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La nuit nous appartient

Publié le 13 mai 2008 par Scopes
Michelle et Barack Obama (J. M. Lange, The New York Times)


Hillary Clinton a remporté ce soir une éclatante victoire dans l'État de Virginie Occidentale, et les sondages lui donnent une avance décisive dans celle à venir au Kentucky, deux États à dominante rurale et subissant les affres de la post-industrialisation. Pourtant, chez les experts et les journalistes, les commentateurs et les blogueurs, les jeux semblent faits: tous s'accordent sur le nom du futur nominé démocrate et désignent d'une seule voix Barack Obama.
Ce dernier est triomphant depuis quelques jours. Les média le traitent en vainqueur et en oublient presque que les primaires, officiellement, se poursuivent ; un flot continu de superdélégués s'est décidé à le soutenir publiquement ; il a retrouvé son verbe et son sourire, et un certain entrain qu'il semblait avoir perdu à la suite de sa défaite en Pennsylvanie. Dans le camp d'en face, l'équipe de campagne d'Hillary fait grise mine, et certains admettent à mots couverts que la bataille est désormais perdue, et que les moulins à vent du Kentucky n'arrêteront plus le momentum d'Obama.
Pourtant, il y a une semaine encore, à la veille de la double primaire des Etats de Caroline du Nord et de l'Indiana, les média (InBlogWeTrust inclus) s'enthousiasmaient devant l'infatigable combativité d'Hillary et interrogeaient sur la capacité de Barack Obama à surmonter un si formidable adversaire. Personne n'osait s'avancer sur le sort électoral de l'Indiana et même la Caroline du Nord, fief obamiste, semblait menacée.
En eux-mêmes, les résultats des primaires furent conformes aux prévisions et n'auraient pas du modifier le discours médiatique: la Caroline pour Obama, l'Indiana pour Clinton. Et pourtant, dès le lendemain, tous annonçaient la victoire inéluctable de Barack Obama, et la fin de facto de l'aventure Clinton. C'est que, en une heure la veille, de 0:30 à 1:30 exactement, tout avait basculé. Sans perdre, Hillary était battue.
Les journalistes attendaient fébriles les résultats de l'Indiana, État que l'on croyait acquis à Hillary mais où un petit comté du Nord-Est tardait à rendre public ses résultats, la faute à une procédure électorale défaillante et à un décompte des voix plus long que prévu. Le Lake County (lointaine banlieue de Chicago, très industrialisé et à forte proportion noire) tenait le pays en haleine. A lui seul, il pouvait faire basculer l’Indiana dans l’escarcelle d’Obama. Les résultats sont finalement tombés à 1 :30 du matin. Hillary l’emportait au final, mais le mal était fait. Voyant que l’Indiana résistait aux Clinton plus longtemps que prévu, ennuyés par une attente qu’ils n’avaient pas anticipée (c’est qu’il faut bien meubler l’antenne), les commentateurs des diverses chaînes de TV ont comme un seul homme renversés leurs analyses. Le combat d’Hillary, de noble et courageux, est devenu vain et dangereux. Obama, présenté comme en difficulté quelques heures auparavant seulement, posait en triomphateur.
A 1 :30 du matin ce mardi, Hillary a perdu la course – médiatique – à la présidentielle. Sentant le vent tourner, les superdélégués ont suivi. Si même Karl Rove (néo-analyste sur Fox TV) la donne perdante, autant miser sur le bon cheval (ce qu’elle n’avait pas su faire une semaine auparavant). Une réaction en chaîne s’ensuivit (les superdélégués favorisent Obama, donc voient en lui un meilleur candidat, renforçant de ce fait le nouveau paradigme médiatique et la descente aux Enfers d’Hillary).
L'information ne s'arrêtant jamais dans cette campagne au rythme dicté par CNN, Fox News et MSNBC, la nuit appartient aux journalistes. Peut-être lassés par une soirée qui n'en finissait pas, ils ont prononcé leur verdict. Et qui sait : si les résultats avaient été connus une ou deux heures auparavant, ce dernier aurait pu être bien différent…
Scopes

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