Magazine France

L’ultralibéralisation socialiste

Publié le 07 mai 2008 par Argoul

Grand nettoyage de printemps au parti Socialiste : on taille les haies, on tond la pelouse, on ouvre les fenêtres. Est-ce un air de jeunesse et d’optimisme qui souffle sur les peuples ? Hélas, non. Des idées en retard, un socialisme vague, des contradictions permanentes sans aucune clé pour penser les problèmes concrets…

Un 21 avril pour 21 points, c’est un mois trop tard pour le printemps et 20 jours de trop pour une blague. A Vème République, Vème Charte ? C’est 50 ans trop tard là aussi…
Adoption enthousiaste par les militants réunis en Congrès ? Même pas non plus. C’est la Commission de la rénovation qui a concocté de façon élitiste ce catéchisme qui va s’imposer sans débat. Où est la « démocratie participative » dans cette Bulle du Pape Bergougnioux, approuvée « unanimement » par les seuls porteurs de soutane rose cardinalice ?

Apprend-t-on au moins ce que serait « le socialisme » ? Le texte erre entre dictionnaire des idées reçues et almanach de la bêtise. « Etre socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est » (art.1) : voilà qui va réjouir n’importe quel grand prédateur capitaliste, lui qui ne se satisfait pas de sa fortune présente et en veut toujours plus ! Ou l’aspirant dictateur, qui ne vise qu’à changer à son profit « le monde tel qu’il est ». On se demande bien quel être humain se satisfait de ce bas monde… « Les socialistes (…) pensent que l’exercice de la raison doit être accessible à tous » (art.4) : vive l’audimat télé, les séries américaines si populaires, le cinéma violent qui emplit les salles, les jeux vidéos pour ados addicts, les campagnes démagogiques et l’animation socialo-culturelle dans les collèges ! Mais qu’est-ce donc que “la raison” ? Une faculté innée à développer par le milieu ? Une vague “participation” culturelle à tout ce qui se fait ? Une faculté intellectuelle critique ? « Les libéraux portent une critique historique du socialisme, créateur d’inégalités soviétiques et cubaines, porteurs d’irrationalité nord-coréennes ou communiste chinoise, facteur de crises au Soudan, à Cuba, pour les Jeux olympiques… » Cette traduction libre de l’article 6 montre comment fonctionne le pipotron : prenez une phrase, retournez-là comme un gant, elle s’applique aussi bien. Quelle pensée profonde ! Quel programme d’avenir ! Désolé, Socialistes, mais votre eau est bien tiède…

Elle est même trouble, affirmant tout et son contraire :

  • Pas de capitalisme mais le marché (avez-vous vu un seul marché fonctionner sans « capitalisme » - qui est le principe économique de gestion efficace de ressources rares ?) Mais peut-être ne savez-vous pas trop ce qu’est « le capitalisme » ?… Vous le confondez probablement avec l’idéologie national-égoïste des pétroliers texans. Et la Chine ? Et le Japon ? Et l’Allemagne ? Et la Suède ? Ce sont tous des pays « capitalistes » que je sache – tous différents mais dont aucun ne récuse « le capitalisme » comme s’il était le Diable catho-communiste !
  • Un « réformisme » qui se mesure à l’aune d’une « transformation radicale » de la société – on se demande alors ce que « réformisme » veut dire : le changement sans le risque ? (Oups ! c’était Giscard…).
  • Pareil pour le progrès – mais avec principe de précaution (vive Chirac !) ; la démocratie – mais l’élitisme de parti ; le développement – mais durable ; qui conjugue tout – mais on ne sait pas comment ; le travail – mais surtout non-marchand (qui va donc y être incité ? comment ? par des médailles de citoyen-méritant comme en URSS ?) ; L’Etat – mais « social » redistributif (avec quels impôts ? Trop et ceux qui ont fuient, pas assez et les « services publics » doivent être fortement réformés pour être mieux gérés, la grève encadrée pour éviter l’inégalité entre usagers… Là dessus, aucune réponse sensée).
  • Le PS se veut un parti européen « pour » l’Europe – mais si les partenaires européens n’adhèrent pas à ce caporal-socialisme franco-français et à la bureaucratie qui va avec, on fait quoi ?

Dès lors, pourquoi ce débroussaillage de printemps 2008 ? Pour libérer le terrain aux candidat(e)s et leur permettre des promesses attrape-tout ? Pour évacuer « l’idéologie », honnie des Français dans les sondages, et en rester à la doxa tiède qui permet toutes les libertés afin de prendre le pouvoir ? Ce serait donc l’application socialiste du principe d’« ultralibéralisation » qui sévit depuis 25 ans un peu partout dans le monde, en Chine comme aux Etats-Unis et en Italie ? Faire table rase des idées (« ça prend la tête ») pour égaliser le terrain aux Prétendants ?

L’abstraction, ce mal français, est abandonné au profit du pragmatisme, bien plus anglo-saxon. Ce serait à saluer s’il n’existait plus aucun équivalent à la « deuxième gauche » intellectuelle, si féconde dans les années 60 et 70. Ne restent que de vagues principes non-contraignants. La fin de l’art. 20 à cet égard savoureuse, avec cette « demande » (même pas une exigence, ni même une discipline de parti) que les décisions, textes, etc. soient « respectés ». Chacun sait bien, et Fabius le premier, que ce n’est pas le cas.

Donc place à la lutte sans filet des Prétendants, dans la jungle de la politique à gauche. Et que le meilleur gagne : le plus fort en gueule ? le plus démago populiste ? le plus clientéliste pour les élus ?

Comme toujours, nous jugerons aux faits concrets – pas aux grands mots. Mais c’est bien dommage que tant de solennité doctrinale ait présidé à l’accouchement de ce qu’on ne peut appeler autrement… qu’une “ultralibéralisation” tactique.

credo-du-ps-2008-argoul.1210149448.jpg


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Argoul 1120 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte