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Løve de Julien Doré, carte du tendre d'un amour qui a mal tourné

Publié le 28 octobre 2013 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

 

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Løve, troisième album de Julien Doré, est un recueil de maux d'amour d'une exquise beauté. 
Le titre déjà annonce la couleur : ce Løve à la blessure ostensible, c'est l'amour écorché.

C'est aussi le mot danois qui signifie "Lion" et se prononce "louve" et derrière tout ça se cachent l'air de rien, les deux fils conducteurs de cet album. Rien que ça.

Le premier c'est le voyage.

Car cet album c'est en quelque sorte la carte du tendre d'un amour qui aurait mal tourné.

D'ailleurs ce n'est sans doute pas un hasard si le titre d'ouverture, Viborg, fait directement référence à une ville danoise (il y a un truc avec le Danemark, ne me demande pas quoi).

Ce morceau se révèle être l'album-photo d'un d'amour défunt, la planche-contact des meilleurs moments d'une love story qui n'est plus, une succession de flashs qui mettent en lumière les moments forts d'une relation amoureuse qui a beaucoup voyagé.

"Barcelone féline qui vient me griffer la bouche, la brésilienne en vitrine à qui je parle de nous"(...) "viens je m'envole, le soleil s'éteint entre Viborg et Rome"  (Viborg)

Le parcours inclut un vol long courrier (Paris-Seychelles), un passage par Angoulême, Cherbourg, Londres, Santa Cruz, un crochet par l'Espagne -Séville  et tant d'autres destinations qu'on se plait à relever d'un bout à l'autre de l'album.

Le second fil conducteur sur Løve, c'est la faune cosmopolite qui l'habite.

On pense immédiatement au Lion de la pochette mais les animaux sont omniprésents : De Balto (le chien) au corbeau blanc qui apparaissent sur les titres des morceaux en passant par des références distillées un peu partout dans les textes : les vipères rousses, la peau de louve, les oies sont rouges, mon inouïe antilope... Les chansons de Løve fourmillent de bêtes plus ou moins sauvages.

Cet album est une chronique, celle d'un amour défunt mais le regard impressionniste que porte Julien Doré sur son cadavre lui confère une surprenante beauté mélancolique.

Sur ce troisième opus, il peaufine son style et réussit le pari de prouver qu'un amour défait n'en est pas moins splendide, qu'il n'appartient qu'à soi que ce qu'il en reste soit beau.

La mise en musique est douce et vibrante, ponctuée de sons électro, fruit de sa collaboration avec Darko.

Souvent les mélodies prennent le contrepied du texte et on se sent presque coupable d'avoir envie de chalouper alors que les mots devraient plutôt nous faire pleurer (je pense à "chou wasabi" et a ses irrésistibles notes de synthé ou encore à " london nous aime" et à son beat qui est une véritable invitation à onduler).

Et si c'était ça la solution pour traverser le long désert post-rupture?

Accepter la douleur et continuer de vivre avec. Ne pas la nier mais l'intégrer et malgré tout continuer de bouger, de sourire, de danser. En faire une composante du quotidien qui est là mais qui n'empêche pas de vivre.

Julien Doré c'est un peu toi, c'est un peu moi : il souffre le martyre après une rupture particulièrement douloureuse et tente de mettre des mots sur sa souffrance et de la faire taire, en noyant son chagrin dans l'alcool ("j'entends ta voix dans les eaux troublées à l'anis", "un chasse spleen Melchior", "je vide une cuvée de chasse spleen"). Enfin c'est un peu toi, un peu moi, sauf que lui a ce talent particulier qui est l'apanage des vrais artistes : si on souffre tous des mêmes douleurs, seuls quelques-uns ont la capacité de transformer ce plomb en or. Julien Doré est de ceux-là. Alchimiste des sentiments, il réussit la prouesse de convertir la douleur en douceur, la laideur de la souffrance en beauté qui irradie tout l'album d'une lumière bienfaisante. Car si les chansons de Løve sont souvent sombres, elles distillent une chaleur réconfortante qui en fait l'album parfait pour attaquer ce sale mois de novembre.

Attention si l'album est sombre, la fantaisie de l'artiste n'a pas totalement disparu non plus. Lorsqu'il se livre à un hommage-déclaration d'amour magnifié par une chorale d'enfants, c'est à une icône : Michel Platini, que Julien Doré l'adresse.

Derrière ce clin d'oeil, l'idée que l'amour consommé est périssable tandis que l'amour platonique, lui, est immuable, se fait place. On goûte le ton décalé du titre qui se démarque du reste de l'album et est astucieusement placé au milieu de la tracklist, petite surprise au milieu des pistes.

Ce recueil de souvenirs qu'est Løve séduit par la douceur et la douleur conjuguéees de 12 chansons ciselées, 12 complaintes chaloupées peuplées d'animaux sauvages, de destinations plus ou moins lointaines et de créatures fantastiques (le cyclope, les sirènes, le géant, les centaures). La voix tantôt fragile et tendue, tantôt impétueuse, Julien Doré réveille les fantômes d'un amour défunt pour nous prouver que si l'amour est un art difficile, l'échec peut aussi engendrer la beauté. Au grand jeu de l'amour, les perdants sont parfois magnifiques.

Mon top 3  : 

1. Mon Apache

"Une flèche en plein coeur, un ciel à la dérive, et je meurs, de nous survivre

On alezan sur la grève, de nouveau enfin libre, et je crève de nous sruvivre"`

2. On attendra l'hiver

"On attendra l'hiver, pour s'écrire qu'on se manque, que c'était long hier, que c'est long de s'attendre" (..) tu me pardonnes mon coeur, de rouvrir notre tombe, pour y planter mon coeur, des pensées d'autres blondes"

3. Balto

"I'll come with you to find a new home, i'll come with you, because i'm alone (...) because life is unfair, without sun on my hair, without moon on your tongue"


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