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Pourquoi avoir peur de la Cour pénale internationale?

Publié le 08 novembre 2013 par Ksd @KarfaDIALLO
Fatou Ben Souda  Procureur de la CPI

Fatou Ben Souda Procureur de la CPI

Nous sommes surement des millions d’africains et autant de citoyens du « monde », à être consternés par la dernière session de l’Union Africaine. Ce week end, Addis-Abeba nous aura encore offert un spectacle digne d’une tragi-comédie politique dont seuls les dirigeants africains sont capables. Que les chefs d’Etats africains ne se soient réunis que pour se lamenter, louvoyer et menacer de quitter une cour pénale internationale accusée de « chasse raciale », ferait sourire s’il n’y avait d’autres urgences qui plongent les populations africaines dans la famine, la guerre, le désarroi et l’exil dont les morts de Lampeduzza ne peuvent, hélas, plus témoigner.

En vérité ce coup de semonce de l’Union Africaine contre la CPI aurait pu sembler crédible voire même être soutenu si les dirigeants africains avaient fait montre de bon sens, de responsabilité et de légitimité démocratique. Mais le bilan de leur gestion est catastrophique pour les droits et libertés de leurs populations. 

Rompant leurs solitudes respectives et décidés à se serrer les coudes, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine ont conclu leur réunion de ce week end par une résolution, véritable supplique, demandant un sursis face aux poursuites exercées contre trois de leurs éminents pairs, le président Kenyan Uhuru Kenyatta et son vice président William Ruto et bien entendu le président soudanais Omar El Béchir.

Après les accusations racistes proférées à l’endroit d’une cour pénale qui mènerait « une sorte de chasse raciale », l’Union Africaine est devenue plus raisonnable en s’arrimant à des arguments juridiques pour demander l’ajournement et le renvoi des procédures sur la base de l’immunité qui s’attacherait à tout dirigeant en exercice dans son pays.

Se fondant sur l’article 16 du traité de Rome (fondateur de la CPI) qui permet au conseil de sécurité de l’ONU d’imposer à la CPI la suspension de toute poursuite pour une durée renouvelable, les dirigeants africains avouent si ce n’est leur impuissance du moins leur duplicité.

En réalité, après la litanie compassionnelle, cette nouvelle recette juridique, l’immunité, dénichée pour protéger les dirigeants africains de la justiceinternationale est le nouvel épisode d’un combat pour la survie où aucun argument ne sera négligé.

Ainsi le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Tedros Adhanom Ghebreyesus défendra un afro-centrisme démodé et malmené en soutenant que «Loin de promouvoir la justice et la réconciliation (…), la CPI s’est transformée en instrument politique visant l’Afrique et les Africains». Dénonçant le traitement injuste voire l’acharnement dont seraient victimes les dirigeants africains conscients qu’aucun d’entre eux n’est désormais à l’abri, ne semblent avoir pour préoccupation que leurs propres intérêts. Piétinant les droits des victimes des violences post-électorales, des massacres politiques et des crimes contre l’humanité.

C’est ce que le vénérable Desmond Tutu aura compris en s’engageant résolument à côté des peuples africains trop souvent victimes sans recours d’oppressions politiques de toutes sortes. Selon, Desmond Tutu, qu’on ne saurait soupçonner de « trahison » comme je l’ai entendu par des intellectuels de mauvaise foi et incapables d’admettre la contradiction, les dirigeants africains «cherchent en réalité un permis de tuer, de mutiler et d’oppresser leurs peuples sans conséquences». Et le prix nobel de la paix d’ajouter que «l’Afrique a souffert des conséquences des actes de dirigeants irresponsables depuis trop longtemps pour pouvoir se laisser tromper de cette manière».

En vérité ce coup de semonce de l’Union Africaine contre la CPI aurait pu sembler crédible voire même être soutenu si les dirigeants africains avaient fait montre de bon sens, de responsabilité et de légitimité démocratique. Mais le bilan de leur gestion est catastrophique pour les droits et libertés de leurs populations. Aucun des mécanismes juridiques, politiques et militaires mis en place par l’Union africaine ne fonctionne et n’arrive encore à faire de l’Afrique un continent qui nourrit, protège et libère son peuple.


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