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Zombies (1994) de Bret Easton Ellis

Par Colimasson





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Zombies sont des pièces littéraires oscillant entre la vie et la mort : elles contiennent la substance des romans de Bret Easton Ellis sans l’impulsion ultime qui aurait pu leur permettre de trouver un véritable élan. Que les histoires se passent à Mulholland, au bord d’une piscine, sur une île tropicale ou à Los Angeles, que les personnages s’appellent Bruce ou Brenda, qu’ils carburent à l’Absolut, au Temesta ou à la cocaïne, Bret Easton Ellis nous raconte à chaque fois la même histoire. Le lecteur qui aura déjà connu Moins que zéro ne sera absolument pas surpris. S’il avait aimé ce livre, tant mieux pour lui : ces petites variantes conviendront comme friandises avant de tourner définitivement la page sur Bret Easton Ellis version enfant gâté et dépressif. Qu’on ne se méprenne pas toutefois sur la nature véritablement désespérée de ces Zombies et qu’on ne confonde pas l’atonie de Bret Easton Ellis avec la médiocrité d’un style qui n’excelle ni dans le dialogue, ni dans la narration. La lassitude s’étale dans des conversations insipides et dans des ébauches de gestes dérisoires sauf lorsque Bret Easton Ellis quitte son désenchantement pour nous donner un aperçu de sa réserve substantielle d’illusions. On tombe alors sur un morceau inespéré de fantastique moderne mêlant humour grinçant et références geeks, comme lorsque la Faucheuse rencontre Star Wars au bord d’une piscine privée luxueuse :


« En montant je parle au ranger, un jeune type d’environ dix-neuf ans, mon âge, assez beau. Je veux savoir dans quel état était le cadavre quand il l’a trouvé.
« Vous voulez vraiment le savoir ?demande-t-il, avec un sourire sur son visage calme.
-Oui. » J’acquiesce de la tête.
« Eh bien, ça paraît bizarre, mais quand je l’ai vu la première fois, eh bien, j’ai cru voir Darth Vader en réduction, dit-il en se grattant la tête.
-Quoi ?
-Ouais, Darth Vader. En plus petit. Vous voyez ? Dans La Guerre des Etoiles, OK ? » dit-il avec un petit accent impossible
à situer. »


Bret Easton Ellis nous permet également de renouveler le genre de l’absurde. Ses personnages se frappent la tête contre les murs pour mieux faire passer le temps, et nous avons l’impression de revoir Estragon et Vladimir, racontant n’importe quoi dans l’attente inespérée d’un évènement qui modifiera le cours perdu de leur vie :


« Bon, s’exclame Martin, tout ça est très divertissant, mais qu’est-ce qu’on fout ici, Leon, hein, qu’est-ce qu’on fout ici ?
-Je ne sais pas, dit Leon en haussant les épaules. Qu’est-ce qu’on fout ici ?
-C’est moi qui pose la question. Qu’est-ce qu’on fout ici ?
-Je ne sais pas, répète Leon en haussant à nouveau les épaules, je ne sais pas, demand
e-lui. »


Pourquoi Bret Easton Ellis ne pourra-t-il jamais rivaliser avec Samuel Beckett ? La lecture nous laisse croire qu’il manque au premier la sincérité qui rendait le second vraiment désespérant. Zombies nous rendra au mieux amusés, au pire agacés. Chaque histoire nous permet de contempler un Bret Easton Ellis prenant la pose du dépressif –malheureusement, il ne nous permet jamais d’aller au-delà de ses propres préoccupations stériles, dont tous ces Zombies ne sont que les mornes reflets.



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*photo de Jessica Craig Martin


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