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[anthologie permanente] Thérèse Aubray

Par Florence Trocmé

 
Phénix 
J'invente, j'accomplis et je replante en toi 
L'arbre à feu de la terre  
L'arbre à sang, le rampant, le dur éclabousseur  
Crachant sa fleur de pourpre au visage indolent  
Qui veut se croire sage. 
Je suis au cœur de toi tous les vents éveillés 
Tous les songes privés de leurs feuilles de songe 
Et qui vont naître. 
Tes bras s'ouvrent, bel arbre de ma création ! 
Quelle vie inventer, à mesure inhumaine 
Où niche l'oiseau feu, à lui-même attaché 
Qui de lui-même, incendieur d'été. 
Reprends ma quête interrompue 
Et sur chaque visage où saigne ma blessure 
Bois la force qui te fera recommencer.  
 
 
Délivrance 
L’Étoile sur le ciel palpite et te fait signe 
Avance !  
Derrière tout est blanc comme avant ta naissance 
Et tu es pure, à toi-même apparue et renoncée. 
Tu enfantes le mythe dont tu peux mourir 
Et qui lui-même t'a portée, 
Amour. 
Longe la source au cœur troué 
D'où s'élève un visage 
Fier de la mort qu'il porte en lui 
Et qui sur toi rayonne, 
Soleil écartelé aux quatre membres de l'été, 
Figure d'enfant roi qui de la nuit surgie 
Te ramène à la nuit. 
La courbe est douce de son feu au feu du monde 
Où tu parviens 
Fais l'amour avec son amour 
Pour que naisse une flamme neuve 
Lécheuse de tourments nouveaux. 
Transforme sa matière en songe pour tes songes 
Ouvre ton corps à la menace suspendue 
Autour de ceux qui savent et qui s'abandonnent... 
Mourir c'est limiter, tu ne veux que passer plus loin. 
 
La Scène capitale 
L'archange aux cheveux noirs fils de la foudre 
Et de la terre aux germes saccagés.  
 
Il est ce tremblement qui gêne l'évidence 
Le chemin qui s'invente à tous les pas 
Et qu'on oublie, 
Les gestes faits dans le sommeil ou dans l'amour 
Humble récognition des signes rois 
Érigés à l'entour du visage choisi 
Pour être le témoin de choses défendues 
A chaque fois perdues 
Et qui déchirent l'avenir. 
Éblouissant visage nu ! 
Il apparaît lorsque se forme ou bien se perd 
L'échange de ta nuit avec ma nuit 
Le choc : Passage de la foudre —  
 
Mort.   
 
 
Thérèse Aubray, trois premiers poèmes de la section inaugurale, « Métamorphoses », de Défense de la terre — Battements III (GLM, 1937, préface de Léon-Paul Fargue).    
 
bio-bibliographie de Thérèse Aubray 

[choix de Jean-Paul Louis-Lambert]


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