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C’est pas l’homme qui prend la mer…

Publié le 30 décembre 2013 par Edelit @TransacEDHEC

Le 23 avril 2013, on a pu lire sur le compte Twitter de l’agence Associated Press la phrase suivante : « Deux explosions à la Maison Blanche, Obama blessé ». Quelques mots qui ont suffi à déclencher un vent de panique sur les cours boursiers aux Etats-Unis. Le Dow Jones a chuté de 150 points en 3 minutes avant que l’agence ne supprime ce tweet posté par un pirate. Cet épisode montre à quel point les réseaux sociaux seront de plus en plus amenés à jouer un rôle primordial au sein des marchés. Preuve en est qu’aujourd’hui la plupart des traders ont leur accès à Twitter bloqué car cela contreviendrait aux règles de confidentialité et aux politiques de communication de chaque agence.

Toujours est-il qu’un simple tweet a provoqué des ventes massives et une paralysie du marché, la faute à ce qu’on appelle le trading à haute fréquence (THF). Il s’agit d’algorithmes qui ont pour but d’analyser en quelques millisecondes des milliers de flux d’informations pour en tirer une décision de trading. Les réseaux sociaux sont une mine d’informations non négligeable pour ces programmes et pourraient même, à terme, permettre de prédire avec plus ou moins de précision l’évolution des cours.

Ô mon beau PC dis-moi qui sera le plus beau

C’est la question que se sont posés des chercheurs à l’université de Warwick : « Google peut-il prévoir l’évolution des cours de la bourse ? ». Une enquête a été menée pour savoir s’il existe une relation entre les requêtes Google et les variations des cours. L’équipe a étudié la variation du nombre de demandes concernant 98 mots du lexique financier pendant un certain temps et s’en est servie pour mettre au point une stratégie d’investissement. En parallèle, a été dressée une liste des 98 mots apparaissant le plus dans le Financial Times et c’est à ce stade que l’étude a relevé un point intéressant : plus un mot est populaire sur le FT, plus il a de chances de pouvoir prédire l’évolution future des indices boursiers.

A titre d’exemple, la stratégie fondée sur le mot « dette » a été de loin la plus rentable. Toutefois, l’étude n’a pas été menée en temps réel puisque le « recensement » s’est fait entre 2004 et 2011. La prévision en temps réel, c’est le nouveau défi qui se pose à cette équipe. Pour cela, deux éléments seront nécessaires. Tout d’abord, il s’agira d’accélérer le processus d’analyse de l’information, rôle qui sera joué par les algorithmes propres au THF. Ensuite, il s’agira d’étendre le domaine de recherche. Google donnant accès à une plage d’informations trop limitée pour cela, il faudra se tourner vers les réseaux sociaux mais aussi les entreprises de « data » qui profitent pleinement de la tournure que prend la finance moderne.

Dis moi ce que tu cherches et je te dirai qui tu es

Qu’ils soient opérateurs (Bloomberg, Six Financial, etc.), agences de notation (Fitch, Standard & Poor’s, etc.) ou fournisseurs d’indices (MSCI, Dow Jones, etc.), ils sont tous fournisseurs de millions d’informations essentielles pour les acteurs du marchés. Ces agences sont devenues si incontournables qu’elles semblent désormais exercer un véritable abus de position dominante. N’étant soumises à aucune réglementation, elles augmentent sans cesse leurs prix depuis 3 ans, Bloomberg allant même jusqu’à multiplier le prix des ses offres par 4 pour certaines, voire 24 pour d’autres ! On va même jusqu’à parler de choc des données aujourd’hui puisque leurs clients ne peuvent acheter qu’un droit d’usage des données et n’en sont plus propriétaires. Ces derniers sont donc prisonniers des fournisseurs de data et ne sont pas maîtres de l’exploitation de ces données. La colère gronde chez les agences de trading qui en appellent même à l’intervention des autorités de la concurrence. La guerre de l’information est lancée. Lorsque l’accès à l’information est inégal et surtout qu’il requiert un coût d’opportunité supérieur à la rentabilité espérée, alors il n’y a plus d’information qui tienne même la quantité de données hypothétiquement disponible est immensément élevée. Comme le dit Amin Maalouf : « Nous le savons à présent : les moyens de l’information répandent l’inconscience aussi sûrement que la lumière répand l’ombre ; plus le projecteur est puissant, plus l’ombre est épaisse ».

Simo Alami


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