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Tentative d’intégration #1 : le cours de musique bébé en anglais

Par Evainlondon

Mes trois friend dates s’étant déroulées sans anicroche (« Alors, ça fait combien de temps que tu habites à Londres ? Ton enfant est trop mignon (ben voyons) ! Il a quel âge ? Il dort bien ? etc. »), je décrète qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure : faire la connaissance de jeunes-mères-sympas-et-même-pas-forcément-françaises.

La quête de l’insaisissable amie anglaise avait constitué l’un de mes fers de lance lors de l’arrivée à Londres il y a cinq ans (gloups). Las. Introuvable la copine anglaise, introuvable elle est demeurée. La seule chose qui me rassure, c’est que je ne suis visiblement pas la seule à me heurter au mur de cordialité de la perfide Albion.

Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Car je dispose désormais d’une arme de choc ; en l’espèce, un bébé de cinq mois, MiniPrincesse. Et pour établir des occasions de côtoyer de l’Anglaise, d’innombrables possibilités s’offrent à moi. Yoga bébé, cours de cuisine, poterie, langue des signes, heure du conte, danse, chant… dès la naissance, les petits Anglais (fortunés, cela va sans dire) ont à leur disposition un programme d’une richesse comparable à la prestigieuse université à laquelle leurs parents aspirent sans nul doute pour eux.

Décontenancée par cette avalanche de propositions qui, toutes sans exception, se targuent d’être « essentielles pour le bon développement intellectuel et émotionnel de mon enfant », je jette finalement mon dévolu sur une activité musicale quelconque. Celle-ci promet de « poser les bases de l’avenir musical de mon enfant », rien de moins.

Mes ambitions à moi sont nettement plus prosaïques. Si cette demi-heure normalement facturée au prix d’un cours particulier de maths de terminale (le cours à l’essai est gratuit) peut arracher un ou deux sourires à MiniPrincesse et me permettre d’échanger quelques mots autres que « coucou caché » et « tu as bien dormi, ma petite choupinette chérie ? », ça sera déjà ça.

Mais cela ne devait pas être. Vu la tête que tirent les mères présentes lorsque MiniPrincesse et moi arrivons dans la petite salle au premier étage d’un centre de loisirs, il transparaît rapidement qu’elles seraient plus à leur place à un groupe de soutien à la dépression postnatale qu’à un groupe de musique.

Tentative d’intégration #1 : le cours de musique bébé en anglais

Un cours accueillant dans un lieu chaleureux

L’animatrice (« My name is Byony !!! »), semble en revanche avoir abusé du Prozac en cette pluvieuse après-midi.

- So, mummies !!! (Alors, les mamans !!!)

Silence consterné, ou poli, c’est au choix (ne négligeons pas la réserve britannique).

Bryony réalise qu’elle a oublié quelque chose. Ou plutôt quelqu’un. Elle s’écrie :

- So, mummies and babies !!! (Alors, les mamans et les bébés !!!)

Nouveau silence.

- Today, we’re going to have FUN !!! (Aujourd’hui, on va bien s’AMUSER !!!)

Ce qui, si vous avez bien suivi, fait pas moins de douze points d’exclamation en trente secondes, soit presque un point d’exclamation toutes les deux secondes.

Un murmure modérément enthousiaste s’élève du cercle de mamans. Les habituées – ou du moins, celles qui ont l’air de savoir ce qu’elles font là – hasardent un hésitant « Yay » à l’adresse de leur progéniture.

Et la dite progéniture, pendant ce temps ?

L’un des bébés s’assoupit dans les bras de sa mère, insensible au fait que ça fait cher la minute de sommeil. Deux bébés pleurent. MiniPrincesse, perplexe, se cramponne à moi. La bonne foi m’oblige à reconnaître que l’humeur des « habitués » varie au moins de neutre à plutôt souriante. C’est peut-être parce qu’eux ne s’effraient plus des hurlements de Bryony.

Au cours des 23 minutes qui suivent, il est beaucoup question d’un singe très joueur (« Where’s monkey ? »), d’une comptine anglaise à laquelle je ne comprends rien à part que Bryony veut que les mummies se lèvent à intervalles réguliers (hmmph) et de percussions sur lesquelles notre chère animatrice, momentanément contrariée (je crois même l’entendre jurer), ne parviendra jamais à remettre la main.

- Alors, ça vous a plu ? Souhaitez-vous vous inscrire pour le trimestre ? me lance Bryony à la fin du cours.

Je cogite deux secondes et demie. MiniPrincesse n’a pas esquissé la moindre ébauche de sourire, je n’ai pas osé adresser la parole aux mères brésiliennes, polonaises et américaines présentes (pas l’ombre d’une Anglaise) et estime avoir eu de la chance de ne pas subir de perte auditive après 30 minutes de Bryony.

De deux choses l’une : soit cette femme ne doute de rien, soit elle n’a pas remarqué que MiniPrincesse et moi aurions préféré être chez le dentiste plutôt qu’ici.

J’arrive néanmoins à faire preuve d’une courtoisie toute britannique afin d’éluder la première question pour répondre à la deuxième sans pouffer de rire :

- Je vais réfléchir, merci.

Finalement, pour un bébé de cinq mois, chantonner Frère Jacques à la maison (même faux) c’est très bien aussi.


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