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Saumon noir.

Publié le 26 février 2014 par Ziril

SAUMON NOIR.Cette usine qui « fabrique » toutes sortes de poissons fumés, dans ce coin sinistre de Brooklyn, est une vraie mine d’or où je fais la queue avec des dizaines d’aficionados, tous les vendredis matin, seul jour d’ouverture au grand public.

Et ce matin, malgré le froid polaire et les montagnes de neige qui rendaient l’utilisation des trottoirs hasardeuse, j’y courrais presque à ce rendez-vous du vendredi matin.

Il faut dire que ces poissons fumés sont tellement bons et que j’y suis tellement accroché comme un vieux fumeur d’opium que de manquer un vendredi matin relève de pure inconscience.

J’en mangerai tous les jours, de ces poissons. Les nuit également. Et entre les deux aussi !

SAUMON NOIR.

Et ce matin, la queue d’attente était longue et le froid paralysant. La musique de fond sortant péniblement de vieux hauts parleurs crachotants, ne faisait malheureusement pas grand-chose pour rendre l’attente acceptable. Devant moi, bien sagement en ligne, attendant leur tour, se tenait un vieux couple d’Africains -Américains. Lui, moustache blanche presque raide gelée,  les épaules enfoncées dans un énorme anorak. Les paupières lourdes, à moitié closes, donnaient l’illusion que ce gars là allait hiberner une fois rentré chez lui .

Sa compagne, une petite boulotte, dissimulait ses yeux derrière d’épaisses lunettes à double foyer et sous son gros bonnet de laine émergeait une chevelure blanche en désordre.

Je m’aperçus rapidement que l’hibernation, pour elle, ne faisait pas parti du futur proche. La musique de fond maintenant, ressemblait vaguement à un vieux tube de rythm’n blues et la vieille dame commençait à bouger imperceptiblement son corps d’avant en arrière. Puis, sa tête se mit à tourner de droite à gauche au rythme du tempo et elle se mit à bougonner pour elle seule des phrases qui devaient être sûrement  les paroles de la chanson.

Et alors, tout s’accéléra. Le corps de la vieille dame se mit à bouger comme peuvent le faire celui de certaines illuminées entrant en transe… Elle ne put bien longtemps garder le chant pour elle toute seule et se mit en faire profiter tous les gens de la salle.

Et ce fut magnifique. «  YOU MAKE ME CRAZY ! » hurlait la nouvelle star.

Enfoncé le Carnegie Hall, le Cotton club ou l’Apollo . Tout ce miracle gratuit pour nous et soudainement il fit doux et tiède dans cette grande salle et je n’avais plus les pieds gelés et tout le monde avait le sourire aux lèvres et on entendait des : «YEAHH! » des «GO FOR IT, LADY ».

Son mari la dévisageait, la nouvelle Nina Simone avec des yeux d’amoureux comme on en voit qu’au cinéma ; Spencer Tracy découvrant de nouveau Katharine Hepburn dans un film imaginaire.

SAUMON NOIR.

Ah! que c’était beau les vieux jeunes !

Ce midi, le saumon avec un goût nouveau. Mélange de fumée de hêtre et de Gospel.

La magie de Brooklyn (putain de pays ), avait encore opérée.

SAUMON NOIR.


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