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Liquidité, funding : le grand avantage des banques « globales » (2/2)

Publié le 17 décembre 2013 par Sia Conseil

Liquidité, funding : le grand avantage des banques « globales » (2/2) Les banques « globales » sont mieux armées que leurs concurrentes « nationales » pour affronter les changements imposés par le marché dans la gestion du funding / de la liquidité.

Le modèle de banque globale que nous décrivons dans la suite de l’article correspond à un modèle géographiquement diversifié avec un leadership sur des activités solides dans la banque de détail et le soutien aux PME, ce qui lui confère une relative stabilité au travers des cycles bancaires.On peut citer plusieurs exemples de banques globales : HSBC, l’archétype, mais aussi Citigroup ou BNP Paribas. Dans ce modèle, les entités locales sont en général très autonomes et les filiales sont même souvent assimilables à des franchises indépendantes, dans un modèle coordonné par le Central. Elles entretiennent des liens financiers directs limités mais sont soumises à un niveau de contrôle élevé sur le respect de la politique groupe de funding / liquidité et des limites locales (adaptées au mix d’activités, aux conditions réglementaires et au marché). Ces limites sont fixées par les Comités Actif-Passif à plusieurs niveaux (groupe, région, entité) et suivies par les équipes ALM locales.

Les entités locales sont souvent autosuffisantes dans leur refinancement et recourent peu – sauf par exemple quand une filiale n’a pas localement accès aux dépôts – au funding d’autres entités du groupe hors de sa juridictions ni du groupe lui-même (malgré l’existence de lignes de crédit) mais peuvent bénéficier d’une garantie de la maison-mère et le groupe est souvent structurellement pourvoyeur net de liquidité sur le marché interbancaire. De plus, cette organisation décentralisée du funding est moins contrainte par les problématiques de refinancement intra-groupe et transfrontalier et elle mène à une diversification naturelle des ressources, et pas uniquement selon un axe géographique.

Cette indépendance est renforcée par une importante collecte de dépôts locaux grâce à la renommée mondiale de la marque qui contribue à la bonne réputation et renforce la confiance des déposants. Pour une banque comme HSBC, la forte présence historique du groupe en Asie où les entités affichent un excédent conséquent de dépôts sur les prêts, est un atout supplémentaire : la stratégie conservative de maintenir un ratio de crédits / dépôts faible au global et inférieur à 100% dans chaque entité locale ne date pas d’aujourd’hui mais l’amélioration du ratio groupe a été significative au travers des dernières crises et s’établit désormais sous la barre des 75%. Cette évolution a été favorisée dans le retail par la faible croissance des encours de crédit du fait des conditions macroéconomiques mais surtout par le développement des comptes PME et Corporate liés aux opérations de paiement et de cash management. En revanche, en Banque privée, les fonds se réorientent des dépôts vers des investissements offrant des taux d’intérêt plus attractifs. Un autre élément déterminant dans l’autosuffisance est l’accès des entités aux autres sources de funding en local et notamment le refinancement auprès des banques centrales qui est facilité par l’organisation décentralisée du funding de la banque (les entités locales lèvent cependant en temps normal peu de de fonds sur leur marché).

Cette gestion autonome du funding et de la liquidité représente une force qui permet aux banques globales de mieux résister aux crises de liquidité. Elles s’efforcent d’ailleurs de décourager la dépendance au funding CT sur les marchés ou même auprès des banques centrales et s’en assurent notamment par la mise en place de ratios qui mesurent les encours de prêts vs. le funding stable, c’est–à-dire dont la maturité résiduelle est supérieure à 1 an (ce qui exige de modéliser la stabilité de ses dépôts pour chaque entité en tenant compte du benchmark avec les taux de rémunération locaux, de leur taille et de la ligne Métier concernée).

Ce type de ratio (« Advances to core funding ratio »), avec des limites adaptées aux situations locales, fait écho à la logique du NSFR [1] introduit par la réforme Bâle 3 dont l’objectif est de s’assurer que les banques détiennent suffisamment de ressources LT pour financer les actifs de maturité longue afin d’éviter la pression des marchés sur le refinancement CT. A cet égard, les banques globales maintiennent en général un bon accès au marché de la dette LT unsecured (essentiellement senior), ce qui permet d’ajuster le mix de devises et le profil de maturité, de diversifier géographiquement les ressources ainsi que de maintenir une présence sur les marchés wholesale locaux.

Pour compléter leur dispositif de gestion du risque de liquidité, les banques globales imposent généralement à chaque entité (si cela n’est pas déjà exigé par le régulateur local) le respect d’un ratio de [cash entrant / cash sortant] stressé à horizon de 1 et 3 mois, avec l’hypothèse de renouvellements des crédits arrivant à échéance et utilisent des stress tests internes pour analyser les risques sur les positions de funding. Un des scénarii de stress standard résulte de la combinaison d’une crise de liquidité systémique et d’une spécifique pour le groupe dont l’intensité varie selon la catégorisation interne (à plusieurs niveaux) du risque de liquidité de l’entité concernée (en termes d’impact potentiel). Les entités doivent également concevoir des scénarii propres de stress, reflétant les conditions du marché local, les produits et la situation de funding. Ces stress tests permettent d’ajuster la tolérance au risque de l’établissement via la calibration du coussin de sécurité local composé d’actifs liquides (liquidity buffer). Enfin, quand cela est nécessaire, le groupe impose aussi de suivre ces ratios pour les devises non locales. Si besoin, les équilibres peuvent être rétablis par des achats de devises spot ou forward ou par des cross-currency swaps.

Les pools d’actifs éligibles à une collatéralisation sont gérés localement dans chaque entité par une équipe en charge de la gestion de bilan avec le double objectif de détenir un stock liquide, mobilisable rapidement pour pouvoir faire face de façon autonome à un choc de liquidité et d’optimiser la mise en gage de ce collatéral disponible par une gestion active de ce-dernier. Le groupe est quant à lui en charge de l’articulation de cette gestion locale et de sa surveillance. A cet effet, un des enjeux consiste à mettre en place une base unique regroupant tout le collatéral du groupe, disponible (y compris les actifs placés en banque centrale) ou déjà mobilisé, qu’il soit au bilan ou hors-bilan [2] en attribuant un niveau de volatilité et de liquidité des actifs, en déterminant leur éligibilité aux différentes banques centrales et en qualifiant leur transférabilité dans d’autres entités juridictions, et d’y greffer des modules, pour la production automatisée des reportings sur la liquidité, pour le suivi des réserves et des pledge en banque centrale et éventuellement leur optimisation à l’échelle du groupe.

Grâce à une large base de ressources retail stables dans les différentes implantations, les banques globales ont eu relativement moins recours à la collatéralisation pour se refinancer, ce qui confère au global un niveau supérieur d’actifs liquides mobilisables pour le funding et elles peuvent profiter de leur présence mondiale pour optimiser la gestion de ces actifs.

Le modèle de banque globale est donc bien adapté pour faire face à un marché interbancaire actuellement anémié et essentiellement national même si sa rentabilité est moindre quand elle place ses excédents de liquidité auprès de Banques centrales que sur ce marché interbancaire. Par exemple, HSBC n’a pas recours au programme « Funding for Lending » [3] de la Banque d’Angleterre et, dès janvier 2013, elle avait déjà remboursé 90% des 5 Mds d’euros levés via le dispositif de LTRO. Celles qui comme BNP Paribas ont un ratio de prêts/dépôts moins favorable ont cherché à accroître le niveau de leur dépôt et ont massivement accumulé des actifs liquides en réserve pour alléger la pression sur leur wholesale funding qui pèse sur la rentabilité.

Les banques globales ont toutefois dĂť revoir plusieurs éléments de leur organisation et de leur stratégie en lien avec leur politique de funding / liquidité. Bien qu’une vision centrale de la liquidité dans un tel grand groupe soit essentielle à des fins de surpervision, le renforcement du management en local avec, au sein des entités, des programmes de gestion de la liquidité (qui incluent le financement auprès des banques centrales) et des structures de funding MLT, est nécessaire. Cela s’accompagne en général d’une organisation plus décentralisée qui conduit les entités à avoir une bonne connaissance du cadre légal et réglementaire local. Les banques globales ont aussi recentré, ces dernières années, leur stratégie retail sur un nombre restreint de pays clés afin d’y assurer une taille critique pour la banque de détail et la banque commerciale et les excès de liquidité en local financent la croissance dans marchés émergents ou bien sont investis en actifs liquides.

Sia Partners


[1] : Net Stable Funding Ratio

[2] :Reçu dans la cadre d’un reverse repo ou d’emprunt de titres notamment

[3] : Programme lancé mi-2012 afin de relancer la distribution de crédits aux entreprises et aux particuliers en réduisant le coĂťt du funding des banques prêteuses


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