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2014, année populiste ?

Publié le 01 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints
Opinion

2014, année populiste ?

Publié Par Guy Sorman, le 1 janvier 2014 dans Politique

Le populisme, idéologie de la volonté générale qui dénigre les individus, sera probablement la tendance forte de l’année qui vient.

Par Guy Sorman.

populisme
Le populisme sera probablement la tendance forte de l’année qui vient. Qu’est-ce que le populisme ? Le contraire de la démocratie. En démocratie, un homme ou une femme valent une voix : chaque individu est également respectable, qu’il appartienne à la majorité, à l’opposition, à l’abstention. La démocratie par définition est imparfaite puisqu’elle suppose un certain désordre. Ce qui la fragilise : il s’y trouvera toujours des groupes influents ou vociférants pour tenter d’imposer une « volonté générale », ce despotisme cher à Jean-Jacques Rousseau, qui transcenderait les désirs particuliers. Le populisme est une idéologie de la volonté générale qui dénigre les individus au nom de grands principes qui seraient plus authentiques que la liberté personnelle : le peuple, la nation, la race, le collectivisme, le corporatisme.

Les idéologies meurtrières des deux siècles passés, nationalisme, communisme, fascisme, nazisme, stalinisme, maoïsme furent des populismes : toutes prétendaient exprimer une volonté générale, pour le peuple mais sans le peuple. En réalité, le populisme n’est qu’un parti comme les autres, en quête de pouvoir mais de pouvoir absolu et par des méthodes distinctes : la mobilisation des passions contre l’appel à la raison qui est le fondement principal des partis démocratiques.

Le populisme ainsi défini progresse partout sans qu’aucune frontière le borde car, aujourd’hui, ce qui est local devient immédiatement global. Au plus loin de l’Europe, on voit en Asie reculer les sensibilités démocratiques au Japon, en Corée du Sud, en Chine. Ces trois nations rivales plongent dans le nationalisme, réveillent des querelles de frontières et des contentieux mal éteints. La guerre là-bas devient de nouveau une option que la présence militaire américaine dans l’Océan Pacifique, tempère pour l’instant. On s’étonne que la démocratie et l’économie de marché qui ont restauré la paix civile et apporté la prospérité au Japon comme en Corée du Sud soient si aisément ébranlées. Les dirigeants chinois qui paraissaient tout occupés à rattraper le retard économique de leur pays, attisent maintenant les passions nationales, affichent un impérialisme régional d’aucun bénéfice pour l’individu chinois. Longtemps en Asie, la croissance économique fut le seul but affiché : son ralentissement suffirait-il à faire voler en éclats le vernis démocratique ?

Devrait-on généraliser ce déterminisme pour envisager qu’en Occident aussi, la démocratie n’est tolérable que si elle génère des bénéfices matériels ? Au États-Unis, le Tea Party, mouvement populiste, est né en 2008 au creux d’une dépression dont on ne voyait pas l’issue ; et l’économie ne s’est pas suffisamment améliorée pour dissoudre ce mouvement qui ne propose pas d’autre solution qu’un retour à des mythes, ancrés dans une Amérique rêvée.

L’Europe inquiète tout autant. Il est envisageable que les prochaines élections européennes, en mai 2014, verront le triomphe des partis populistes, en France avec le Front National qui pourrait devenir le premier parti de France ; mais aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark, en Norvège, en Hongrie, en Italie, en Écosse, en Catalogne, aux Pays Basques, les partis qui incarnent les foules et les mythes ébranleront aussi la tradition démocratique. Si on votait en Russie, sans doute le populisme, version Poutine, l’emporterait de nouveau.

En Amérique latine, l’Argentine, le Venezuela, le Brésil, le Pérou sont gangrenés par le caudillisme qui est la forme locale du populisme. En Afrique, c’est sous couvert du tribalisme que le populisme règne.

2014, année populiste ? Le XXIe siècle, siècle du populisme ? Ces emportements collectifs sont soutenus par de grands discours mais n’apportent aucune solution concrète aux exigences des nations. Elles parviennent, un instant, à dissimuler les attentes dans un grand fatras verbal et le rassemblement des corps. En fin de journée, il n’en subsiste qu’une grande lassitude ou le passage à la violence qui est le stade supérieur du populisme. Violence contre le voisin, telle la chasse aux immigrants, ou le pays d’à côté.

Peut-on résister au populisme ? Certes, en ne le niant pas : il ne progresse qu’en raison du mépris qu’on lui oppose. Aux critiques de l’Union européenne par les populistes, par exemple, les gens raisonnables opposent le silence mais rarement une défense ardente de l’Europe.

Il en va de même pour la démocratie et l’économie libre que nul ne soutient avec trop d’ardeur parce que vivant dedans, on en oublie comme l’air que l’on respire, que son absence conduit à l’asphyxie ! Face au populisme, que pèsent les querelles entre la droite et la gauche ? Rien ou si peu. Angela Merkel montrerait-elle la voie en constituant entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates, une Grande coalition ? Souhaitons qu’elle fasse école : en France, le pays le plus menacé par le populisme, seule une Grande coalition pourrait préserver la démocratie avec ses imperfections désirables.


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