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"Syrie-Les hirondelles crient" de Jo(sette) Pellet

Publié le 25 février 2014 par Francisrichard @francisrichard

Lors d'une récente soirée organisée par l'Association Vaudoise des Ecrivains, j'ai écouté des haïkus lus par Jo(sette) Pellet et Yvette Théraulaz. Cette lecture émouvante m'a donné envie d'en lire le recueil illustré avec des encres de Patrice Duret.

Les haïkus? Des poèmes très courts, de trois vers, d'origine japonaise. En principe de cinq, sept et cinq syllabes, par analogie avec la composition nipponne. Mais il est précisé sur la couverture du recueil qu'il contient aussi bien des senryûs - le senryû est une variante du haïku - que d'autres tercets.

Jo Pellet m'a prévenu d'ailleurs ce soir-là que ses tercets ne respectaient pas toujours la règle des dix-sept. Aussi la meilleure attitude pour apprécier ces différentes formes de tercets est-elle de laisser libre cours aux sensations que les mots prononcés procurent: leurs sons, bien sûr, mais aussi les images qu'ils permettent de visualiser.

Comme les haïkus ou tercets sont des poèmes très courts, il est d'usage de les lire deux fois pour mieux s'en pénétrer. Deux fois ne sont effectivement pas de trop...

Jo Pellet s'est rendue trois fois en Syrie, la première fois en juillet 2007, la dernière au printemps 2010, donc avant que l'insurrection puis la guerre civile ne se déclenchent. Délibérément elle a mis en vis-à-vis des poèmes du temps de paix, inspirés des lieux et des êtres humains visités, et des poèmes du temps de guerre, inspirés de news recueillies sur la situation actuelle du pays.

A partir de cette lecture double, aussi bien par le regard que par la répétition, l'auditeur de ces poèmes en vient très naturellement à partager l'amour que porte l'auteur à la population syrienne, et à être habité, comme elle, par davantage de questions que de certitudes. Il n'est qu'une certitude, toutefois, et, dans sa préface, Serge Tomé l'exprime très bien quand il dit que Jo Pellet a choisi son camp, celui des civils

Composer des poèmes aussi courts relève de la gageure. Il faut vraiment en peu de mots exprimer quelque chose et cela ne peut qu'être simplement dense pour être réussi. C'est donc tout un art, qui suppose beaucoup de courage de la part de celui qui s'y aventure, car le risque est grand de ne pas créer de sensations.

Quelques exemples seront certainement plus éloquents que toute démonstration pour donner envie de faire connaissance avec les courts poèmes de Jo Pellet. J'ai donc choisi pour illustrer mon propos, en recommandant au lecteur de les lire deux fois à voix haute pour les mieux savourer, de citer trois de ces poèmes du temps de paix qui m'ont parlé:

Rejetant mon aide

il tâtonne avec sa canne

entre les klaxons

La mère voilée

les filles en cheveux -

déroutés les garçons

Elle ravissante

lui plutôt vieux et balourd -

amour ou tradition?

Et trois du temps de guerre qui m'ont fait frémir:

Amputé des deux jambes

suppliant qu'on les lui rende -

cris désespérés

Un Mig volant bas

bombarde la ville -

qui va mourir aujourd'hui?

D'une dictature

à plus rien du tout -

rien que des décombres

Francis Richard

Syrie - Les hirondelles crient, Jo(sette) Pellet, 96 pages, Editions Unicité


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