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Galerie de portraits (17) : Brigitte Bardot

Publié le 01 novembre 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff
Devezh mat, Metz, mont a ra ? En ce jour de fêtes des morts, quoi de plus naturel, à priori, que de parler d’une vieille peau désormais plus accoutumée à visiter les cimetières qu’à gravir les marches du palais des festivals de Cannes ? Et pourtant, à bien y réfléchir, ce n’est pas si évident que ça.10-29-Brigitte Bardot

En effet, j’estime qu’on ne devrait pas se moquer de Brigitte Bardot. L’humour de dérision n’a d’intérêt que lorsqu’on l’exerce à l’égard des puissants, afin de lutter contre eux à armes égales, ou alors à propos des pires catastrophes, pour se libérer de la peur que celles-ci font naître en nous ; or, en toute objectivité, madame Bardot n’est ni une puissante ni une catastrophe – je vous laisse la responsabilité de vos opinions éventuellement contraires à cette dernière assertion.

Évidemment, il serait tenant d’ironiser sur son physique et sur l’outrage fait à ses traits par les ans, mais se moquer de la plastique d’une femme trahit bien souvent une image de la beauté formatée par le matraquage médiatique orchestré par les puissances d’argent qui nous vendent comme le summum du charme féminin une fille à papa à la moue vulgaire dont le corps semble gonflé à l’hélium – ces puissances d’argent sont bien aidées, pour parvenir à ce but, par le patronyme de la fille à papa en question, « Jolie ». Ce matraquage médiatique est tel que l’homo sapiens commun d’aujourd’hui ne sait plus regarder son prochain ; un minimum d’attention l’aiderait à saisir la beauté physique dont chacun est porteur et, pour revenir à madame Bardot, à constater qu’elle est encore belle pour une femme qui a dépassé les soixante-dix ans. De plus, j’aimerais bien savoir à quoi ressembleront les petits rigolos qui se croient incroyablement caustiques et impertinents en faisant une comparaison de mauvais aloi entre la B.B. d’autrefois et celle d’aujourd’hui, quand ils auront atteint, eux aussi, cet âge canonique. J’aimerais aussi savoir combien d’entre eux se retiendraient de se moquer de madame Bardot si, comme d’autres femmes riches, elle se faisait fabriquer de toutes pièces une plastique de poupée Barbie. Si elle n’acceptait pas son âge, il est à peu près certains que ces amuseurs de la cité diraient, comme mon jeune frère à propos de Tina Turner : « Y a plus rien de vrai ». Donc, pas de blagues sur le physique, sinon pan-pan cucul.

Quoi ? Sa beauté était le seul intérêt réel qu’on lui trouvait dans sa jeunesse ? Ses films n’auraient attiré personne, sans ses pieds nus et son déhanchement ? Elle chantait mal, elle avait une voix ridicule ? Personne ne se serait jamais autant intéressé à B.B. si elle ne faisait pas bander les hommes à ce point ? Pour commencer, il ne faut pas oublier qu’elle fut une des rares actrices françaises dont la célébrité a franchi les frontières de l’hexagone, et si on peut admettre que vingt millions de français abrutis peuvent se tromper tous ensemble, il est impensable que deux cent millions d’étrangers abrutis puissent se tromper tous ensemble. D’autre part, cet argument me rappelle l’excellent Guy Bedos parlant de Laurence Ferrari : le vieil humoriste considérait qu’il n’avait aucune raison de prononcer des railleries ad hominem (Les latinistes diront qu’il faudrait plutôt écrire ad feminam !) concernant la « journaliste » de T.F.Bouygues, cette jeune femme (Je ne suis pas sûr que l’épithète « jeune » soit appropriée, mais je n’ai aucune idée de l’âge que peut avoir Laurence Ferrari et d’ailleurs, je m’en fous) n’étant jamais qu’un des rouages au sein de cette usine à information prémâchée que constitue la chaîne qui coule du lepénisme dans les esprits comme son patron coule du béton dans toute la France ; Bedos, donc, préférait réserver sa verve pour les patrons de ladite usine à info prémâchée. De la même façon, si Brigitte Bardot n’a jamais été autre chose qu’un produit marketing, c’est à ceux qui lui ont permis d’exister sur le plan artistique qu’il faut d’abord s’en prendre car ils ont fait beaucoup de mal, même s’ils avaient autant de génie que, par exemple, Gainsbourg. Maintenant que madame Bardot a cessé toute activité artistique et s’est tournée vers la défense des animaux, laissons les défenseurs de nos amies les bêtes profiter de leur chance de compter parmi leurs soutiens une célébrité, car B.B. est bel et bien une célébrité, le mal est fait, alors inutile de revenir là-dessus et soutenons-la dans sa juste cause.

À partir de là, évidemment, vous pourrez toujours me répliquer que son engagement ne sert à rien, que les bébés phoques continuent à se faire massacrer, sans parler des autres animaux qui ont le malheur d’avoir une fourrure belle à porter ou d’être associés à une de ces barbaries érigées en tradition par la calamité bipède. Qu’est-ce que j’ai dit au début de cet article ? Que Brigitte Bardot n’entrait pas dans la catégorie des puissants, ce qui veut dire que ce n’est pas à elle que revient le pouvoir de prendre les décisions qui s’imposent pour améliorer le sort de ces malheureux animaux. B.B. ne fait que grossir (Non, non, la phrase ne s’arrête pas là ! C’est à croire qu’il n’y a que son physique qui vous intéresse !) les rangs des Cassandre qui tirent la sonnette d’alarme sur les plaies dont notre monde est rongé sans faire autre chose que de prêcher dans le désert. Ceux qui méritent vraiment d’être traînés dans la boue avec le sourire sont justement ces puissants qui ne font rien car, quand nous revient à l’esprit leur inaction, celle-ci est aussitôt accompagnée des épouvantables mots « passe-droit », « permis de polluer », « connivences », « magouilles », etc. La déprime qui s’ensuit est telle que l’on a vraiment besoin de rire ; en revanche si les propos de madame Bardot nous font eux aussi déprimer au point de nous rendre le rire indispensable, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais parce qu’il est objectivement déprimant que les hommes aient une conduite inhumaine envers les animaux, comme B.B. nous le rappelle à juste titre.

Donc, voilà. Il n’y a aucune raison valable de se moquer de Brigitte Bardot. On aurait raison de la railler violemment, de la traiter plus bas que terre, de lui faire morfler copieux, uniquement si elle profitait de sa notoriété et de la couverture médiatique à laquelle elle a accès pour défendre publiquement les idées les plus indéfendables. Si, virant définitivement sa cuti, elle revenait aux idées réactionnaires du milieu bourgeois dont elle est issue. Si, oubliant son rôle dans la « révolution sexuelle » et dans l’ouverture des esprits qu’elle avait elle-même contribué à susciter avec les « scandales » qu’elle générait, elle déplorait la « débauche sexuelle de la société ». Si elle avait épousé un sympathisant du Front National et, avec lui, le programme de ce parti, au point de critiquer la Gay Pride et d’être condamnée pour injures racistes et incitation à la haine raciale. Là oui, si elle n’était plus qu’une vieille réactionnaire mère-la-pudeur déversant sa bouillie xénophobe et moralisatrice à la moindre de ses (assez nombreuses) sorties en public, on aurait raison de lui rentrer dedans sévère (et pas au sens sexuel du terme). Mais est-ce le cas ? Kenavo les aminches !


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