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Les racines du ciel - La philosophie comme art de vivre avec André Comte-Sponville

Par Plumesolidaire

Les Racines du ciel – Dimanche 26 janvier  2014

La philosophie comme art de vivre – André Comte-Sponville

Montaigne : « Si je peux être savant du savoir d’autrui, 
du moins sage ne puis être que de ma propre sagesse »

      

 Retranscription des idées développées

  • André Comte-Sponville contribué à populariser la philosophie comme art de vivre - A forgé l’idée désormais acquise de la possibilité d’une spiritualité laïque
     
  • Philosopher c’est penser sa vie et vivre sa pensée malgré l’écart irréductible entre les deux
     
  • La philosophie n’est pas la sagesse - La sagesse est le but, la philosophie le chemin
     
  • La philosophie aide à penser bien pour vivre mieux, et ce qui nous conduit à la sagesse c’est d’avoir un maximum de lucidité et de raison dans notre vie (Frédéric Lenoir)
     
  • Les stoïciens disaient "si tu veux avancer il faut savoir où tu vas".
     
  • La sagesse est exactement le contraire de la sottise et de l’illusion qui rendent malheureux
     
  • Penser mieux pour vivre mieux
     
  • Un certain rapport à la vérité peut nous aider à être heureux
     
  • La sagesse c’est le maximum de bonheur dans le maximum de lucidité (Comte-Sponv.)
     
  • Pas un bonheur obtenu à coup de drogue…ou d’illusion. C’est le bonheur dans la vérité (Saint Augustin et Spinoza)
     
  • On ne connaît jamais toute la vérité mais on en connaît toutefois assez pour distinguer clairement entre la sincérité et le mensonge, entre la lucidité et l’illusion
     
  • Etre un peu plus lucide pour être un peu plus heureux, le bonheur dans la vérité : un vrai bonheur ou un bonheur vrai
     
  • La norme de la philosophie c’est la vérité
     
  • Si l’on soumettait tout au bonheur, reconnaissons qu’il y a beaucoup d’illusions confortables que je connais qui me rendraient bien plus facilement heureux que bien des vérités désagréables
     
  • Si le philosophe a le choix entre une vérité et un bonheur il n’est philosophe ou digne de l’être qu’en tant qu’il choisit la vérité
     
  • Le bonheur est le but, la vérité est la norme de la philosophie ; ce à quoi on se soumet
     
  • Ce n’est pas parce qu'une idée me rend heureux que je dois la penser mais c’est parce qu’elle me paraît vraie
     
  • L’idée de mourir n’est pas une cause de joie mais c’est à moi d’en tirer un certain bonheur : une acceptation  et éventuellement un certain bonheur.
     
  • Il ne s’agit pas de penser ce qui me rend heureux, car la philosophie ne serait que la méthode Coué ; il s’agit de penser ce qui me paraît vrai.
     
  • Ce que j’appelle, corrigeant Spinoza par Montaigne : « la norme de l’idée vraie donnée ou possible »
     
  • Car la vérité on ne la connaît jamais toute ou absolument et en toute certitude
     
  • Qu’est-ce que la vérité ? C’est l’adéquation à ce qui est.
     
  • On n’en connaît jamais toute mais on en connaît clairement assez
     
  • L’Etre et la vérité sont une seule et même chose
     
  • L’Etre c’est ce qui se dit du côté du réel dans l’attribut étendu
     
  • La vérité ultime je ne la connais pas c’est pourquoi il y a dans la philosophie une dimension de scepticisme. Mais de là à dire qu’on ne connaît rien il y a un pas à ne pas franchir
  • Selon Spinoza tout est déterminé parce qu’il applique sans exception le principe de causalité : tout fait a une cause et dans les mêmes conditions la même cause produit les mêmes effets
     
  • Autrement dit quel que soit l’acte que je commets cet acte a des causes à commencer par vous-même
     
  • Or quand avez-vous choisi d’être vous ?  Jamais évidemment, et donc tout choix suppose un sujet qui choisit mais comme on n’a jamais choisi le sujet qui choisit, tout choix en vérité est déterminé par l’histoire du sujet qui a accompli ce choix.
     
  • Autrement dit tout comportement s’explique, l’irrationnel n’existe pas, tout a des causes
     
  • Selon Spinoza, le nihilisme ou tout se vaut : non
     
  • Par exemple l’ordinateur d’aujourd’hui n’est pas le même que celui dont je me servais il y a quelques années. Les comportements d’un salaud et d’un héros ont des causes mais cela ne signifie pas que ce soit la même chose
  • Spinoza assume un déterminisme général sans pour autant tomber dans le nihilisme et prétendre que tout se vaut
     
  • Il s’agit de s’approcher le plus précisément de l’idée d’humanité que nous avons en nous
     
  • Il y a une marge de manœuvre qui nous permet de nous extraire du déterminisme : c’est la volonté, qu’on appelle techniquement le libre arbitre en philosophie.
     
  • Le libre arbitre est le pouvoir indéterminé de se déterminer soi-même
     
  • Tandis que la volonté est le pouvoir déterminé de se déterminer soi-même
     
  • J’ai le pouvoir en moi  de me transformer, c’est un pouvoir déterminé qui fait que je peux prendre ma vie en mains à partir de ce que je suis, ce que je n’ai pas choisi d’être ultimement
     
  • La seconde marge de liberté pour Spinoza c’est la raison qui n’est pas indéterminée mais qui n’est soumise qu’à sa propre nécessité
     
  • Etre libre ce n’est pas n’être soumis à aucune nécessité ou aucun déterminisme ; c’est n’être soumis qu’à sa propre nécessité. C’est n’être déterminé que par soi. Si bien que si je progresse en raison, plus j’échappe aux déterminismes de mon histoire de mon enfance de mes émotions…de mon inconscient
     
  • Spinoza ne croit en aucun libre arbitre mais il croit en la libération
     
  • Il faut distinguer les théoriciens du libre arbitre et de la liberté absolue parce que si elle n’est plus absolue ce n’est plus un libre arbitre – Descartes, Kant, Sartre –, des philosophes de la libération  tels que Spinoza, Marx et Freud.
     
  • L’erreur des stoïciens c’est de penser que la raison et la volonté ne font qu’un alors que chez Spinoza elles font deux.
     
  • Mais la raison seule ne fonde pas l’éthique et la morale car il est impossible de démontrer rationnellement que la vie vaut mieux que la mort. Car pour qu’il  y ait un jugement de valeur la raison ne suffit pas, il faut qu’il y ait un désir. La vie vaut mieux que la mort si vous désirez vivre. Mais vous pouvez désirer la mort.
     
  • On tombe alors sur une autre idée qui est celle du relativisme. Spinoza récuse et le dogmatisme des valeurs en soi, des valeurs absolues, des valeurs éternelles et anhistoriques, et le nihilisme qui voudrait que rien ne vaille
     
  • Pour Spinoza toute valeur est relative au désir qui l’anime : ce n’est pas parce qu’une chose est bonne que nous la désirons mais inversement c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. Ce n’est pas la valeur qui gouverne le désir c’est le désir qui produit la valeur
     
  • C’est le philosophe le plus rationaliste de tous les temps. Le désir est l’essence même de l’homme, pas la raison
     
  • La raison à elle seule n’a jamais fait agir personne. Elle n’est qu’un moyen, un outil
     
  • Pour être fidèle à Spinoza il faut tenir bon sur la raison : le rationnel signifie que l’irrationnel  - qui n’est pas le déraisonnable - n’existe pas, c’est un ensemble vide ; c’est ce que la raison ne pourrait en aucun cas expliquer. Le déraisonnable c’est ce que la raison ne peut pas approuver
     
  • Philosopher c’est penser sa vie et vivre sa pensée. Le philosophe n’est pas la femme de ménage de l’esprit, il n’est pas là pour faire la philosophie à votre place
  • Montaigne : « Si je peux être savant du savoir d’autrui, du moins sage ne puis être que de ma propre sagesse »
     
  • Le commun des mortels se fait une idée du philosophe comme celui qui a réponse à toutes les questions ; mais ce n’est pas la fonction du philosophe ; c’est aux gens de prendre leurs décisions et non au philosophe de les prendre à leur place.
     
  • Ce n’est pas le cas de Descartes qui pense qu’il y a des vérités certaines, des vérités démontrables et démontrées (philosophe "dogmatique" au sens technique et non péjoratif)
     
  • La seule façon de connaître un philosophe c’est d’écouter ses conférences et de lire ses livres
     
  • Philosopher c’est penser sa vie et vivre sa pensée : entre la vie et la pensée demeure toujours un écart irréductible. Il n’a jamais suffit de philosopher pour vivre bien. Cela ne veut pas dire qu’en philosophant on ne vit pas un peu mieux : sans prétendre être un sage, je peux être à la fois plus libre, plus lucide et plus heureux quand tout va bien que je ne le serais si je n’avais pas philosophé. Et un peu moins malheureux quand tout va mal que je ne le serai sans la philosophie.
     
  • On ne peut pas demander à la philosophie plus que ce qu’elle peut donner.
     
  • La philosophie n’est pas une panacée mais ce n’est pas une raison pour ne pas en faire.
     
  • J’aime les philosophes qui ne croient pas en la philosophie : Pascal, Montaigne, et qui n’en sont que davantage philosophes. Arrêtons de croire en la philosophie comme en une religion
     
  • Tout est vanité y compris la sagesse, mais vanité pour vanité, mieux vaut une vie sage qu’une vie folle (L’ecclésiaste). Le contraire de la sagesse c’est la sottise.
     
  • Par ailleurs, toute philosophie est prisonnière d’une subjectivité, d’un tempérament. C’est une objection à faire aux philosophies dogmatiques qui prétendent à une vérité objective. Un autre individu qu’Aristote avec une autre singularité aurait inventé une autre philosophie
     
  • Il y a autant de philosophies différentes qu’il y a de philosophes différents.
     
  • C’est une raison forte pour que je fasse de la philosophie moi-même puisque je ne peux pas interroger un philosophe pour philosopher à ma place puisque LA philosophie ne dit rien, ça n’existe pas, ce n’est qu’une abstraction.
     
  • Je peux lui demander ce que disent LES philosophes. C'est en me confrontant à la pensée singulière de l’un puis de l’autre et à leurs pensées, que je pourrai me forger ma propre opinion et peut-être ma propre philosophie.
     
  • La seule façon d'agir ce n’est pas d’apprendre le savoir des autres comme on fait dans les sciences mais en se confrontant à la pensée des autres. La seule façon d’apprendre à philosopher c’est d’abord de lire les grands philosophes du passé.

Comment réconcilier Montaigne et Spinoza

  • Spinoza a raison du point de vue de Dieu, du point de vue de l’absolu
     
  • Mais comme je ne suis qu’un homme je me contente plus modestement de préférer Montaigne
     
  • Spinoza a théoriquement et abstraitement raison, mais que Montaigne est concrètement plus près d’une vérité qui soit humainement accessible.
     
  • Etre du côté de Montaigne c’est ne pas croire tout à fait à la philosophie,  ne pas croire tout à fait à la sagesse.
     
  • « Tant sage qu’il voudra – écrit Montaigne - mais enfin c’est un homme, qu’est-il plus caduque, et plus de néant ? »
     
  • Vanité de la sagesse !! Préférer la vie à la philosophie et à la sagesse !
     
  • La vraie sagesse ce n’est pas l’amour de la sagesse, ce n’est pas d’aimer le bonheur, d’aimer la philosophie. C’est d’aimer la vie, heureuse ou malheureuse, sage ou pas.
     
  • Mettre le cheminement d’un individu plus haut que les systèmes.
     
  • « Notre grand et dernier chef d’ouvre c’est de vivre à propos » Montaigne

Le rapport à la mort

  • Spinoza : l’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort
     
  • Sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie
     
  • Penser la vie c’est forcément aussi penser la mort puisque je mourrai et ce n’est pas rien (même si la mort c’est rien)
     
  • Penser la mort c’est penser notre part d’échec, d’impuissance de finitude, de tragique de la philosophie
     
  • La finitude est dimension essentielle de notre existence.
     
  • « Tout contentement des mortels est mortel  » (Montaigne)
     
  • «  Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant » (Montaigne)
     
  • La mort fait partie de la vie. « Je veux qu’on agisse, et qu’on prolonge les offices de la vie tant qu’on peut; et que la mort me trouve plantant mes chou, mais nonchalant d’elle, et encore plus de mon jardin imparfait »
     
  • Pensons à la mort avec nonchalance, acceptons de mourir et comprenons que la vie est d’autant plus précieuse qu’elle aura une fin
  • Chaque instant de ma vie mérite que j’y mette le plus grand soin, que je le savoure le mieux que je peux

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http://www.philomag.com/bac-philo/copies-de-reves/avons-nous-le-devoir-de-chercher-la-verite-7281

«Avons-nous le devoir de chercher la vérité?»

19/20

Excellent devoir, propos limpide et convaincant, à la fois simple et ambitieux, parfaitement progressif. Vous apportez une véritable réponse à la question posée.

Introduction

« La vérité est-elle bonne, et donc un devoir, ou doit-on accepter notre ignorance et nos illusions, au nom de la protection contre une vérité qui pourrait s’avérer nuisible? »

La vérité est une valeur connotée positivement dans la plupart des domaines de notre existence: on proscrit et punit le mensonge de l’enfant, de l’homme politique, et on fait l’éloge de la « transparence ». Pourtant, le mensonge est un fait. Nous ne mentons pas juste pour nous protéger mais aussi pour protéger nos proches sur qui nous craignons les effets blessants de la vérité. Le statut de la vérité est donc paradoxal: valorisée, elle est aussi crainte. Cela explique l’attitude de l’un des personnages du film Matrix qui, après avoir pris connaissance de la réalité, demande à retourner dans l’illusion et l’ignorance d’où il vient. N’est-il pas en effet logique de préférer l’ignorance à une vérité inutilisable, voire nuisible? Pourtant, ce personnage est aussi, dans le film, le plus immoral, celui qui trahit les autres au profit de son intérêt personnel. En effet, quel genre d’hommes serions-nous si nous renoncions à la recherche de la vérité au profit de notre satisfaction personnelle? L’habilité à la compréhension et à l’explication du monde n’est-elle pas ce qui distingue l’homme de l’animal? Cela signifie-t-il que la vérité est un devoir absolu? Qu’il faut la chercher à tout prix? Le mensonge et le secret ne sont-ils pas nécessaires au bon fonctionnement des sociétés? Dès lors, le citoyen n’a-t-il pas le devoir de ne pas toujours chercher la vérité et d’accepter que tout ne lui soit pas dit? Ainsi, s’il existe un devoir de dire la vérité, nous voyons qu’il pose problème, tant dans sa mise en œuvre que dans ses effets. C’est pourquoi nous nous demandons si nous avons le devoir de chercher la vérité. La vérité est-elle bonne, et donc un devoir, ou doit-on accepter notre ignorance et nos illusions, au nom de la protection contre une vérité qui pourrait s’avérer nuisible?
Nous verrons dans un premier temps que nous n’avons pas le devoir de chercher la vérité car le mensonge, le secret servent souvent nos intérêts individuels et collectifs. Mais, justement parce qu’elle n’est pas toujours bénéfique, ne s’impose-t-elle pas comme un devoir moral
? Peut-on le suivre à tout prix?

1re partie

« Le mensonge sert nos intérêts individuels et collectifs »

La vérité est une valeur fondatrice de nos sociétés.Pourtant, nous nous en méfions aussi. La révélation de la vérité est souvent violente: nous sommes sortis brutalement de nos illusions et de notre ignorance qui constituaient un voile protecteur. C’est pourquoi nous faisons un usage fréquent du mensonge. Il sert parfois à nous protéger nous-mêmes: nous dissimulons une vérité qui pourrait nous nuire et souhaitons alors que les autres ne cherchent pas cette vérité que nous cachons. Mais nous savons alors que ce n’est pas justifiable. En revanche, il peut sembler plus légitime de ne pas chercher une vérité blessante. À quoi bon chercher une vérité qui peut nuire? Au contraire, nous devons alors ne pas la chercher. Pascal arrive à cette conclusion dans les Pensées. Le fondement du droit n’est pas la justice véritable mais les mœurs. Nous avons le devoir de ne pas chercher la vérité sur l’origine du droit car cela risque d’en mettre en péril la fonction de pacification de la société, si était révélée l’illégitimité de son origine. Chercher la vérité n’est donc pas un devoir: lorsqu’elle est nuisible il faut au contraire la maintenir cachée.
Ainsi, toute société s’organise sur la base d’une dose de mensonge, de secret. L’apprentissage de la politesse est l’apprentissage d’une forme d’hypocrisie dans laquelle on ne doit pas dire toute la vérité et on ne doit pas la chercher non plus. La question « Ça va? » n’appelle ainsi jamais de réponse sincère mais est simplement formelle. Pour que les relations sociales soient apaisées, mieux vaut que nous ne sachions pas toute la vérité sur ce que les autres pensent de nous. Le citoyen ne doit pas non plus chercher à connaître les vérités que la raison d’État autorise à garder cachées. Ainsi, dans Le Livre du philosophe, Nietzsche explique que l’instinct de vérité n’est pas naturel chez l’homme. Celui-ci est plutôt spontanément tourné vers la ruse qui lui permet de survivre. S’il développe un amour de la vérité, c’est dans un second temps, car elle lui est utile pour vivre avec ses semblables. La vérité n’est donc intéressante que si elle est utile. Nous préférons le mensonge ou l’ignorance à une vérité nuisible ou inutile.
On ne doit donc pas toujours chercher la vérité car celle-ci n’est pas nécessairement bonne. Elle peut être inutile ou nuisible et alors notre quête de vérité sera vaine. Toutefois, cela ne signifie pas que ce ne soit pas notre devoir. Le devoir désigne en effet ce que l’on s’impose à soi-même au nom de valeurs et non de ses intérêts. N’avons-nous alors pas le devoir de chercher la vérité
?

2e partie

« Nous avons le devoir de chercher la vérité pour y gagner notre liberté »

Chercher la vérité, c’est, en effet, essayer de comprendre et d’expliquer le monde dans lequel nous vivons. Seul l’homme est en mesure de produire un discours scientifique qui lui permet de décrire, d’expliquer et de comprendre la nature et le monde qui l’entourent. Grâce à cette vérité, nous pouvons dominer la nature, la transformer et finalement nous en libérer. Sans ce travail de recherche de la vérité, l’homme resterait à l’état animal: partie d’une nature qu’il subirait. Grâce à la science au contraire, l’homme parvient à s’en extraire. Nous avons donc le devoir de chercher la vérité pour y gagner notre liberté. Ce n’est pas un devoir désintéressé, mais une nécessité qui s’impose à nous car notre existence d’êtres humains en dépend. Ainsi, dans la République, Platon montre dans l’allégorie de la caverne comment l’homme passe de son état de prisonnier ignorant et bercé d’illusions à celui d’homme libre en accédant au savoir, symbolisé par la sortie de la caverne, et l’accès au soleil et à sa lumière. Nous avons donc le devoir de chercher la vérité qui nous libère.
Mais ce n’est pas seulement parce qu’elle est utile que la vérité est un devoir. C’est aussi parce qu’elle est bonne, moralement. Ce n’est pas juste un outil, c’est aussi une valeur liée à notre humanité
: la recherche de la vérité est un devoir parce que, justement, elle peut être nuisible, elle apporte la preuve de notre capacité proprement humaine à ne pas seulement être attachés à des intérêts, à ne pas nous contenter de suivre notre instinct de survie. C’est ce qu’explique John Stuart Mill dans L’Utilitarisme: « Il vaut mieux être Socrate malheureux qu’un imbécile heureux »,un homme insatisfait qu’un porc satisfait. Parce qu’elle peut nous nuire, ne devons-nous pas pour autant renoncer à la recherche de la vérité au nom du bonheur que procurent les illusions et l’ignorance? C’est notre dignité d’être humain qui est en jeu dans la recherche de la vérité et l’amour de la connaissance.

Nous avons donc le devoir de chercher la vérité
: c’est un devoir moral car là se jouent notre liberté et notre dignité, notre condition d’être humain. Mais un devoir moral est une règle absolue. Il vaut en toutes circonstances. Avons-nous le devoir de chercher ainsi la vérité à tout prix? Est-il possible de mettre ce devoir en œuvre s’il me nuit, à moi et aux autres? Comment faire donc pour rendre ce devoir compatible avec la réalité?

3e partie

« Ce n’est pas la recherche de la vérité qui est blessante, mais son usage » 

Chercher la vérité est un devoir mais, on l’a vu, elle peut être blessante. Or la finalité du devoir moral est d’être mis en œuvre concrètement. Comment faire pour respecter ce devoir s’il peut nuire? Il y a toutefois là un paradoxe: la vérité peut être blessante mais nous ne le savons qu’une fois que nous l’avons trouvée. Tant que la vérité n’est pas connue, elle ne peut être blessante et donc on peut difficilement trouver là un argument pour ne pas la chercher. De la même manière, une fois qu’elle est connue, ce n’est pas en elle-même qu’elle peut s’avérer dangereuse, mais selon ce que l’on en fait. Le problème des effets négatifs de la vérité ne concerne donc pas tant la recherche de la vérité que son utilisation. Ainsi, selon le mot de Einstein dans sa correspondance, la découverte de la fission atomique et du nucléaire n’est pas plus dangereuse que l’invention des allumettes. Tout est fonction de qui utilise ces découvertes, pour quoi et comment. Nous avons donc le devoir de chercher la vérité car elle n’est pas en elle-même dangereuse.
Cela signifie que ce devoir, dans sa mise en œuvre, doit être associé à des règles qui concernent ce qu’on fait, comment on la dit.
Ce qui est nuisible ce n’est donc pas la vérité trouvée mais la vérité révélée. La brutalité de la révélation que nous avons évoquée plus haut concerne ainsi le dévoilement de la vérité une fois qu’elle est connue. Dans Des réactions politiques, Benjamin Constant montre ainsi que toute règle morale doit s’accompagner de règles secondaires, rendant son application possible. On ne peut ainsi suivre aveuglément le devoir de dire la vérité sans réfléchir à qui a droit à cette révélation (par exemple, pas celui qui va l’utiliser contre quelqu’un). De même, nous disons que nous n’avons donc le devoir de chercher la vérité qu’à condition de savoir comment la révéler.
 

Conclusion

Nous avons donc le devoir de chercher la vérité. Certes, elle peut être dangereuse ou nuisible. Mais nous n’en savons rien tant que nous ne l’avons pas cherchée et il en va de notre liberté et de notre dignité d’hommes de ne pas nous contenter de douces illusions. D’ailleurs, nous ne savons pas si elle est blessante tant que nous ne l’avons pas trouvée. Nous avons donc le devoir de la chercher mais aussi celui de réfléchir à ce qu’il en advient quand nous l’avons trouvée.

ParAÏDA N'DIAYE


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