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[critique] Yvonne Besson – Un coin tranquille pour mourir

Publié le 21 janvier 2014 par Consuelo

un-coin-tranquille-pour-mourir-de-yvonne-besson-969205478_ML« Tu trouves ça déshonorant, toi, Carole, d’être un auteur de polars ?
- Pas du tout. J’adore en lire. (…)
Modard soupira. Cette histoire le dépassait.
- Qu’est-ce que tu vas faire maintenant? Tu continues, tu démissionnes ?
- Comment le saurais-je, mon cher Alain ? Tu oublies que je suis un personnage de roman ! »

Au collège Aubin-Cormier, sur la côté normande, un professeur stagiaire est retrouvé mort dans les toilettes. D’autres morts violentes suivent, toutes liées à des professeurs des établissements de la ville normande où se déroulent les enquêtes du commandant fétiche d’Yvonne Besson. Le journal d’un meurtrier nous est donné à lire, dans toute son outrance. L’enquêtrice parviendra à dénouer les fils de l’intrigue peu à peu, démêlant le vrai du faux, l’artifice du réel. Le lecteur se sent dupé, gentiment manipulé. Le jeu fonctionne.

Mais ce qui reste de ce roman policier, lorsqu’on le referme, c’est la peinture désabusée d’un monde enseignant à la dérive, dont les représentants oscillent entre résignation et révolte rentrée. Chacun a quelque chose à cacher : soi-même. Ses véritables aspirations. Que ne permet pas d’exprimer la salle de classe, le rôle de prof. Les enseignants de ce « coin tranquille » sont sans repère, sans idéaux, sans lien stable, et pourtant se gargarisent de mots. Ils se retrouvent au café littéraire, à la librairie. Ils boivent. Se mentent. N’osent pas. Le élèves sont des silhouettes aperçues de loin, que l’auteur ne dessine pas avec précision. Les cours sont présentés par ellipse. Et le discours institutionnel est traité sur le mode parodique : « Alors, Robert, (….) qu’est-ce qu’on vous a appris à l’IUFM hier ? Comment mettre l’enfant au coeur du système ? Comment gérer l’hétérogénéité ? Ou alors l’art de l’interdisciplinarité ? » (p. 23).

« [A] bord de ce navire Education nationale qui prenait l’eau de toutes part, la fatigue et le découragement aidant, les tensions s’exacerbaient. (…) Et pourtant… Elle connaissait la plupart des hommes et des femmes qui s’agitaient autour d’elle. Elle les avait vus s’enthousiasmer pour les progrès étonnants d’un élève qu’on croyait à la dérive, donner leur temps sans compter afin d’organiser des voyages, des sorties ua théâtre, des séances de rattrapage. (….) Mais les ressources de leur volonté finissaient par s’épuiser tant ils se sentaient désarmés et incompris dans cette nouvelle société qui se mettait en place malgré eux, ou pire, contre eux » (p. 29).

Rarement le malaise enseignant aura été écrit de façon aussi noire. Normal, pour un polar… A moins que le filtre du roman noir agisse en révélateur ?


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