : aujourd’hui, la pensée complexe est désengagée et l’engagement
est dé-simpliste. Notre défi est de penser l’articulation du complexe avec
l’engagement et le premier pas était de dire : il faut accepter l’incomplé-
tude de notre raisonnement. Ça voulait dire qu’il y avait une inconsistance
logique qui était valable…
Ça a été très bien compris par beaucoup de gens, en particulier par
beaucoup de jeunes : on remet tout en cause mais malgré tout, on milite.
Ce qui signifiait aussi : la liberté de tout remettre en cause n’entraîne pas
le désenchantement.
Ce qui était concret, c’était ça : on n’ignorait pas la rupture – tout le
monde n’était pas dans la capacité de théoriser la rupture – mais on com-
prenait qu’il y avait une rupture et qu’il fallait l’assumer. Quand je dis concret, c’est concret, c’est par exemple Scalp Reflex, c’est aussi le début du Dal (Droit au logement), la batte de baseball contre les
skinheads.
M. : Et vous étiez proches de ces mouvements, à travers le collectif ?
M. B. : Grosso modo, c’était le départ de ces choses-là. Chacun a fait ce
qu’il pensait, y compris à Marseille, les copains qui ont plastiqué les trucs
de Le Pen. Tout en se disant qu’il y avait une incertitude, il y avait des
choses à faire, très concrètes, car c’était l’époque skinhead, la montée de
Le Pen. Et il y avait une grande radicalité.
Nous, on fonctionnait aussi avec le Centre d’études et d’initiatives
de solidarité internationale (Cedetim). On a fait un séminaire toute une
année sur les changements de paradigmes. Là, tous les collectifs étaient
présents : il y avait une sorte de nébuleuse… c’était compliqué. Le Parti
communiste nous considérait comme de la merde, on ne cherchait pas à
le séduire non plus. C’était très difficile : les militants classiques considé-
raient que c’était peine perdue, mais c’est vrai que beaucoup de gens se
sont rapprochés de nous.
M. : Est-ce que vous pensez que les ferments que vous avez posés avec le
collectif Malgré Tout ont été durables ?
M. B. : Je pense que nous sommes un élément de plus avec le Cedetim
et le début du Dal, dans le soubassement de la nouvelle radicalité émer-
gente. On a fait beaucoup de choses, on a publié beaucoup de textes
avec le Dal, avec Act Up, avec Agir contre le chômage, tous ces nouveaux
mouvements. On travaillait avec tous, comme en Argentine, comme en
partie en Belgique.
C’est ce que nous avons apporté : la nécessité de remettre sur le tapis
toutes les voies, retrouver la liberté situationnelle, retrouver Marx, ne pas
avoir peur de chercher dans toutes les directions.
En fait, on récupérait tout, on récupérait les groupes Action prison,
les foucaldiens, tous ces gens-là… C’est très difficile de savoir quelles
influences tout cela a eu. Ce qui est sûr, c’est que tous ceux qui bougeaient
à un moment donné ou un autre nous contactaient, et nous, on travail-
lait avec. Ce dont je suis certain, c’est qu’on était à la hauteur de l’époque.
M. : Cette époque, c’était… ?
M. B. : De 1980 jusqu’à Marcos et le début du Forum social.
M. :  La naissance de l’altermondialisme donc… Ce qui est étonnant,
c’est que les années 1980, ce sont quand même les « années fric », la fin
des idéologies et au même moment ce que vous faisiez rencontrait un
écho.
M. B. : C’était une époque pendant laquelle il fallait avancer dans une
certaine obscurité. Tu ne pouvais pas dire exactement ce que tu défen-
dais, pourquoi tu continuais à agir, c’était compliqué. Les années 1980,
c’étaient les années d’une barbarie totale.
M. : Être un militant dans les années 1980 était donc difficile ?
M. B. : Être quelqu’un qui parlait d’engagement, de changement social
dans les années 1980, c’était très compliqué, on passait rapidement pour
fou, pour des gens ignorant que tout ça était mort… L’offensive était très
violente dans les années 1980, sous la plume d’un Pascal Bruckner par
exemple. Nous, nous avions travaillé une critique de l’idéologie des
Droits de l’Homme, de l’Humanitarisme, avec Gus Massiah, Fabienne
Messica
J’ai écrit un livre qui s’appelle Utopie et Liberté sur la critique des Droits
de l’Homme parce que c’était le début de la construction de l’individu en
puissance, disciplinaire. La publicité même de Médecins sans frontières à
l’époque était « Accompagnez-nous jusqu’à la frontière ». En résumé, tu
donnais des sous et les techniciens s’occupaient de la chose. On passait
de la « res publique » à la « res technique ».
On a assisté à la construction de cet Homme d’aujourd’hui qui dit :
« mais qu’est-ce que j’en sais des OGM ? ! Qu’est-ce que j’en sais des gaz
de schistes, qu’est-ce que j’en sais ? ».
« Ce sont les techniciens qui doivent savoir. Ce n’est même pas mon
élu. Ce n’est même pas le député, ce sont les techniciens. »
Donc là il y a eu une offensive presque darwinienne de la puissance
technique contre les puissances et les formes de culture et contre les
formes du vivant. Il y a vraiment eu une poussée de la technique et de
l’économie, l’économie incluse dans la technique, sous l’impulsion des
nouveaux philosophes et des postmodernes qui disaient : « on ne doit
plus rien faire ».
M. : Pour cette nouvelle radicalité, il y a quand même une date impor-
tante, c’est le 1er  janvier 1994, le zapatisme. Est-ce que cette date va
constituer un espoir qui se refermera à un moment donné parce que
l’altermondialisme va perdre un peu de sa vigueur ?
M. B. : Le 1er  janvier 1994, occupation de San Cristobal… On n’a pas su
tout de suite qui était Marcos. Quand on l’a su, assez rapidement à travers
Carmen Castillo10
, on a compris que Marcos allait être la figure visible de
quelque chose sur quoi nous étions en train de travailler depuis dix ans :
au Brésil avec les Sans-terre, ici avec les Sans-toit, en Italie avec les
Centres sociaux. Nous, ce que nous avons compris, c’est que tout cela
allait acquérir une visibilité nouvelle mais qu’il fallait prendre garde à ne
pas tomber, comme nous le disions à Marcos, dans une surexposition
médiatique.
Je me souviens d’une lettre que j’avais envoyée à Marcos qui a dû lui
faire l’effet d’un coup de pied au cul – une lettre donnée de main à main
par Carmen – c’était vraiment fraternel, mais je lui ai écrit : « Marcos, il
faut qu’on discute, ne soyons pas dupes de la poussée, essayons d’ana-
lyser vraiment en intensivité ce qu’il s’agit de faire aujourd’hui parce que,
tu vois, les Indiens sans terre, les paysans sans terre et les nouveaux mou-
vements, ici cela fait dix ans qu’on est en train de travailler aussi de notre
côté sur de nouveaux paradigmes ».
Marcos a donc donné une visibilité à l’hypothèse « changer la société
sans prendre le pouvoir », comme le dit de manière un peu simpliste John
Holloway, mais il s’est sans doute fait rattraper par l’une des formes de
pouvoir qui est la médiatisation. Nous, nous avions souvent discuté de ce
sujet, sur le fait qu’avoir les médias avec soi était un faux raccourci.
Marcos a donc choisi de se défendre des hélicoptères et de la vio-
lence réelle avec une sorte de paravent médiatique. On était à la fois très
contents, mais en même temps on a vu resurgir le tourisme révolution-
naire, la nouvelle Mecque…
M. : Est-ce que le zapatisme sonne le glas du « militant triste », figure sur
laquelle vous avez beaucoup écrit ?
M. B. : Absolument. Cela va réunir la joie avec l’agir, casser avec la
transcendance. Et pour nous en Amérique latine, c’est le moment du
grand changement qui est le retour de l’indigénisme qui constitue un
changement historique total. Il faut comprendre qu’avant, ce n’est pas
Marcos, c’est Rigoberta Menchu avec le Prix Nobel de la paix en 1992,
c’est la lutte des Sans-terre, c’est tout cela qui constitue les symboles du
renouveau militant.
Il y a eu un changement historique dans toute l’Amérique latine mar-
quant le retour de la dignité indienne. Avant un Indien était quelqu’un qui
avait honte d’être indien, la stérilisation de force des indiennes a continué
jusque dans les années 1990… Le retour de la dignité indienne en Amé-
rique latine, c’est une immense victoire.
Marx avait écrit des choses très dures sur les Indiens en les traitants de
feignants… Il y a des écrits dans lesquels il parle très mal des Indiens. Et
pour le Parti communiste, les Indiens étaient vus de la même manière…
Donc c’était un très grand changement.
L’autre grand changement en Amérique latine, c’est l’alternative qui se
développe avec une puissance énorme, c’est l’alternative Marcos. Celle-ci,
avec par exemple les Sans-terre, prenait en compte le problème des tran-
sitions, le problème écologique, le problème des paradigmes, des ques-
tions qui ici ne sont pensées que par des gens de la décroissance dont je
suis très proche. Mais ce mouvement va échouer à produire des nouvelles
formes de pouvoir et de gestion.
La conséquence de cet échec est l’émergence de progressistes partout.
Y compris Chavez, premier corollaire de l’échec, avec sa verboragie, sa
démagogie : plus il parle moins il fait. Chavez, c’est le plus ridicule, mais
c’est aussi le cas avec Cristina Kirchner chez nous, Lula au Brésil ou,
quand les socialistes étaient au pouvoir au Chili, Lugo. On peut aussi citer
Rafaël Correa en Équateur et même Evo Morales en Bolivie…
L’altermondialisme a commencé par une nouvelle radicalité. Il a été
noyauté et organisé par les « Stal », ils ont l’avantage de savoir organiser les
choses, contrairement à nous ! Et après, cela a fini dans une sorte d’appui à
tous les progressistes latino-américains, dans un agissement de continuité.
Mais il faut savoir que dans les Forum sociaux, par exemple à Porto
Alegre, les mouvements des Sans-terre, les Indiens, ont rapidement
campé dehors. Quand Chavez et Castro tentent une OPA sur l’altermon-
dialisme, la vérité c’est qu’il y a un côté contre nature, parce que l’alter-
mondialisme n’est pas né pour que des progressistes, productivistes qui
cherchent la croissance, viennent au pouvoir. Au contraire, il y avait une
critique de tout cela.
M. : Vous ne vous retrouvez plus dans l’altermondialisme ?
M. B. : l’OPA des vieux Stal de Chavez et Castro, c’est une aberration. Je
n’arrête pas depuis des années de travailler dans des laboratoires sociaux
en Italie, en Argentine, en France… Je travaille avec la coopérative ita-
lienne pour essayer de comprendre si le mouvement coopérativiste est
un pis-aller ou bien de comprendre s’il y a quelque chose là-dedans de
nouveau.
On cherche à savoir si avec le coopérativisme peuvent émerger des
structures réelles pour lesquelles on n’a pas besoin de conscience, parce
que c’est la vie. Je vais une fois par mois en Italie travailler avec la Coop
qui a huit millions de membres et qui est en train d’être gagnée par le
néolibéralisme. Elle m’appelle en me disant : « Miguel, fais une recherche
pour voir si la coopérative peut retrouver son âme ». Mais en quoi consiste
son âme ?
Ceux qui ne sont pas au front ont une responsabilité très grande de
produire les pratiques et les concepts qui alimentent ceux qui, en pre-
mière ligne, n’ont pas le temps de penser.
C’est dans cet esprit qu’une partie de la Coop me dit : « on va travail-
ler ensemble ». Pourquoi ? Parce qu’en Argentine, les usines occupées,
les hôtels occupés etc. sont devenus légalement des coopératives. C’est
comme ça que je travaille. Je me dis : mais qu’est-ce qu’il y a à attendre
de ça ? Mais qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? C’est très important parce que
l’être humain de la coopérative, ce n’est pas l’individu du néolibéralisme.
La question, c’est comment la coopérative peut viser une complexité
multidimensionnelle différente ?
L’une des choses fondamentales, c’est que le néolibéralisme a triom-
phé parce qu’il est plus proche de la vérité de ce que l’être humain repré-
sente, c’est-à-dire un ensemble complexe qui inclut l’irrationalité. Nous,
on doit dire : d’accord, cet être humain plus complexe qui inclut l’irra-
tionalité, quelle possibilité a-t-il de construire de la solidarité, de trouver
une nouvelle place dans les niches écologiques ? L’idée est de travailler et
de réfléchir sous une contrainte précise : tenir compte, non pas de l’être
humain normal, du marxisme, mais de l’être humain réel.
Cette personne qui a des désirs obscurs, qui ne sera jamais cartésienne,
donc ces chantiers-là, comme les chantiers coopératifs, sont des chan-
tiers dans lesquels se pose la question de savoir quels projets réels sont
viables pour cet être humain-là.
M. : On a vu que l’altermondialisme s’est divisé, s’est perdu. Pensez-vous
que la crise économique de 2008 va contribuer à faire resurgir cer-
taines utopies ? Est-ce que les mouvements comme Occupy, les Indignés,
comme aussi les mouvements coopératifs peuvent provoquer une étin-
celle pour revenir à l’origine, à cet espoir qu’avait suscité le zapatisme ?
M. B. : Quand il y a eu l’insurrection de 2001 en Argentine, ça faisait
tout de même quinze ans qu’il y avait un travail très long, réel. C’est pour-
quoi je considère qu’il faut être très humble avec l’Appel des appels, les
Indignés, Occuper Wall Street ! etc.
Il faut être humble et là, on pèche par un manque d’humilité en géné-
ral. Nous n’avons pas besoin d’un programme ni d’une coordination, nous
avons besoin de laboratoires réels, concrets dans la durée, qui arrivent à
comprendre deux ou trois choses.
Je ne dis pas qu’ils ont tort de faire ce qu’ils font. Mais sincèrement tout
ce qui existe, existe avec une raison suffisante. Rien ne nous arrive sur
le coin de la bouche par hasard, le nazisme n’arrive pas par un accident
malheureux. Sans vouloir vexer aucun copain, s’indigner participe de la
production de l’impuissance.
Je pense qu’il vaut mieux agir même avec un haut degré d’ignorance.
Qu’est-ce que tu fais ? Je ne sais pas trop, mais je vais de ce côté-là… Plu-
tôt que d’avoir une indignation globale pour l’ordre du monde.
L’ordre global du monde, c’est l’impensable total. Donc il vaut mieux
plus concrètement chercher à comprendre dans l’action. Et si par exemple
l’idée de solidarité était un pur imaginaire ? Pourquoi pas. Peut-être…
L’idée d’une justice sociale est un pur imaginaire… Donc il faut chercher
dans la réalité concrète. Nous sommes dans une sorte de pivot évolution-
naire dans lequel l’espèce humaine a connu des mutations fondamentales.
L’espèce humaine a fait un choix qui est toujours très casse-gueule pour
toute espèce, celui de rendre prioritaires les individus actuellement vivant
par rapport à la transmission. Donc notre espèce s’est dotée d’une série de
techniques qui sont des mutations, qui permettent une immédiateté d’in-
formations permanentes qui masque toute diachronie et toute complexité
et qui nous met dans le pur synchronique instantané. Cette mutation-là
donne beaucoup de puissance et enlève beaucoup de puissance à la fois.
Je pense qu’il faut quand même un tout petit peu résister à ce désir
de communiquer, de savoir, de s’informer… qu’il faut un peu chercher à
comprendre cette grande mutation : comment va-t-on faire pour préser-
ver la vie ? C’est plus complexe que de s’indigner.
M. : Ne partagez-vous pas l’indignation d’un Stéphane Hessel ?
M. B. : Si, je partage l’esprit. J’ai eu la chance que Stéphane Hessel fasse
la préface du livre que nous avons fait avec Angélique (Del Rey) sur le
Réseau éducation sans frontières, nous avons connu un grand homme.
Mais je ne parle pas de Stéphane Hessel qui a fait tout ce qu’il faut faire
dans la vie. Je pense à ce que nous, qui ne sommes pas lui, devons faire.
M. : L’expérimentation ?
M. B : Oui l’expérimentation, qui diffère de la position de regarder le
monde et dire « je m’indigne ». Stéphane Hessel, c’est Stéphane Hessel.
Nous, nous sommes absolument immergés dans le monde et ce qu’on
doit essayer de comprendre dans la pratique, pas que théoriquement,
c’est : quelles sont les voies de résistance à la destruction de la vie ? Parce
que c’est ce qui est en train de se passer.
Les mutations actuelles de l’espèce humaine entraînent une mutation
de tout le champ du vivant et mettent en danger la sauvegarde de l’es-
pèce. Il y a des combinatoires autonomes : l’économicisme, la technos-
cience… qui sont en train – darwinistiquement – d’entrer en concurrence,
en rivalité avec des espèces vivantes.
On ne peut pas dire : la technique doit être au service de l’être humain.
Ce n’est pas vrai. Il faut comprendre que l’être humain de la modernité
est « détissé ». Ce qu’on attend de voir, c’est quelles seront les nouvelles
formes d’auto-organisation de la vie.
Comme disait Deleuze à la fin du livre sur Foucault : « On a connu
l’époque de Dieu, on a connu l’époque de l’Homme, espérons que la pro-
chaine ne sera pas pire ». Il faut comprendre ça. Ce que Ilya Prigogine et Isabelle Stengers appelaient  La Nouvelle alliance c’est cela : il faut être attentif à ce que sera la nouvelle bête.
Moi, je pense, comme Anna (Bednik) et d’autres avec elle, que la nou-
velle bête sera une bête qui aura en elle de l’humain, de la culture, de la
technique, de l’animalité. C’est quoi une bête ? C’est ce qui a une intério-
rité et une intentionnalité. C’était la divinité. Ce fut l’Homme. Aujourd’hui,
la nouvelle bête, ce sont soit les tendances ou les nouvelles stratégies
techniques ou économiques, soit des niches écologiques multiples et en
réseau qui développent des nouvelles formes de vie.
Cela veut dire : trouver des mécanismes d’autorégulation, se dire que
tout n’est pas possible. Autorégulation, c’est-à-dire régulation de la puis-
sance humaine. L’espèce humaine doit s’articuler de façon différente avec
la technique, avec la culture, les biotopes, etc., pour trouver une façon
de survivre.
Je pense que ce changement est très important. Aujourd’hui, on parle
de droits de la mer, de droits de la forêt, droits des animaux. C’est très
intéressant car ça montre que le sujet du droit n’est plus l’Homme.
Par exemple, avec Primo Levi, j’avais proposé de faire une réflexion
pour montrer qu’aujourd’hui, ce qu’on veut défendre dans les droits de
l’Homme ne peut plus se défendre depuis l’Homme, parce que l’Homme
n’est plus l’instance sacrée. L’instance sacrée triomphante aujourd’hui,
c’est l’argent et la technique. À nous alors de créer une instance sacrée
autre que cette bête.
Nous voyons que l’Homme n’est plus une instance sacrée parce qu’au-
jourd’hui on peut torturer ouvertement : tout le monde sait que Guanta-
namo existe. Moi, quand ils m’ont torturé, ils m’ont torturé dans le secret
total. Et quand j’ai dit ça en France, il fallait le prouver, car si j’étais tor-
turé, alors le gouvernement armé militaire pouvait être considéré comme
illégitime. Aujourd’hui dire : « il y a de la torture », ça ne veut plus rien
dire pour personne. Ça montre que la bête n’est plus l’être humain. Il y
a deux bêtes en concurrence : les écosystèmes articulés qui sont organi-
quement intégrés et la technoscience économique.
M. : Vous pensez que ça va pencher d’un côté ou de l’autre ? Sommes-
nous à une époque où cela peut se décider ?
M. B. : Le problème c’est qu’il faut vraiment avancer dans la compré-
hension théorique et pratique : qu’est-ce que la nouvelle bête qui résiste
organiquement à l’artefactualisation techno-économique ?
D’un côté, il y a l’artefactualisation techno-économique qui a déjà sa
forme, de l’autre côté, il y a des embryons de formes organiques nou-
velles. Ces formes organiques nouvelles – pour le dire comme ça – sont
des nouvelles articulations du vivant avec la culture, avec la technique,
avec l’histoire, avec l’écosystème.
Aujourd’hui, je vois les choses en ces termes. Ces nouvelles formes
organiques sont vraiment en lutte darwinienne pour l’espace avec les
formes de l’artefactualisation aujourd’hui dominante. Je ne suis absolu-
ment pas technophobe, je pense que la technique c’est une dimension
des nouvelles formes organiques émergentes. Si l’on regarde aujourd’hui
les jeunes qui résistent à cette horreur, ils sont absolument hybridés avec
la technique. C’est pour ça qu’il ne faut pas être technophobe, c’est une
connerie, mais le moment historique – dans le sens lourd, au-delà des
idéologies –, ce moment très concret dans lequel ce n’est pas la cartogra-
phie qui est en train de changer, mais la matérialité même des territoires,
cet anthropocène-là, comme on l’appelle, est un terrain de dispute entre
ces deux formes : une artefactuelle et l’autre organique intégrée.
M. : Pensez-vous que le politique puisse se saisir de cela ?
M. B. : Non, je pense que le politique doit être un élément de plus,
mais que toute tentative de remettre les formes politiques qui corres-
pondent au paradigme passé au centre est une pure tristesse anachro-
nique…
Lorsqu’on dit : « l’hôpital n’est pas au service de l’Homme, l’école n’est
pas au service de l’Homme, la circulation routière n’est pas au service de
l’Homme… », il faut comprendre cela. J’ai écrit un livre sur médecine et
biopouvoir où j’explique que bien entendu que ce n’est pas au service
de l’être humain, simplement maintenant il faut bien comprendre que la
dispute n’est pas de remettre ni Dieu ni l’Homme au centre mais de trou-
ver les formes organiques qui peuvent être en dispute contre les biopou-
voirs qui sont l’artefactualisation technico-économique. Ces formes-là ne
peuvent pas être classiquement politiques.
M. : Vous disiez que vous vous reconnaissiez ou que vous étiez proche
de la décroissance, pouvez-vous préciser ?
M. B. : Le problème avec la décroissance c’est que ce sont des don-
neurs de leçons…
Je suis très ami avec Serge Latouche, mais je suis aussi un homme du
tiers monde et me dire : « il ne faut pas désirer cet objet technique ou il
ne faut pas désirer la croissance », c’est un peu culotté.
Donc je pense que les préoccupations de la décroissance sont des
préoccupations d’autorégulation très importantes, mais la problématique
centrale est que l’écologie se doit d’assumer quelque chose qu’elle est à
mille lieues d’assumer : l’écologie ne peut pas être humaniste.
Comment dire aujourd’hui que tu n’es pas humaniste ? Ça veut dire que
tu es « Ben Laden » ou que tu es méchant ! Quand je dis avec des amis de
la décroissance que notre écologie ne met pas l’être humain au cœur du
système, ils peuvent le comprendre, il s’agit de ça. Notre écologie n’est
pas humaniste, pas plus qu’elle n’est déiste, notre écologie met au cœur
les écosystèmes. On va me dire : mais c’est toi qui parles là ? Bien sûr : la
parole est un élément de plus. L’écosystème n’appartient pas à l’Homme,
c’est l’écosystème qui parle.


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