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Trail World Tour, Via Francigena, étape 29, la plaine des pensées

Publié le 12 novembre 2013 par Sylvainbazin

Lorsque nous repartons ce matin, après avoir partage le petit dejeuner avec Alice, une amie de Stefano, je ne fais que quelques hectometres a travers la ville avant de m arreter a nouveau. Nous avons rendez-vous avec, un membre des amis de la Via Francigena, pour une visite des deux plus importants monuments de Vercelli: l'eglise San Christofolo et l'eglise San Andrea. Je rejoins donc Stefano, qui conduira la voiture et prendra toujours autant de photos avec passion aujourd hui, devant l'eglise.
Monsieur est affable et tout a fait heureux de nous faire decouvrir le tresor des lieux, a savoir les fresques du peintre Bartholomeo Ferrari, un important artiste de l'Italie septemtrionale qui a notamment ensuite travaille dans la region d'Orta. Ici, son oeuvre, surnommee la chapelle sixtine de Vercelli, qui presente la passion sur un cote du transept et la vie de Marie de l'autre, est tres impressionante.
Après avoir admire ces fresques illuminees, nous parcourons les rues de la ville. C'est jour de marche et il y a de l'animation. Notre guide nous offre ensuite gentiment un petit dejeuner dans un etablissement historique. Le chocolat chaud y est excellent, onctueux.
Comme nous discutons avec entrain et que monsieur a plein de choses a nous faire decouvrir, l'heure tourne et nous avons juste le temps de jeter un coup d'oeil sur la voute de l'eglise San Andrea après avoir admirer son cloitre et l'harmonie tres italienne de son architecture generale. C'est qu'il me reste 55 kilometres a parcourir et même si je vais plus vite charge legerement, cela fait tout de même un bout de chemin.
Il est donc dix heures bien passe lorsque je m elance vraiment pour l'etape.
Je retrouve vite, après un sortie de ville pas bien agreable, les chemins de la plaine et une campagne paisible. Certes, les lignes droites sont longues mais quelques peupliers, quelques canaux entre les champs de riz, quelques clochers, ponctuent le paysage. Je surprends souvent un vol de herons, cendre ou blanc. Bref, si l'Italie du nord ressemble pas mal au nord de la France, je ne m ennuie pas vraiment sur ces platitudes.
Je cours. J'essaie de concentrer mes pensees fugaces sur ma technique. C'est que mes muscles et mes tendons se ressentent un peu des courses sans doute trop rapides et du denivele des derniers jours. Mes points faibles habituels, talon droit et genou gauche, se rappellent a mon souvenir. J'ai mal aux mollets. Aussi, j'essaie de courir le mieux possible, dans l'axe, mais mes muscles fatigues et l'etat bien fatigue de mes chaussures me font vraiment une foulee affalee.
Mais bon, tout en alternant aussi avec une marche rapide suivant le terrain et l'envie, j'avance tout de même. Au village de , a dix kilometres de Vercelli, Stefano m attend avec un membre des amis de la Via Francigena local qui me fait signer un cahier ou se recensent les pelerins. Il y en a tout de même, et de nationalites diverses. Un peu plus loin, nous admirons la tour du village, sans doute le vestige d'un grand château. Et je reprends mon cheminement.
Je cours assez vite, mais de ma foulee fatiguee, jusqu a ou Stefano m attend. Nous nous offrons une petite pause dejeuner ponctuee par un cafe italien bien ristretto comme ma grand mere les aimait tant.
Je retrouve, après une nouvelle sortie de ville un peu encombree, le calme de la campagne. Dans les grandes lignes droites, j'essaie de liberer ma foulee de ses fatigues ou de rythmer mon pas, qui lui ne me fait pas mal du tout.
Courir, entre les groupes de peupliers et les champs de riz, me fait penser a courir. Et du coup, un peu, a mon histoire de coureur. Si la singularite "d'etre un coureur" est devenue parfois un argument de vente des marques de running, le fait d'avoir ete un gamin puis un homme qui court et qui marche m a vraiment construit. En decalage sans doute mais selon ma nature profonde. Un peu a part, mais tout de même dans le monde.
Mes pensees me ramenent a ma premiere veritable course. J'avais douze ans, sur le stade de Trappes et douze gamins se disputaient un titre de champion departemental scolaire sur un tour de piste et demi, au coeur de la banlieue de Paris. Je me sentais déjà different des autres et j'avais decide que je gagnerai cette course. Parce que j'ai senti, des mon premier tour de piste, que cet art la allait changer ma vie. J'ai gagne.
La suite est plus compliquee mais la course devient ma passion, mon obsession. Je veux maitriser ca. Ma biomecanique n'est pas parfaite, mais a force de volonte je deviens un des meilleurs francais sur les longues distances en junior. Courir me construit socialement. Des rencontres, mais aussi un decalage avec les "jeunes de mon age". Mais je suis cet etre la, decale et qui veut tracer sa voie.
Je n'ai pas de limite en courant. Je vis profondement pour ca. Pour comprendre un geste qui me semble venir de si loin. Je n'ai peur de rien au depart d'une course. En 2002, je termine 15e des 20 kilometres de Paris. Je pars avec les kenyans et je ne m en soucie guere. Je veux etre comme eux. Courir est ma nature. Je suis sur de pouvoir courir plus vite, je sens que je ne fais qu'entrevoir le bon geste, celui enfoui dans mes genes qui me fera aller plus vite.
Mais les obligations de la vie font que j'ai ensuite moins de temps pour approfondir les choses. J'essaie pourtant. En formation de conservateur de bibliothèque, mon premier metier, je cours seul, dans Lyon. Je sens que c'est la fin d'une progression. Dans mes footings a dix sept a l'heure, j'en ai pleure. Mais j'ai ensuite envisage la course autrement, et les longues distances, encore plus longues et toujours au contact des elements, m ont apporte beaucoup. Davantage ouvert au monde sans doute aussi. Et porter, finalement, sur ces chemins ancestraux ou les hommes cherchent leur ame et tentent de trouver dieu. J'y vois une continuite.
C'est a tout ca que je pense aujourd hui, sur cette Via Francigena.
Mais Stefano est la, au detour d'un croisement. Il est toujours prevenant, aidant, c'est mon ange gardien du moment. Je passe a Mortara, une petite ville au milieu de l'immense plaine. Il ne reste que vingt kilometres mais il est déjà un peu tard.
Je finirai a la frontale. Quand c'est possible, sur les pistes de terre, Stefano m eclaire le chemin avec les phares de la voiture. Après cette tres belle journee sous un chaud soleil d'automne, la soiree reste tiede.
Une nouvelle entree de ville, un rond-point et voilà l'hotel de la soiree, a Garlasco. 55 kilometres et quelques douleurs mais une journee riche en rencontres, en sensations et en pensees. Toute la richesse de cette Via Francigena qui decidement me transporte dans tous les sens du terme.

Pas de photos aujourd hui car mon Galaxy Note a eu une panne, reparee mais vous pouvez voir le beau travail de Stefano sur www.distanceplus.com


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