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Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.

Publié le 30 décembre 2013 par Meryl @gingerfromparis
Comme certains d'entre vous le savent déjà, je suis féministe. Ou plutôt, parce que le mot "féministe" peut faire peur, je suis pour que chacun dispose de son corps, de sa tête et de sa sexualité comme ça lui chante, sans qu'aucune personne, organisation ou courant de pensée ne l'en empêche. Et je le revendique haut et fort.
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.

Une petite histoire du sexisme ordinaire ...


Le rétro/vintage/truc qui fait comme si c'était vieux mais en fait non est à la mode, c'est un fait. Ce qui me chiffonne, c'est que sexisme qui va avec est aussi à la mode. Ceux qui suivent les séries qui dépeignent les décades passées (Mad Men, Downton Abbey & co.) ont dû s'en rendre compte, la femme n'avait pas une place importante dans la société, loin de là. On passait de "fille de ..." à "épouse de ..." et "veuve ...", on n'avait donc pas d'identité propre, on était une éternelle mineure qui devait demander son accord à papa, puis à son mari, et le mari défunt on était à peu près tranquille, et encore. La femme qui n'était pas mariée était soit une nonne, soit une femme de mauvaise vie, soit une moche. Parce que oui, la femme se devait d'être belle, ou tout du moins essayer. Belle selon des critères ... dictés par les hommes, la société (donc les hommes), les bonnes moeurs (les hommes encore), puis la société de consommation et la publicité (là encore les hommes). Étonnamment les femmes arrivent assez tard dans la publicité (qui leur est pour la majorité dédiée), mais sont bien présentes dans les magazines féminins, qui donnent des conseils pour plaire ... devinez ! Aux hommes, bien évidemment.

Bon oui d'accord et sinon, on est en 2013 là non ? 

 Oui, mais ... parfois j'ai des doutes.  Prenez par exemple Starwax, qui joue sur le côté rétro pour vendre ses produits d'entretien (à prix d'or, au passage, le vinaigre blanc c'est 0,50 euros en moyenne le litre en grande surface, faut pas pousser mémé dans les orties), et qui prend les femmes pour des quiches de course.
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro. ta gueule et frotte. Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.
En gros, Starwax t'explique que ta place est dans la cuisine, a frotter ton argenterie, toi femme, et même qu'ils fêteront la fête des mères avec toi, parce que les hommes ne font pas le ménage, voyons. Et que tu as intérêt à faire ça bien coiffée et dans la joie, s'il te plaît.
Alors vous allez me dire "c'est de l'humour voyons, t'as pas drôle, t'as pas compris".
"L'humour, au sens large, est une forme d'esprit railleuse « qui s'attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité »"
(merci Wikipedia)
C'est vrai que ça pourrait être comique, de reprendre une pub rétro, complètement décalé, jouer sur le côté nostalgique désuet sauf que ... dans les faits, 82% des tâches ménagères sont encore effectuées par les femmes, qui gagnent en moyenne 27% de moins que leurs congénères avec un zizi. Ces mêmes femmes soumises au dictats d'un corps formaté selon le milieu dans lequel elles évoluent (je m'étendrai là-dessus plus bas), au regard de la société/du milieu dans lequel elles évoluent/et encore et toujours ... des hommes. Tu le vois l'absurde, le décalage là dedans cher lecteur ? Moi pas vraiment.
(Pardon Starwax, en vrai je t'aime bien, hein. Mais faut pas nous prendre pour des cruches.)

Alors pourquoi je vous parle de rétro-sexisme ? 

Parce que j'ai la vilaine impression qu'avec la mode du rétro, le sexisme est la norme. Mais non. Mais si. Mais non. Mais si.
Depuis quelques temps, je vois fleurir des panneaux un peu partout sur Facebook, et principalement sur les murs de pages rétro.
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.
On pourrait penser que c'est une bonne chose, une ode au corps "féminin", avec des formes, à contre courant des mannequins des magazines, une ode à la femme pour s'aimer et s'accepter ... Hé bien non, non, non et non. A vrai dire, ces images sont extrêmement discriminatoires, méchantes et re méchantes (je manque d'adjectifs tellement je suis révoltée). Cette idée de "vraie" femme m'énerve au plus haut point. Vraie par rapport à quoi ? Quelle norme ? Quel manifeste ? Qui ose dire que tel corps est plus vrai qu'un autre ?
Vous voulez savoir si vous êtes une "vraie femme" ? C'est facile !
Vous considérez-vous comme une femme ? Si la réponse est oui, bravo, vous êtes une femme ! 
Êtes-vous un être vivant fait de matière ? Si la réponse est oui, vous êtes une vraie femme ! Si non, désolée, il va falloir vous contenter du statut de spectre, esprit, ectoplasme ou poltergeist ...
Ensuite vient la notion de séduction. Je disais plus haut que les magazines féminins, de tout temps, prodiguaient des conseils pour séduire les hommes. Parce que c'est ça, être une femme, il faut être désirable et désirée, enfin c'est qu'on vous fourre dans le crâne. Parce que vous pourriez tout simplement faire ce que vous aimez, vous coiffer comme ça vous chante, vous choisir des vêtements parce que ça vous plaît à vous, mais non, il faut être sé-dui-sante ! Vous suivez, là au fond ? Ho !
 En témoignent les mots utilisés : "hotter" et "you don't know where to put your hands". Ben oui, parce qu'il faut être "hot" et "tripotable" (coucou la culture du viol), sinon on n'est pas une "vraie femme".
Vous noterez au passage, que tout cela est hétéro-centré, à aucun moment on ne suppose qu'il existe autre chose que le rapport de séduction homme-femme. 
C'est totalement gratuit, mais voilà un rendez-vous galant pendant un concert des Beatles, comme ça, allez.
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.
On en revient donc à mon problème de départ. Il me semble que grâce à cette mode du rétro, et cela a été amplifié avec celle-ci dans les sous-cultures rockab, pinup, rétro etc, on (je dis "on" pour simplifier, mais il y a des gens sensés partout heureusement) applique finalement les mêmes codes que dans la société en général (corps normés, attitudes normées, rapport de séduction hommes-femmes, milieux hétéroscentrés). Ce n'est pas parce qu'on décide que quelque chose de différent est mieux ... que c'est forcément mieux. La vraie liberté, c'est le choix, pas de dire que faire du 42 c'est mieux que de faire du 34, ou que tel look se démarque de tel autre, si au final on reproduit exactement le même schéma, mais avec des normes différentes. D'ailleurs, on parle de courbes, de rondeurs, mais je ne vois que peu de femmes au delà du 44/46, pourtant, elles existent non ? Là encore, tout cela me semble exagérément policé et peau-lissé. 
J'ai personnellement énormément de mal avec les termes employés "doll", "girl", "pet" etc ... Ça parait anodin comme ça, mais c'est encore une façon de minimiser la femme, de la faire passer pour un jouet, une "fille" (l'éternelle mineure des années 50 etc ...).
Ce qui va avec certains des commentaires qu'on peut voir sur les photos des pin-ups, qui ne sont ni plus ni moins que des jugements d'appréciation de telle ou telle partie du corps, ou du potentiel de désirabilité de la personne en photo. Il convient de faire la différence entre un vrai compliment (désintéressé, vraiment sympathique) et un jugement d'appréciation/de valeur voire ce qui peut s'apparenter au harcèlement dans certains cas. Ça peut paraître extrême, mais j'ai du mal à considérer que tous les "hmm, nice legs" "wow, superbe poitrine" et "whoa, ces formes !" sont tous désintéressés et véritablement smpathiques, rabat-joie que je suis. La différence peut parfois êtres subtile, la ligne entre compliment et jugement est mince, et dépend souvent du contexte et de la personne. Il est difficile de faire du cas par cas, mais vous pouvez vous poser ces questions, que vous soyez la personne visée ou celle qui commente :
- Suis-je gênée par tel ou tel commentaire ? Est-il déplacé pour moi ? Y-a t'il un sous-entendu douteux/qui me gêne ?
- Est-ce que je doute de moi/je me trouve moins jolie/je suis triste depuis que j'ai lu tel ou tel commentaire ?
- Quand je poste un commentaire sur une photo, est-ce que j'essaie de faire comprendre à la personne que je la trouve sexy, désirable, selon MES critères ?
-  Est-ce que j'insiste (lourdement) sur une partie du corps qui me plaît, ou qui au contraire pourrait, selon moi, être améliorée/mieux mise en valeur ?
Si vous répondez oui à au moins l'une de ces questions, alors il y a un jugement d'appréciation/de valeur/un commentaire bien sexiste dans l'air !
Pensez-y avant de commenter, il y a une personne derrière la photo, pas un bout de viande. Et je refuse d'entendre des "oui mais c'est une photo sexy" Oui et alors, UN PEU DE TENUE SCREUGNEUGNEU ! La personne choisit de se montrer de telle ou telle façon, point final. Elle ne choisit pas d'être harcelée, ni d'être jugée, ni d'être dénigrée. Vous pouvez tout à fait complimenter et exprimer votre contentement de manière neutre et sans jugement, la langue française est riche, elle est faite pour ça !
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.
Il y a eu ce projet d'hommes qui prennent des poses de pin-up, d'hommes qui posent de façon sexy sur des motos, c'était drôle, mais au-delà de ça, je pense qu'on peut tout à fait poser de manière sexy, affirmer sa sexualité, ses préférences, ses fétichismes, allez, soyons fous, sans subir un jugement de valeur et être une personne "moindre" à cause de ça. J'ai vu et lu beaucoup de commentaires sur les films pornos de Dita, sur Traci Lords etc ... des commentaires souvent féminins d'ailleurs (tiens donc !) qui se permettaient de juger de la valeur de ces personnes parce qu'elles ont été des travailleuses du sexe. Sans aller jusque-là, j'ai vu des pages bannir certaines modèles parce que "trop sexy" ou partir dans des guerres sans fin parce que telle ou telle ne "méritait" pas le titre de "pin-up" ou que sais-je pour ... argh ! Cachez ce sein que je ne saurais voir ! Bon, chacun est bien libre de classifier ses photos comme il le souhaite, mais les commentaires désobligeants qui ont suivi étaient clairement du slut-shaming, cette pratique qui consiste à rendre responsable une femme de tous les maux parce qu'elle ose casser la modestie imposée aux femmes par ... la société hétéro-partiarcale. Ah oui, coucou, encore eux. C'est, entre autres, ce qui "justifie" la stigmatisation des femmes aux moeurs légères, le harcèlement dans la rue et ... le viol. Ah. Oups. Pensez-y.
J'aimerais terminer ce paragraphe en vous parlant de mon expérience personnelle. Cette année j'ai perdu 2 tailles de confection (que j'ai repris, et reperdu, et repris, etc ...), une partie de mes cheveux, mes mains et mes pieds se sont déformés, je marche à présent avec une canne et je ne peux pas rester debout/assise/dans une position statique longtemps. J'ai été très peinée de voir cet engouement pour un certain type de corps, et d'être indirectement dénigrée parce que je n'étais plus dans les "vraies femmes", avec mon 80B et mes bas taille 1 qui tire-bouchonnent. Et puis je me suis relevée, parce que, moi, je me sentais bien comme ça, parce qu'au final je m'en fiche pas mal de coller à telle ou telle étiquette, et que j'étais juste triste pour une raison idiote, par rapport à un regard qui n'est pas le mien. Quand j'entends un commentaire désobligeant parce que j'ai commandé un latte au lait de soja sans sucre, je souris juste parce que mon régime strict me garde en bonne santé, je n'en fais pas tout un plat, je refuse d'être agressive, je laisse la personne dans son ignorance crasse et je ne m'en préoccupe pas. J'ai fait du tri dans ma garde-robe, je garde ce que j'aime mettre, ce dans quoi je suis à l'aise, et non pas ce qui colle à tel ou tel milieu, tel ou tel entourage, ou ce que je "devrais" mettre ou ce qui "me met en valeur". Ça va de la robe mods extra courte aux tailleurs exagéréments ceinturés 40s, en passant par les maxi caftans 70s et les robes fluides 20s. Tant pis si j'ai l'air d'une petite patate enturbannée dans un caftan imprimé cachemire, moi je suis bien comme ça, c'est l'essentiel. Et tant pis si le lendemain j'agresse le patriarcat avec mon décolleté tout plat et mes clavicules saillantes dans ma robe décolletée danseuse d'ado des 50s, tant que ça me plaît. Et tant pis si je reprends du poids, et que j'ai envie d'un legging imprimé léopard, n'en déplaise à Vogue. On s'en fout.
Rétro-sexisme, et sexisme pas si rétro.

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