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Le portrait de Dorian Gray (1891) d'Oscar Wilde

Par Colimasson





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Le portrait de Dorian Gray écrit par Oscar Wilde est à la fin du 19e siècle ce que fut, par exemple, 99 F de Frédéric Beigbeder à la fin du 20e siècle. Même goût pour la vie mondaine, frivolité revendiquée –le nom du personnage est inspiré d’un véritable « Gray » qu’Oscar Wilde essayait d’emballer- et attitude de nonchalance savamment étudiée : voici les caractéristiques des mirliflores, d’un siècle à un autre. Littérairement parlant ? On aurait plutôt tendance à louer la fluidité sophistiquée de l’écriture d’Oscar Wilde au détriment du style moins recherché de Beigbeder, mais ce dernier aurait-il passé plus de temps à peaufiner son roman, n’aurait-il pas lui aussi atteint une noblesse d’écriture qui fait défaut au roman dandy du 20e siècle ? Bien que le Portrait de Dorian Gray glisse onctueusement des pages exquises sous le palais de son lecteur, son écriture demanda des efforts considérables de la part de son auteur. Oscar Wilde frise parfois le plagiat et quelques-unes de ses plus belles réflexions sont directement extraites de ses sources d’inspiration majeures, Walter Pater et John Ruskin en tête. Et puis alors ? Le résultat est là : Le portrait de Dorian Gray est un condensé de pensées profondes et essentielles qui se lit avec l’aisance d’un roman de gare –aphorismes d’humour noir tissés et reliés par la trame d’une fiction. Avec l’habilité d’un publicitaire avant l’heure, Oscar Wilde condense l’idée. Elle se boit pure et d’une traite, dans un verre en cristal qu’on tiendra le petit doigt en l’air.


« Qu'est-ce qu'un rapport humain aujourd'hui? Il afflige par sa pauvreté. |...] Rencontrer quelqu'un devrait constituer un événement. Cela devrait bouleverser autant qu'un ermite apercevant un anachorète à l'horizon de son désert après quarante jours de solitude »


Toute l’ambivalence du roman tourne autour de cette idée. Ses personnages sont des âmes exaltées, capables des plus vifs enthousiasmes pour ceux qu’ils imaginent être les plus intéressants. Toutefois, la loi de la sélection est dure et n’élit qu’un ou deux privilégiés parmi la masse insignifiante et médiocre des êtres humains qui constituent l’environnement direct de chacun. Cette exigence de l’autre toujours déçue permet à Oscar Wilde de manier le cynisme et de peaufiner son art de la réplique à l’extrême. En parlant de son roman, l’auteur écrivait : « je crains qu’il ne ressemble beaucoup à ma propre vie : tout en conversation et pas d’action ». Oscar Wilde ne s’était pas trompé, mais la conversation remplace l’action et parvient souvent à la transcender en divulguant des images plus marquantes et éternelles, là où l’action aurait peut-être seulement eu une efficacité éphémère. La réflexion esthétique qui cherche à s’accaparer les premiers plans de la thématiques du Portrait sous-tend en réalité cette quête effrénée de l’âme sœur : l’art peut alors se présenter en substitut mineur à la relation idéale ; l’art devient relation narcissique de soi aimant ses propres passions. A la fin du 20e siècle, Frédéric Beigbeder nous montrera que la société de consommation constitue une autre issue de secours. La facilité en plus. C’est d’ailleurs ce qui distingue le mieux les deux romans : si le Portrait de Dorian Grayrelève du bijou tandis que 99F emprunte ses termes au prospectus publicitaire, sans doute faut-il en imputer le mérite à une époque moins désenchantée qui n’était pas encore définitivement guérie de « l’art pour l’art » et qui s’échinait à lui rendre un digne hommage. Lorsque la beauté de forme ne peut s’accompagner que du renouvellement de la beauté de fond, liée au paradoxe et aux idées de décadence, le Portrait de Dorian Gray devient figure-même de la dégénérescence. En apprécie-t-on les modalités ? A-t-on envie de s’exclamer au génie à chaque page tournée ? De longs et heureux jours attendent encore la décadence…




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Jamais loin d'A Rebours de Huysmans...

« J’aime bien tout savoir de mes nouveaux amis, et rien de mes anciens. »





*peinture d'Alfonso Rocchi


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