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La Loire est un long fleuve tortueux

Publié le 01 août 2012 par Chaponoff

Hier, accompagné de ma décoratrice préférée, de ma mère et de mon neveu Émile, je me promenais au bord de la Loire en bas de chez moi. Cherchant machinalement à observer quelques ragondins, je scrutais paresseusement la rive du fleuve. Soudain, fixant un vieil arbre couché sur l’eau, j’aperçus, pour la première fois de ma vie, une tortue aquatique.
Perchée sur une branche d’arbre affleurant l’eau, elle semblait attendre paisiblement la fin de sa digestion. Elle faisait la taille d’une bonne assiette. Au bout d’une quarantaine de secondes, se sentant sans doute épiée, la tortue bascula majestueusement dans l’eau pour s’enfoncer dans ses profondeurs.
Comme j’étais à contre-jour, il m’était difficile de distinguer précisément les couleurs de  l’animal.

Ce matin je suis retourné au même endroit, la tortue était exactement au même endroit, sur la même branche. Je l’ai filmée à bout de bras. Comme je n’avais pas de pied, ça tremble un peu.



Interrogé, Michel Chantereau, conservateur de la Réserve naturelle nationale de Saint-Mesmin (Loiret nature environnement) m’a répondu qu’il s'agit de tortues de Floride échappées (ou plutôt lâchées) dans la Loire.
Ces tortues proviennent du domicile de particuliers qui les ont achetées toutes petites et qui s’en débarrassent quand elles sont devenues grandes (et parfois agressives).
Les naturalistes en repèrent régulièrement au bord de la Loire et du Loiret mais elles sont généralement discrètes. 

Nos amis les silures, les ragondins, les castors… les vipères et les orvets qui vivent dans l’écosystème ligérien vont-ils devoir faire de la place pour accueillir une population de tortues ?

Nos amis les silures, les ragondins, les castors… les vipères et les orvets qui vivent dans l’écosystème ligérien vont-ils devoir faire de la place pour accueillir une population de tortues ?
Cette histoire a fait remonter en moi des souvenirs d’enfance. 
Nous avons eu chacun, ma sœur Christine et moi, une petite tortue de Floride. Elles étaient très jolies, la peau de leur tête était finement colorée avec un entrelacement de bandes jaunes et vertes, une tache rouge orangée ornait ce qui nous paraissait être l’emplacement des oreilles.
Les deux tortues vivaient dans un bac en matière plastique translucide. Le bac était rempli d’eau. Il y avait en son centre une île agrémentée d’un palmier vert (en plastique aussi) qui servait au repos des tortues. Nous les nourrissions de viande hachée crue dont elles se délectaient avec voracité.
Les tortues nous ont accompagné lors de notre vie en Suède (1967-1968). Au printemps, j’ai capturé quelques têtards dans la forêt suédoise de Torpshammar. Nos tortues les déchiquetèrent sans les manger. Nos deux Trachemys scripta elegans , c’est leur noms scientifique, nous ont quitté vers la fin des années soixante-dix en France où nous étions retourné. Je n’ai pas conservé de souvenir précis de leur disparition.
Je me souviens parfaitement par contre des circonstances de ma première rencontre avec les tortues de Floride. C’était en 1966 et j’étais en CE1.
Mon père était venu me chercher à l’école primaire de garçons du 10 de la rue Jeanne d’Arc. Comme d’habitude, il avait encore du travail à faire au bureau. Lequel était situé au dernier étage des  Nouvelles Galeries dont il dirigeait la communication et les relations publiques.
J’avais pour habitude de me promener dans les rayons pour passer le temps en attendant mon père. À cette époque, les Nouvelles Galeries présentaient régulièrement des nouveautés dans un stand situé à mi-palier dans l’escalier joignant les deuxième et troisième étages. 
Cette fois-ci, c’était un homme qui montrait et vendait des petites tortues aquatiques que personne ne connaissait encore en France. « Approchez mesdames et messieurs ! Venez admirer mes tortues aquatiques. Ce sont des tortues carnivores, elles se nourrissent de viande hachée. Approchez, approchez ! Si vous m’en achetez deux avec le bac en plexiglas, la troisième est offerte… Ces tortues feront le bonheur de la famille et particulièrement des enfants ».
Fasciné par ces bestioles (nous avions déjà à la maison deux tortues terrestres provençales, Caroline et Sophie, qui mangeaient de la salade et que je partageais avec ma sœur Christine) je m’éternisais devant le stand. Soudain le bonimenteur animalier m’apostropha avec brutalité. « Ouste ! Vas-t-en ! Tu gênes les clients à rester comme ça planté devant ma boutique.» Penaud, je remontais attendre que mon père finisse son travail et me ramène à la maison.
« J’ai fini Éric, nous allons pouvoir rentrer ensemble, mais avant je vais te montrer un nouveau stand de tortues aquatiques que nous avons fait venir au magasin. »
Revenu devant le stand, le camelot feignit de ne pas me reconnaître et, prenant son attitude la plus servile, s’adressa à mon père avec déférence « Ah monsieur Chapeau, quelle belle journée, les clients sont très intéressés. C’est votre fils ? Permettez que je lui offre une tortue ? Il a une petite sœur ? Et bien, on va rajouter une tortue pour la petite sœur et puis un bac, le plus grand… »
Selon que vous serez puissant ou misérable… disait Jean de la Fontaine.

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