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Etre cardinal dans l’Eglise catholique

Publié le 01 mars 2014 par Vindex @BloggActualite
Etre cardinal dans l’Eglise catholique-Ornement extérieur de l'écu d'un cardinal-
   Le 22 février dernier, en la fête liturgique de la Chaire de Saint-Pierre, Apôtre, le Pape François, en sa qualité d’évêque de Rome et de Souverain Pontife de l’Eglise catholique apostolique et romaine, a créé 19 nouveaux cardinaux en la basilique Saint-Pierre à Rome. La date retenue pour ce consistoire[1]est loin d’être anodine : la Chaire de Saint-Pierre nous rappelle justement que le Pape l’est du fait de la succession apostolique[2] ; de plus, le consistoire a été réuni à un moment où les cardinaux étaient présents dans la Ville Eternelle pour le synode sur la famille, synode que le Pape François a lui-même présidé. Des cardinaux qui entourent le Saint-Père, nous n’avons souvent qu’une vision partielle, voire même faussée : quantité de stéréotypes circulent en effet à propos de ceux que l’on nommait auparavant les « princes de l’Eglise ». Cependant, le cardinalat, comme l’a rappelé le Pape François lui-même dans la lettre qu’il a récemment adressé aux nouveaux cardinaux, « ne représente pas une promotion, ni un honneur, ni une décoration », comme beaucoup de gens se le représentent souvent. C’est au contraire, affirme le souverain pontife, « un service qui exige d’étendre son regard et d’élargir son cœur ». Dans cette citation, un mot est très important : il s’agit du mot « service ». Comme pour l’épiscopat (dont nous avons déjà parlé dans un précédent article), le cardinalat est un « service » : service de Dieu avant tout, service de l’Eglise en tant qu’elle constitue le Peuple de Dieu sur la terre, service de tous les frères en humanité. Ce triple service qu’exige le cardinalat, ou tout autre ministère ecclésiastique, s’enracine dans l’amour profond de Dieu en Jésus-Christ pour l’humanité tout entière : le cardinal, l’évêque, le prêtre, le laïc… doit servir et aimer comme Jésus, en imitant la voie de l’abaissement et de l’humilité choisie par le Christ, Lui qui a pris la condition de serviteur (Ph 2, 5-8).    Voilà une façon de présenter le cardinalat qui diffère de ce que l’on peut habituellement penser, ou entendre ici ou là. Mais au fait, qu’est-ce vraiment qu’être cardinal ? Quel rôle les cardinaux jouent-ils dans l’Eglise ? A-t-on réellement besoin d’eux, ou est-ce une « invention » purement humaine qui ne se justifie par aucun fondement théologique ?

Cardinal : aux origines de la fonction

   Le cardinalat est avant tout une fonction ecclésiastique, et non un état : le cardinal, dans son état de vie, est prêtre, comme le Pape et comme l’évêque du reste. Cependant, les cardinaux jouent le rôle de « principaux conseillers » du Pape, comme l’indique l’étymologie même du mot « cardinal » : ce dernier vient du Latin cardinalis qui signifie « principal ». Le Pape lui-même choisit les clercs qu’il souhaite créer cardinaux pour le conseiller, l’assister dans sa mission d’évêque de Rome et de pasteur de l’Eglise universelle. L’ensemble des cardinaux constituent ce qu’on nomme le « Sacré Collège » ou « Collège des cardinaux ». Le titre précis est Sanctae Romanea Ecclesiae cardinalis (cardinal de la Sainte Eglise romaine), et on dit N. cardinal N. : par exemple André Cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.    A l’origine, le cardinalat n’est pas une fonction ecclésiastique. En effet, déjà dans l’Empire romain, à partir de la 2ème moitié du IVème siècle, le titre de cardinalis sert à désigner certains hauts fonctionnaires impériaux ou des généraux, ces personnes remplissant les principales charges de l’Empire. Comme d’autres éléments spécifiquement romains, le mot a été christianisé : c’est aussi le cas du mot « diocèse » qui à l’origine était utilisé pour désigner une subdivision géographique du territoire de l’Empire romain durant l’Antiquité tardive.

   Peu à peu, le mot « cardinal » en est venu à désigner les membres du clergé de la ville de Rome. Les cardinaux, prêtres et diacres, sont à l’origine les titulaires des églises particulières de la ville de Rome, alors que les cardinaux-évêques sont les titulaires des églises voisines de la ville. Là se trouve le fondement de la division du corps des cardinaux, le Sacré Collège, en trois ordres : l’ordre des cardinaux-évêques ; l’ordre des cardinaux-prêtres ; l’ordre des cardinaux-diacres. Cette distinction, soulignons-le, ne correspond nullement à leur degré dans la cléricature, mais plutôt à l’église de la ville de Rome qui leur est attribuée en tant que membre du clergé romain. Par exemple, l’église Saint-Louis des Français à Rome est toujours assignée au cardinal-archevêque de Paris. Or, cette église correspond à un siège de cardinal-évêque. Ainsi, le cardinal-archevêque de Paris appartient donc à l’ordre des cardinaux-évêques.   Comme membres du clergé de la ville de Rome, les cardinaux étaient donc, dès les premiers siècles de l’Eglise, les clercs vivant tous à proximité du Pape : ils jouaient donc le rôle de « conseiller naturel », justement de par leur proximité géographique. De plus, du fait même de leur appartenance au clergé de la ville, les cardinaux procédaient à l’élection de leur évêque, l’évêque de Rome, que la vox populi devait confirmer par acclamation. Or, à partir du pontificat du Pape Nicolas II (1058-1061), le rôle des cardinaux commence progressivement à se préciser au sein de l’Eglise catholique latine. En 1059, le Pape Nicolas II définit plus précisément leur statut et leur accorde un rang supérieur aux autres évêques. En outre, il précise leur rôle dans le processus d’élection du souverain pontife. En effet, au milieu du XIème siècle, la Papauté connaît de graves difficultés : le Pape n’est plus réellement élu par les membres du clergé romain et, le Saint-Siège est dominé par les grandes familles de l’aristocratie romaine. A la suite d’une grave crise dans une nomination pontificale en 1040, l’empereur germanique intervient et en profite pour imposer son pouvoir dans la péninsule italienne. Peu à peu, l’empereur en vient à contrôle totalement l’élection du Pape. En plein contexte de réforme grégorienne[3], cette situation ne satisfait guère les réformateurs qui souhaitent que le pouvoir temporel n’intervienne plus dans les affaires spirituelles. Voilà pourquoi, en 1059, le Pape Nicolas II décide d’un nouveau mode d’élection du souverain pontife : désormais, celui-ci sera uniquement élu par les cardinaux-évêques réunis en conclave. Pourquoi Nicolas II porte-t-il son choix sur l’ordre des cardinaux-évêques ? Sans doute pour deux raisons : ce groupe est celui qui, à l’époque, contient le plus de réformateurs ; les cardinaux-évêques sont les titulaires des églises voisines de Rome, et leur éloignement géographique du centre de la ville fait d’eux des personnages moins sujets aux manœuvres des familles romaines. Environ un siècle plus tard, en 1179, sous le pontificat d’Alexandre III, à l’occasion du Concile Latran III, le Pape fait adopter la règle, encore en vigueur, de la majorité des deux tiers pour l’élection papale. A cette époque, ce ne sont plus seulement les cardinaux-évêques qui élisent le Pape, mais tous les cardinaux. Ces derniers, de plus en plus, ne résident plus forcément à Rome, mais sont membres de facto du clergé romain.   Au cours des XIVème et XVème siècles, les cardinaux sont considérés comme les représentants auprès du Pape de l’Eglise catholique, c’est-à-dire universelle, habilités à apporter leur consentement aux actes pontificaux majeurs. Un théologien du XVème siècle écrit à leur sujet : « c’est avec le conseil et l’assentiment des cardinaux que le souverain pontife conduit, organise et gouverne l’Eglise universelle ». Néanmoins, le Pape, qui consulte les cardinaux, n’est pas lié par leur consentement. Il les associe pourtant, et notamment durant la période post-tridentine[4], aux décisions les plus importantes qu’il prend, en réunissant un « consistoire ». C’est également à l’occasion d’un consistoire que le Pape créé les nouveaux cardinaux, comme celui que nous avons vécu le samedi 22 février dernier.

Le « Sacré Collège » aujourd’hui

   Depuis 1917, le cardinalat est « réservé » aux prêtres, c’est-à-dire qu’il convient absolument d’être prêtre pour être créé cardinal, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. De plus, depuis 1962, tous les cardinaux sont consacrés évêques s’ils ne l’étaient pas avant, sauf dispense spéciale du Pape. Le nouveau code de droit canonique, paru en 1983, reprend cette mesure.Ainsi, la grande majorité des cardinaux sont aujourd’hui des évêques. La dignité cardinalice fait d’eux des hommes qui ne doivent pas craindre de confesser leur foi jusqu’à la mort, d’où la couleur qui leur est réservée : le rouge ou « pourpre cardinalice ». Cette couleur, qui rappelle le sang des martyrs, signifie bien que les cardinaux doivent avant tout être des témoins du Christ mort et ressuscité pour le Salut du monde. La présence de ces martyrs « en puissance » auprès du Saint-Père est censée vivifier le gouvernement de l’Eglise, tout comme, selon l’expression consacrée, « le sang des martyrs est pépinière de chrétiens ». Outre la couleur rouge qui distingue les cardinaux, ceux-ci sont aussi reconnaissables à leur barrette (également de couleur rouge), qui leur est imposée le jour du consistoire, ainsi qu’à leur anneau. Comme évêques, ils revêtent bien évidemment les insignes épiscopaux (mitre et crosse). Sur les armoiries des cardinaux, on retrouve le célèbre galero, ancien chapeau cardinalice duquel pendaient des houpes de chaque côté, et qui a été officiellement supprimé au moment de la réforme liturgique issue du Concile Vatican II.    Il importe de faire attention au vocabulaire ! On dit que le Pape « créé » des cardinaux : ce terme de « création » est issu du droit romain, il entend signifier que la dignité émane de la personne et ne vise en aucun cas à pourvoir une fonction vacante. Au XVIème siècle, le Pape Sixte-Quint avait fixé à 70 le nombre de cardinaux, à l’instar des anciens dont Moïse avait fait choix pour l’aider dans le gouvernement du Peuple d’Israël[5]. C’est ce même Pape qui précisa la répartition des cardinaux entre les trois ordres : 6 cardinaux-évêques ; 56 cardinaux-prêtres ; 14 cardinaux-diacres. Le nombre de cardinaux a varié au cours de l’Histoire, et au XXème siècle, on a observé une augmentation du nombre des cardinaux, et surtout une diversification de leur provenance géographique. Sous les pontificats de Paul VI et de Jean-Paul II, le « Collège des cardinaux » s’est véritablement internationalisé. Les Papes Benoît XVI et François, en ce début de XXIème siècle, ont confirmé cette tendance, en créant cardinaux de nombreux non-Européens. Aujourd’hui, le nombre de cardinaux approche les 200, dont 135 sont électeurs (c’est-à-dire qu’ils ont moins de 80 ans et peuvent donc participer à l’élection du Saint-Père).    Tous les cardinaux ne vivent pas forcément à Rome. Les cardinaux de Curie, qui eux travaillent au Vatican, sont les collaborateurs privilégiés du Pape et président aux affaires de l’Eglise de manière quotidienne. Ils ont la main sur les différents « ministères »[6]qui constituent le gouvernement de l’Eglise catholique et, dans chaque ministère, ils travaillent en lien avec des évêques, des prêtres, des religieux/religieuses ou encore avec des laïcs. Chaque « ministère » a son cardinal. C’est ainsi que durant de nombreuses années, Joseph Ratzinger a été connu comme étant préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi : son rôle était de veiller à l’orthodoxie de la foi catholique dans le monde. Le Pape, surtout dans le monde d’aujourd’hui, est obligé de travailler en collaboration avec les cardinaux, qui souvent apportent la richesse de leur vision d’Eglise. Originaires d’endroits différents sur la planète, ils permettent de renseigner le Saint-Père sur les différentes manières de vivre l’Eglise au sein des différents continents. Parfois, le Pape a besoin de réunir tous les cardinaux présents à Rome pour prendre une décision, ou leur en communiquer une importante : il rassemble alors le consistoire. C’est par exemple en consistoire que le Pape émérite Benoît XVI a annoncé sa démission historique, le 11 février 2013, en la mémoire liturgique de Notre-Dame de Lourdes. En d’autres occasions, le souverain pontife peut convoquer tous les cardinaux, y compris ceux qui ne travaillent pas habituellement à la Curie romaine : c’est notamment ce qu’a récemment fait le Pape François à l’occasion du synode sur la famille. Enfin, parmi tous les cardinaux, le Pape se choisit un secrétaire d’Etat (sorte de Premier ministre), avec qui il choisit de travailler en collaboration rapprochée. Le Pape François a créé cardinal le secrétaire d’Etat qu’il s’est choisi. Mais la grande tâche des cardinaux est bien évidemment d’élire le Pape lors du conclave.

« Un service qui exige d’étendre son regard et d’élargir son cœur » (Pape François)

   J’aimerais à présent revenir rapidement sur cette belle phrase que le Pape François a adressée aux nouveaux cardinaux qu’il a créés le 22 février dernier. D’après lui, le cardinalat est avant tout « un service qui exige d’étendre son regard et d’élargir son cœur ». Soyons réalistes, cette phrase dénote, tant durant de nombreux siècles, les cardinaux ont vécu tel de grands prélats, avides de puissance, de richesses et de pouvoirs. Et même encore aujourd’hui, il peut exister, parfois, au sein même de la Curie, des luttes d’influence plus ou moins importantes. Il n’en demeure pas moins que le Saint-Père invite ses conseillers dans le gouvernement de l’Eglise à adopter une attitude d’humilité, d’amour et de miséricorde. En bref, il leur demande de tendre à la sainteté, comme tout chrétien du reste, en imitant le Christ Lui-même dans Sa vie terrestre, Lui qui n’a pas craint de s’abaisser par amour pour notre humanité. Beau programme en perspective, mais ô combien difficile à réaliser pour les pauvres pécheurs que sont les cardinaux, hommes parmi les hommes. Aussi, pour y parvenir, le Saint-Père leur donne une indication : « Et bien que cela semble paradoxal, on ne peut regarder plus loin et aimer plus universellement, avec une plus grande intensité, qu’en suivant la même voie que le Seigneur : la voie de l’abaissement et de l’humilité, en prenant la condition de serviteur ». En clair, cette indication est la suivante : pour tendre à la sainteté, il s’agit d’aimer et de servir COMME Jésus.   Etre cardinal, c’est d’abord savoir « étendre son regard ». Nous pourrions interpréter cette phrase de diverses manières. Etendre son regard, c’est d’abord savoir prendre le recul nécessaire pour adopter un point de vue plus ample, plus universel : c’est bien là le rôle des cardinaux, c’est-à-dire de considérer l’Eglise dans sa dimension mondiale, et pas simplement dans la réalité locale que chacun d’entre eux connaît. Le regard d’un cardinal doit pouvoir embrasser le monde comme création de Dieu, lieu où les Hommes sont en pèlerinage. La diversité des membres du Collège cardinalice est de ce point de vue précis une grande richesse dans le gouvernement de l’Eglise. Mais, « étendre son regard », c’est aussi et surtout savoir regarder plus loin, au-delà même des apparences et des premières impressions. Le cardinal est appelé à avoir sur chaque être humain un regard d’amour et de miséricorde, semblable au regard même de Jésus durant Son ministère public. Cet appel se fait d’autant plus pressant qu’il s’adresse à un homme placé par Dieu à de hautes responsabilités dans Son Eglise. En quelque sorte, nous pourrions dire qu’à l’exemple des saints, le cardinal est appelé à devenir un véritable modèle. A l’occasion de la messe avec les nouveaux cardinaux, dimanche 23 février, le Pape François a d’ailleurs fortement insisté sur la notion de « sainteté », citant un passage de la Sainte Ecriture : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis Saint » (Lv 19,2). Et de rappeler également les paroles prononcées par Jésus dans l’évangile du jour : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48).    Cette attitude de sainteté en appelle une seconde : celle-ci consiste à « élargir son cœur ». Le Pape François a en effet invité ses frères cardinaux à ouvrir grand leur cœur, c’est-à-dire à manifester leur amour envers le monde et envers les Hommes. Cet amour doit être total, à l’image de l’amour christique. « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5,43-44) : voilà un bel exemple de l’amour dont un cardinal doit faire preuve… Et le Saint-Père de poursuivre avec ces quelques magnifiques phrases « A celui qui veut le suivre, Jésus demande d’aimer celui que ne le mérite pas, sans contrepartie, pour combler les vides d’amour qu’il y a dans les cœurs, dans les relations humaines, dans les familles, dans les communautés et dans le monde. Frères Cardinaux, Jésus n’est pas venu pour nous enseigner les bonnes manières, des manières de salon ! Pour cela il n’y avait pas besoin qu’il descende du ciel et meure sur la Croix. Le Christ est venu pour nous sauver, pour nous montrer le chemin, l’unique chemin de sortie des sables mouvants du péché, et ce chemin de sainteté c’est la miséricorde, chemin qu’il a fait et qu’il fait avec nous chaque jour. Être saints n’est pas un luxe, c’est nécessaire pour le salut du monde. C’est ce que le Seigneur nous demande. ».

   Si le cardinalat, contrairement au ministère épiscopal, ne plonge nullement ses racines dans la Bible, il les trouve néanmoins dans la Tradition de l’Eglise, un des trois piliers sur lesquels repose la foi catholique (Ecriture, Tradition, Magistère). Dès les premiers temps de la Papauté, les cardinaux, en tant que membres du clergé romain, ont été les conseillers naturels et privilégiés du Saint-Père. Aujourd’hui encore, les cardinaux demeurent les conseillers du Pape et, leur rôle est primordial dans le gouvernement de l’Eglise catholique. C’est notamment parmi les cardinaux que le souverain pontife choisit son secrétaire d’Etat et les préfets des différentes congrégations romaines (ou alors, les ecclésiastiques choisis sont créés cardinaux, comme ce fut le cas lors du dernier consistoire). Malheureusement, on observe de nos jours un véritable « décalage » entre la société moderne et ce que cette dernière considère comme étant un sénat d’ « hommes hors du temps »[7]. Au sein d’un monde en perpétuel mouvement, les cardinaux apparaissent comme étant des hommes du passé, dont le simple effet serait de freiner le mouvement inéluctable du progrès. De plus, le témoignage de l’Histoire est bien peu flatteur pour les « princes de l’Eglise », dont certains il est vrai ont davantage été des hommes politiques que des ecclésiastiques zélés. Cependant, les rappels à l’ordre successifs des deux derniers Pape ont contribués à renouveler en profondeur notre vision de ce qu’est qu’être cardinal de l’Eglise romaine aujourd’hui. Comme l’a indiqué le Pape François, le cardinal doit avant tout être un missionnaire zélé de l’Evangile, témoignant sans cesse de sa foi en Jésus-Christ. La couleur rouge, en référence au sang des martyrs, nous rappelle que le témoignage est inhérent à la fonction de cardinal. Le cardinal doit aussi être un saint, dont l’oblation totale est révélatrice de son amour pour Dieu, l’Eglise et l’humanité. Le cardinal doit également être docile aux appels de l’Esprit-Saint : « Laissons-nous toujours guider par l’Esprit du Christ, qui s’est sacrifié lui-même sur la croix, pour que nous puissions être des “canaux” par lesquels s’écoule sa charité. C’est l’attitude, ce doit être la conduite d’un Cardinal. ».
Je vous propose à présent d’achever cet article en citant les dernières paroles prononcées par le Pape lors de son homélie de dimanche dernier : puissions-nous faire nôtres ces parole pleines de sagesse, et qui ont l’avantage de nous offrir une puissante méditation sur la fonction cardinalice telle qu’elle devrait être vécue en ce début de XXIème siècle.« Le Cardinal – je le dis spécialement à vous ‑ entre dans l’Église de Rome, frères, il n’entre pas dans une cour. Tous évitons et entraidons-nous pour éviter des habitudes et des comportements de cour : intrigues, bavardages, cercles, favoritismes, préférences. (…) L’Esprit Saint nous parle aujourd’hui aussi à travers les paroles de saint Paul : « Vous êtes le temple de Dieu… le temple de Dieu est sacré, et ce temple c’est vous » (1 Co 3, 16-17). Dans ce temple, que nous sommes, se célèbre une liturgie existentielle : celle de la bonté, du pardon, du service, en un mot, la liturgie de l’amour. Notre temple est comme profané si nous négligeons nos devoirs envers le prochain. Quand dans notre cœur le plus petit de nos frères trouve place, c’est Dieu lui-même qui y trouve place. Quand ce frère est laissé dehors, c’est Dieu lui-même qui n’est pas accueilli. Un cœur vide d’amour est comme une église désaffectée, soustraite au service divin et destinée à un autre. Chers frères Cardinaux, restons unis dans le Christ et entre nous ! Je vous demande de me demeurer proche, par la prière, le conseil, la collaboration. Et vous tous, évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées et laïcs, unissez-vous dans l’invocation de l’Esprit Saint, afin que le Collège des Cardinaux soit toujours plus ardent de charité pastorale, davantage rempli de sainteté, pour servir l’Évangile et aider l’Église à rayonner l’amour du Christ dans le monde. »

Emmanuel ECKER.
Sources :
Sous la direction de Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF, Paris, 1996.
Des cardinaux, pour quoi faire ?, in L’homme nouveau, n°1560, Samedi 15 février 2014, p. 11.
Lettre du Pape François aux nouveaux cardinaux, datée du 16 janvier 2014.
Wikipédia.



[1] Un consistoire est une réunion de cardinaux autour de la personne du Saint-Père.[2] Le Pape est considéré comme le successeur de l’apôtre Pierre, à qui Jésus à dit dans l’évangile « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (Mt 16,18).[3]  La réforme grégorienne est un mouvement, long de plusieurs siècles (XIème siècle – XIIIème siècle), de réforme de l’Eglise, et qui vise notamment à bien séparer le monde des clercs du monde des laïcs.[4] Période post-tridentine : période se situant après le Concile de Trente (1545-1563).[5]  cf livre de l’Exode[6] Au Vatican, on ne parle pas de « ministères », mais de « dicastères » et de « congrégations ».[7] Des cardinaux, pour quoi faire ?, in L’homme nouveau, n°1560, Samedi 15 février 2014, p. 11.

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