Magazine Culture

Le vent qui siffle dans les grues

Par Sylvie

PORTUGAL

Crédit photo: Jamie Linday/FlickR


Le vent qui siffle dans les grues


Editions Métailié, 2004

La lecture de Lidia Jorge m'était recommandée depuis un certain temps ; cette grande dame des lettres portugaises a obtenu de nombreux prix dans son pays et est traduite dans de nombreux pays européens.
Cette lecture a été pour moi une véritable découverte ! Romanesque à souhait, ce roman m'a fait pensé à la littérature sud-américaine, le réalisme magique en moins : description de traditions archaïques, histoires de grandes familles bourgeoises sur le déclin, imbues de leurs privilèges. Il règne sur cette histoire tragique un parfum d'archaïsme ancestral ; l'intrigue se déroule dans la région de l'Algarve, la région la plus méridionale du Portugal. L'écrivain nous décrit admirablement des paysages marins et lacustres et la faune environnante.
Au centre de l'histoire, une jeune fille, Milena, orpheline, élevée par sa grand-mère Regina, autrefois à la tête d'une fabrique de conserves de poissons qui a fait la fortune de la famille. Nous apprenons au cours du roman, de manière très subtile, que Milena est arriérée mentale. A trente ans, on dirait une jeune fille de quinze ans. La grand-mère vient de mourir en plein été et Milena se retrouve toute seule à gérer l'enterrement. Car ses oncles et ses tantes, bourgeois imbus de leurs privilèges, avocats, maire du village, chef d'entreprise, sont tous partis dans des pays étrangers. Après l'enterrement, Milena se réfugie à côté des ruines de la conserverie, là où est venue mourir sa grand-mère. ..
Et où habite une famille de cap-verdienne (grand-mère, fils et belles-filles, petits enfants) qui vit dans la bonne humeur et dans la musique. Car cette famille pauvre n'a d'yeux que pour le fils prodigue, Jacinta, le musicien à succès, parti faire une tournée mondiale. Milena se prend d'affection pour cette famille qui la recueille...Elle ne tarde pas à tomber amoureuse du bel Antonio, le grutier. Mais lorsque les oncles et tantes vont apprendre l'idylle, la bassesse et la cruauté des puissants vont s'abattre sur Milena...
La grande force de ce roman est sa grande subtilité. Lidia Jorge est réputée pour sa description d'êtres un peu sauvages, à la marge. A aucun moment, nous ne prenons Milena pour une arriérée mentale. Certes, elle a du mal à s'exprimer, elle ne voit pas le mal, elle n'est que perception, sensation et désir. Elle incarne le bon sens, l'instinct fasse aux calculs, aux ressentiments des oncles et tantes. Comme elle, la famille cap-verdienne vit dans l'instant et dans les sensations. Les plus belles pages sont sans doute celles où la tribu cap- verdienne est obnubilée par les retransmissions télévisées des concerts de Jacinta.
L'intrigue est bien sûr fondée sur les clivages de toutes sortes, d'abord sociaux et culturels mais aussi temporels. L'ancienne conserverie va devenir un terrain idéal pour la construction d'un complexe immobilier. Et lorsque Antonio et Milena vont vouloir s'unir, la bourgeoisie archaïque va mettre au point un stratagème cruel pour éviter que la bonne société ne se mêle avec une famille immigée pauvre...
Ce roman est avant tout atmosphérique. Lidia Jorge prend le temps d'installer le décors, les paysages,les personnages, le contexte. L'action vient clore l'intrigue.
Envoûtant et dérangeant.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sylvie 700 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines